Je salue l'ensemble des parlementaires, qu'ils soient réélus ou nouvellement élus, de la majorité comme de l'opposition, et je me tiens à leur disposition pour revenir répondre aux questions auxquelles je n'aurais pas le temps de répondre.
Élément structurant de notre économie, l'énergie est indispensable à tous les stades de développement. Elle est au coeur des enjeux du réchauffement climatique, mais aussi des enjeux de sécurité, un an après la catastrophe de Fukushima.
François Hollande s'était engagé à conduire la transition énergétique conformément aux principes d'indépendance, de sécurité, d'emploi et de pouvoir d'achat, dans le respect de nos objectifs en matière de lutte contre le changement climatique.
Le changement climatique, causé par les émissions de gaz à effet de serre dues à l'activité humaine, est désormais démontré par des faits scientifiques irréfutables. L'enjeu consiste, pour le Gouvernement, à ne pas séparer la question de la transition écologique de celle de la transition énergétique, d'où le regroupement de l'écologie, du développement durable et de l'énergie dans le périmètre de mon ministère. Notre objectif est simple : tenir notre engagement européen de réduire de 20 % nos émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020 et des trois quarts – autrement d'atteindre le facteur 4 – d'ici à 2050.
Mais il est d'autres enjeux pour la France.
Le premier a trait aux emplois. Le secteur de l'énergie représente environ 500 000 emplois directs et indirects, 25 % des investissements de l'industrie et plus de 2 % du PIB. En outre, la compétitivité du prix de l'énergie est un levier d'attractivité économique déterminant. Mon ambition, comme celle du Président de la République, est de conforter et de diversifier ces emplois, en misant sur des filières d'avenir de l'économie écologique – ce que l'on appelle la « croissance verte ».
Un deuxième enjeu est celui de l'indépendance énergétique. Dans la mesure où l'énergie s'inscrit dans un contexte géopolitique mondial, la sécurité d'approvisionnement doit se concevoir en termes économiques et de diversification des sources d'approvisionnement. Le poids de la facture énergétique dans notre balance commerciale est déterminant : 61,4 milliards d'euros, soit l'équivalent de 3 % du PIB en 2011 ou encore de notre déficit commercial. La diversification de nos sources d'approvisionnement nécessite de réduire notre dépendance au tout nucléaire pour la production d'électricité, comme au tout pétrole pour le transport – le pétrole représentant à lui seul 45 % de nos besoins en énergie finale, contre 21 % pour le gaz. La part des énergies renouvelables reste insuffisamment développée dans le mix énergétique, lequel a peu évolué dans la période récente. En particulier, les filières d'énergie renouvelable ont été fragilisées par des changements récurrents de politique tarifaire et d'encadrement réglementaire, en particulier le photovoltaïque et l'éolien : de nombreuses entreprises ont dû fermer ou se trouvent en difficulté à l'heure actuelle. À cet égard, je voudrais rappeler les engagements du Président de la République.
D'abord, développer massivement les énergies renouvelables sans exclusive, grâce, d'une part, à un cadre réglementaire clair et stable établi avec les investisseurs pour la durée du quinquennat, et, d'autre part, à un fonds de capital-investissement dédié aux énergies renouvelables hébergé par la future banque publique d'investissement. Il s'agit, avant tout, de respecter notre engagement européen d'atteindre 23 % d'énergies renouvelables d'ici à 2020, et de créer les conditions d'une croissance des emplois durables non délocalisables dans ces filières, où ne figure actuellement aucune entreprise française, que ce soit dans le photovoltaïque ou l'éolien, parmi les dix leaders mondiaux.
Le deuxième engagement est de réduire de 75 % à 50 % la part du nucléaire dans la production d'électricité à l'horizon 2025. Il consistera à fermer la centrale de Fessenheim, qui est la plus ancienne, à mener à son terme le chantier de l'EPR de Flamanville, à ne lancer la construction d'aucune centrale durant ce mandat, et enfin à préserver le système de retraitement des déchets et la filière qui l'accompagne. La sécurité est un impératif absolu. À cet égard, les stress tests décidés aux niveaux européen et français ont d'ores et déjà conduit l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) à dresser une liste de plus de 1 000 prescriptions portant sur les installations prioritaires. J'en ferai évidemment le suivi afin d'en assurer la mise en oeuvre par les exploitants. Par ailleurs, la sous-traitance dans le secteur nucléaire doit être mieux encadrée et la filière nucléaire a vocation à devenir une industrie d'excellence en matière de démantèlement et de gestion des déchets, conformément aux voeux du Président de la République.
