Je remercie Catherine Lemorton et Jean-Paul Chanteguet d'avoir organisé rapidement cette audition qui était nécessaire. La représentation nationale ne peut se tenir à l'écart de l'actualité à un moment où nos concitoyens s'interrogent. Il convenait que nous soyons au plus tôt informés de l'étude du professeur Séralini, que je remercie d'avoir accepté de venir devant nous.
Le 19 septembre dernier, nous avons tous été ébranlés par les résultats de votre recherche, professeur. Je salue votre courage pour l'avoir menée en secret pendant deux ans –et non trois mois seulement comme celles conduites habituellement par les firmes pour obtenir les autorisations. Elle a mis en évidence que le maïs transgénique NK 603 et le Roundup affectaient la santé des rats, avec deux à trois fois plus de tumeurs et une mortalité deux à trois fois plus élevée.
Vous avez dû la faire financer en partie par des enseignes de la grande distribution. Si l'on peut se réjouir de l'implication de ces dernières dans la recherche, jamais le privé n'égalera le public en ce domaine. Quand et comment l'État parviendra-t-il à financer de manière indépendante ces recherches qui concernent la santé publique ? Cela éviterait bien des suspicions qui vous ont valu certaines remarques désobligeantes sur la sincérité de vos travaux. Pourquoi vos recherches n'ont-elles pu être financées dans un cadre public ?
Les débats parfois très agressifs qui ont suivi la publication de votre étude nous confortent dans l'idée qu'il faut mettre une fois pour toutes en place une expertise réellement indépendante. C'est l'objet de la proposition de loi déposée en août dernier par Marie-Christine Blandin et l'ensemble du groupe Écologiste au Sénat, qui tend à la création d'une Haute autorité de l'expertise scientifique et de l'alerte en matière de santé et d'environnement.
Nous avons plus que jamais besoin de savoir en toute transparence ce que nous mangeons. Dans notre pays, les plantes génétiquement modifiées sont largement utilisées tant dans l'alimentation humaine qu'animale. Or, l'étiquetage n'est obligatoire pour les produits alimentaires qu'à partir d'un taux de présence d'OGM supérieur à 0,9 %. Alors qu'un décret du 1er juillet 2012 a institué le label « sans OGM », un label « avec OGM » ne serait-il pas préférable ? Ce ne serait plus aux produits sains d'indiquer qu'ils sont sains, mais aux produits toxiques de signaler qu'ils sont toxiques. Tous les produits contenant des OGM devraient l'indiquer. Plus encore, un produit composé de plusieurs ingrédients devrait porter la mention « avec OGM » si l'un au moins de ses ingrédients comporte des OGM ou provient d'animaux ayant été nourris avec des OGM. Ce serait inverser la charge de la preuve, pour le plus grand bénéfice des consommateurs. Qu'en pensez-vous ?
Il est désormais établi sans ambiguïté que l'ingestion d'OGM peut nuire à la santé. Au nom même du principe de précaution, le moratoire doit donc être prolongé et même étendu à leur utilisation dans l'alimentation du bétail. Le principe de précaution, énoncé par la Charte de l'environnement qui fait partie de notre bloc de constitutionnalité, devrait s'appliquer non seulement au domaine environnemental mais aussi sanitaire.
Sur ce dossier éminemment politique, comme le montrent nos débats, le Parlement doit travailler en étroite liaison avec tous les ministères concernés – agriculture, environnement, recherche, santé – car il y va de la santé de nos concitoyens.
Je vous remercie par avance, professeur, des réponses que vous pourrez nous apporter. Je vous remercie aussi et surtout, ainsi que toute votre équipe, pour le courage et la pugnacité dont vous avez fait preuve.