La lecture de cet article révèle trois aveux : tout d’abord, l’insuffisante ambition politique et sociale de ce projet de loi, même si la commission a contribué à affermir les timides principes initiaux ; ensuite, la continuité du contenu de cette réforme, qui s’inscrit dans la logique des réformes précédentes et de la loi de 2010 que nous avions pourtant combattues ensemble ; enfin, l’adhésion, une nouvelle fois, au dogme du « Vivre plus, travailler plus », dont chacun commence d’ailleurs à réaliser qu’il s’agit d’un raisonnement spécieux.
En effet, les principes posés ne se fondent que sur des minima qui sont en phase avec le titre très défensif de ce projet de loi, qui vise à « garantir l’avenir et la justice du système de retraites ». Il n’est pas question de développer le système ou de renverser les logiques, mais de garantir : serait-ce la seule ambition majeure de la gauche ? Cela ressemble fortement à un aveu d’impuissance.
S’il faut se féliciter de l’affirmation du principe du régime de retraite par répartition, nous savons que, réforme après réforme, il est mis à mal et fragilisé. Cet article ne pose pas le principe d’un revenu minimal décent, c’est-à-dire supérieur au seuil de pauvreté, alors que nous savons que des centaines de milliers de retraités sont pauvres. Il pose encore comme principe « un niveau satisfaisant de revenus ». Satisfaisant pour qui ? Pour la nation, comme le prévoit la rédaction de l’article ? Mais alors que tout concourt à l’économie, à la baisse du pouvoir d’achat, à la réduction de la dépense publique, donc sociale, comment détermine-t-on un niveau « satisfaisant » ?
Dans son alinéa 6, cet article affirme le principe d’égalité entre les hommes et les femmes. Comment ne pas s’en féliciter ? Mais la question qui se pose aussitôt est celle de savoir où sont les effets concrets de cette volonté. L’égalité salariale rapporterait jusqu’à cinq milliards d’euros de cotisations, alors agissons pour y parvenir !
La suite de la lecture de ce projet de loi démontre, et nous allons y être confrontés durant tout le débat, que les mesures proposées vont souvent à l’encontre des principes minimums édictés.
Il faut, selon nous, affirmer que l’ensemble des revenus doivent concourir au développement de notre système de retraite par répartition – je pense notamment aux revenus financiers – et contribuer à l’exercice de ce droit fondamental qu’est le départ à la retraite à 60 ans à taux plein.
Ce faisant, nous affirmerions de véritables principes de gauche, cette gauche qui a su, en 1981 comme en 1997, utiliser la voie du progrès social et de l’humain ouverte par Ambroise Croizat en 1945.