Le troisième engagement concerne la protection du pouvoir d'achat des Français. Vous le savez : la tendance haussière de long terme du prix de l'énergie s'explique tant par la raréfaction des ressources fossiles que par les investissements nécessaires. Il convient de permettre à l'ensemble des acteurs de s'adapter à une énergie rare et chère. D'ores et déjà plus de 8 millions de Français connaissent une situation de précarité énergétique, c'est-à-dire qu'ils consacrent plus de 10 % de leurs revenus à leur facture d'énergie. Certains d'entre eux sont amenés soit à renoncer à se chauffer, soit à subir des coupures, sans que les tarifs sociaux actuels d'électricité et de gaz n'apportent de réponse satisfaisante. C'est pourquoi le Gouvernement a pris la décision, dans le cadre d'un projet d'arrêté transmis à la Commission de régulation de l'énergie (CRE), de limiter à 2 % la hausse des tarifs réglementés du gaz et de l'électricité. S'agissant de la décision du Conseil d'État intervenue hier, j'ai été étonnée des propos tenus par l'ancien Premier ministre ce matin puisque nous héritons de la règle fixée par le précédent gouvernement, et que le contentieux vise ses propres décisions, lesquelles ont amené le Conseil d'État à demander un arrêté rectificatif de rattrapage pour la période du 1er octobre 2011 au 1er janvier 2012. Cette facture différée représentera, pour une famille se chauffant au gaz, une somme supplémentaire de 38 euros, dont le ministre de l'économie et moi-même souhaitons que les fournisseurs puissent opérer un lissage dans le temps.
La question des tarifs réglementés ressemble fort à la quadrature du cercle : d'un côté, l'énergie est de plus en plus chère, avec une tendance haussière durable ; de l'autre, des enjeux sociaux lourds. C'est la raison pour laquelle François Hollande avait, lors de la campagne présidentielle, repris l'idée dont vous êtes à l'origine, monsieur le président, d'une réforme structurelle de grande ampleur sur la progressivité des tarifs de l'énergie, visant à apporter une réponse aux situations de précarité énergétique et à instaurer un système de tarification vertueux sur le plan écologique, conformément à l'idée simple que plus l'on consomme, plus l'on doit payer. Le Gouvernement est favorable à ce qu'une initiative parlementaire permette de mener à bien cette réforme dès cet automne : mes services, en particulier ceux de la Direction générale de l'énergie et du climat, sont prêts à travailler à vos côtés et à mettre à votre disposition toutes les études d'impact nécessaires à la conduite des concertations indispensables. Cette réforme répond en effet à une situation d'urgence.
Un deuxième levier d'action rapide est l'isolation thermique des logements, qui est déterminante en termes d'économies d'énergie, de réduction de la facture énergétique des Français, et de relance de l'activité économique. Sur ce dernier point, Cécile Duflot et moi-même travaillons à la conception de dispositifs pertinents, notamment pour les logements collectifs – les logements individuels dans l'ancien nécessitant, eux, des dispositifs plus complexes à élaborer avec l'aide des collectivités territoriales.
Pour finir, le grand rendez-vous de l'énergie en 2012, c'est le débat national et citoyen sur la transition énergétique auquel s'est engagé le Président de la République. Ce débat est particulièrement important car, en fixant le cadre de la future loi de programmation pour la transition énergétique, il va déterminer le mix énergétique et les moyens que nous nous donnons pour y parvenir. Il doit également favoriser un changement culturel, une prise de conscience de la nécessaire sobriété énergétique, grâce à une réflexion citoyenne et participative entre experts, citoyens et élus sur la politique énergétique.
La proposition a été retenue que la conférence environnementale, qui aura lieu dans la première quinzaine de septembre, soit également une conférence de méthode sur le débat national sur la transition énergétique pour en fixer les dates et les modalités. Des concertations vont s'engager pour aboutir à des décisions début septembre. Le débat comportera, d'abord, une phase d'information des citoyens, puis de nombreux débats locaux et participatifs, pour aboutir à l'élaboration d'un projet de loi au premier semestre de l'année 2013 qui sera ensuite soumis et débattu au Parlement.