Il y a quelques heures, nous avons appris que Serge Haroche avait reçu le prix Nobel de physique. L'année dernière, c'était Jules Hoffmann qui se voyait décerner le prix Nobel de médecine. L'excellence de la recherche publique française est à souligner, et nous serons tous d'accord pour lui rendre hommage. Or, à lire dans la presse les réactions des responsables et des scientifiques de la recherche publique française sur les travaux qui nous sont présentés aujourd'hui, je ne suis pas certain que, en l'occurrence, elle soit pleinement respectée.
Les présidents de la commission des affaires sociales et de la commission du développement durable nous ont convoqués pour auditionner le professeur Séralini. Il s'agissait donc exclusivement de parler d'une étude sur le maïs génétiquement modifié NK603, dont les résultats ont été publiés il y a une vingtaine de jours seulement dans une revue américaine.
Il ne s'agit pas ici de débattre sur les résultats, mais sur les conditions de réalisation de cette étude. Il ne s'agit pas de débattre sur les OGM ou sur un OGM en particulier, mais de parler de la validité des données expérimentales recueillies. Or, dans cette logique, cette rencontre apparaît pour le moins précipitée. L'étude n'a été rendue publique qu'il y a vingt jours, disais-je, et, dans dix jours, l'ANSES et le Haut Conseil des biotechnologies (HCB) doivent rendre un avis qu'a sollicité le Gouvernement. Il est surprenant que l'audition du professeur Séralini intervienne avant même que les parlementaires puissent disposer des conclusions formulées par des organismes officiels sur la validité scientifique des conditions de réalisation de l'étude en question.
Deux organismes publics européens, l'Autorité européenne de sécurité des aliments et l'Agence de sécurité sanitaire allemande, ont déjà émis les plus expresses réserves sur le plan scientifique quant à la conduite et à la présentation de cette étude.
Les conditions de réalisation sont également contestées par l'INRA et par des responsables d'organismes publics, et par un collectif de chercheurs du CNRS et de l'INSERM qui, dans les colonnes de l'hebdomadaire Marianne, ont considéré cette étude comme un coup médiatique, comme une démarche qui n'est pas scientifiquement et éthiquement correcte.
Il apparaît donc regrettable que ne puissent être auditionnés en même temps que M. Séralini certains de ses nombreux collègues qui contestent les conditions dans lesquelles son étude a été réalisée. En organisant la seule audition du professeur Séralini, nos commissions risquent de donner au public l'impression qu'elles apportent la caution de l'Assemblée nationale à une étude pourtant controversée au sein de la communauté scientifique française et internationale. (Protestations des commissaires du groupe SRC)
Cependant, je voudrais poser quelques questions précises à M. Séralini. Pourquoi son étude ne comporte-t-elle pas d'analyse statistique, ce qui est pourtant la règle incontournable en toxicologie et en cancérologie ? Le professeur Lavielle, qui fait autorité en matière de statistiques, l'a récemment répété à plusieurs reprises dans la presse.
Le choix de l'espèce de rats – « Sprague-Dawley » – est-il justifié, alors qu'on sait que ces rats présentent des tumeurs spontanées dès qu'ils atteignent l'âge de deux ans ?
Pourquoi les séries sont-elles aussi peu nombreuses ?
Enfin, où les études ont-elles été réalisées ? Le certificat d'agrément expérimental ne semble pas correspondre au département du Calvados.
Je voudrais également soulever la question des liens d'intérêt. S'agissant de travaux que vous avez présentés comme hautement rigoureux et d'une éthique scientifique accomplie, on peut en effet s'interroger sur le plan de communication médiatique inédit en matière de travail scientifique et de recherche. Ainsi, les journalistes ont dû signer une clause de confidentialité avant que vous ne vous exprimiez vous-même, si bien qu'ils n'ont pas pu consulter d'autres chercheurs et accomplir leur travail contradictoire de validation des informations.
Vous avez obtenu des résultats totalement décalés par rapport à ceux des innombrables travaux qui ont été conduits sur le sujet, mais cela ne vous empêche pas d'en faire la promotion médiatique avec deux livres, le vôtre et celui de Mme Lepage, et un film. Dans un cas comparable, lorsqu'un laboratoire américain de recherche en physique fondamentale a cru avoir identifié un neutrino qui allait plus vite que la lumière, il a appelé la communauté scientifique internationale à la rescousse et, au bout de quelques semaines, il a été établi qu'il s'agissait d'un artefact. C'est ainsi que fonctionne la recherche.
Je voudrais également avoir quelques renseignements sur l'indépendance et la transparence du CRIIGEN, dont vous présidez le comité scientifique, dont M. Spiroux est le président et dont Mme Lepage est la présidente d'honneur, ce qui laisse supposer la relative étroitesse du milieu, alors que, en ce domaine, il est au contraire important d'avoir une ouverture assez large.
En ce qui concerne le financement, on parle d'une fondation suisse et d'une association largement financée par la grande distribution. Je voudrais avoir des précisions sur ce point.
Enfin, madame la présidente, je demande, au nom du groupe UMP, que la commission où j'ai l'honneur de siéger auditionne les responsables de l'ANSES et du Haut Comité des biotechnologies, ainsi que l'Académie des sciences. L'Assemblée dispose en outre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui, en application de l'article 6 ter de l'ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées, a le rôle d'éclairer le travail des parlementaires. Nous avons bien vu, avec l'exposé hautement scientifique et les diagrammes complexes qui nous ont été présentés, que nous ne sommes pas aptes à juger de ces travaux.