Intervention de Delphine Batho

Réunion du 11 juillet 2012 à 18h15
Commission des affaires économiques

Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie :

Je tiens tout d'abord à rassurer M. Herth : le Gouvernement écoutera tous les parlementaires, ceux de l'opposition comme ceux de la majorité. Quant à la place du Parlement dans la conférence environnementale ou le débat national sur la transition énergétique, la gouvernance résultant du Grenelle de l'environnement a fait consensus : il convient d'ajouter aux cinq collèges un collège parlementaire. J'y suis donc favorable mais en précisant que le Parlement reste souverain.

S'agissant de la « tarification progressive », je tiens au mot « progressive » car il est clair et précis. Le Gouvernement a décidé de limiter la hausse des tarifs réglementés à l'inflation : je tiens à rappeler que GDF demandait 8,1 % et non 4 % ou 5 % comme j'ai pu l'entendre. Nous assumons notre décision, qui vise à protéger le pouvoir d'achat de familles, tout en précisant que nous ne sommes pas satisfaits du système actuel d'établissement des tarifs réglementés, dans lequel l'opérateur saisit la CRE, qui décide, le Gouvernement n'ayant plus qu'à avaliser la décision, faute de quoi l'opérateur l'attaque devant le Conseil d'État. Le mécanisme doit être remis à plat, en conformité avec les directives européennes, évidemment, et nous sommes conscients de la difficulté. Toutefois, la démonstration est faite que la formule de la loi NOME ne saurait être conservée.

Si les tarifs sont réglementés, monsieur Chassaigne, c'est qu'il s'agit de biens de première nécessité, de biens communs : l'accès à l'énergie.

Le blocage des prix de l'essence a été envisagé dans des périodes de forte hausse. Or ils se sont stabilisés, et ont même diminué. La mesure n'est donc pas à l'ordre du jour mais elle demeure une possibilité ouverte en vertu de l'article 410-2 du code du commerce.

Des contrats de petits producteurs d'hydroélectricité arrivent à échéance en octobre 2012 : nous travaillons avec les services concernés pour parvenir à un régime qui convienne à toutes les parties, notamment s'agissant des mises aux normes environnementales.

Je précise que, devant la Commission du développement durable, j'ai repris M. Baupin sur le mot « laxisme » au sujet de l'Agence de sûreté nucléaire – je reviendrai sur le cas de Fessenheim.

M. Peiro a eu raison d'aborder la question de l'eau. Une directive européenne exige de la France qu'elle mette en bon état écologique 66 % de ses masses d'eau pour 2015 : or le risque est grand aujourd'hui de ne pas pouvoir atteindre cet objectif. Un rapport sur le sujet sera rendu au Gouvernement à la fin de l'année. Il faut redonner la priorité à la question de la qualité de l'eau, notamment en ce qui concerne les nitrates et les produits phytosanitaires. La gestion quantitative doit être revue en profondeur. Une des premières décisions que j'aie prises a été d'abandonner les deux projets de décret en cours de préparation qui, à la suite de la sécheresse de l'an dernier, rendaient possible la construction de retenues de substitution en l'absence d'enquête publique. M. Le Foll et moi-même engagerons sur le sujet des concertations avec les agriculteurs et les associations de protection de la nature.

Je répondrai par écrit sur chaque permis d'exploitation des gaz de schiste. Le ministère a décidé ces dernières semaines la mise en ligne publique des différents permis, ce qui relance les inquiétudes dans certains territoires, mais c'est le prix de la transparence.

L'enjeu fondamental, c'est la réforme du code minier. Tous les permis actuels sont en grande fragilité juridique du fait de l'incompatibilité du code minier avec l'article 7 de la Charte de l'environnement, lequel prévoit l'obligation d'information et de participation du public préalablement à toutes les décisions ayant un impact sur l'environnement. Lorsque le Conseil d'État a été saisi du projet de codification du code minier, il avait alerté le précédent gouvernement sur le danger qu'il y aurait à procéder à une codification à droit constant – telle fut toutefois la solution retenue à l'époque. C'est la mobilisation des élus et des associations, qui découvraient l'existence de permis d'exploitation de gaz de schiste en l'absence de toute concertation locale, voire de toute information, qui a remis cette question sur le devant de la scène et conduit à la loi de juillet 2011 interdisant la fracturation hydraulique. Cette interdiction est incontournable du fait des conséquences environnementales catastrophiques de la fracturation hydraulique – conséquences avérées et incontestables. C'est pourquoi le Premier ministre a confirmé dans son discours de politique générale que la réforme du code minier était une priorité du Gouvernement. Je travaille en collaboration avec le ministre du redressement productif, qui est aussi concerné, et l'Assemblée nationale devra se pencher sur la question. Le Gouvernement mettra bientôt en place un groupe de travail et engagera des concertations. Son objectif est de transmettre au Conseil d'État un projet de loi à la fin de l'année 2012, pour mener à bien la réforme au début de 2013 car il y a urgence.

Mme Bonneton a évoqué ASTRID, projet de recherche du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) engagé par les précédents gouvernements, sur le fondement de l'article 3 de la loi de 2006 sur les déchets radioactifs. Fin 2012, le CEA remettra un dossier d'évaluation et c'est en 2013 que le Gouvernement aura à se prononcer sur la poursuite des études, l'avant-projet devant faire l'objet d'une décision en 2014 pour une construction en 2017. Le Président de la République a indiqué que ces choix seraient à l'ordre du jour du grand débat national sur la transition énergétique.

S'agissant des énergies renouvelables prioritaires, il convient, à la fois, de développer les énergies renouvelables actuelles afin de tenir l'engagement de 23 % d'énergie électrique renouvelable en 2020, et de préparer l'avenir en investissant dans la recherche – le ministre du redressement productif jouant un rôle en la matière. Il faut mettre l'accent sur les technologies les plus matures et les plus efficaces, y compris en termes de création d'emplois, à savoir l'éolien à terre – le débat national reposera la question de la réglementation en la matière – et la biomasse, laquelle représente aujourd'hui plus de 50 % des énergies renouvelables. J'ai pris l'engagement de maintenir le fonds chaleur dans le cadre du contexte budgétaire actuel, évoqué par M. Chassaigne. Le développement de la biomasse représente un enjeu considérable. Je suis également très attentive au photovoltaïque et à l'éolien en mer.

Le résultat de Rio+20 est décevant car il a donné lieu à un texte a minima. La France a obtenu des avancées en termes de biodiversité des océans, qui devraient permettre d'engager un travail à l'échelle internationale. À la fin de l'année, les négociations internationales sur le climat donneront lieu à un rendez-vous important à Doha, et nous devront trouver le moyen de les relancer.

Le grand ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a été largement mis à contribution par la révision générale des politiques publiques puisqu'il a perdu 6 000 emplois en cinq ans. Compte tenu de l'existence de trois ministères prioritaires, nous prendrons notre part de l'effort visant à stabiliser les effectifs de la fonction publique – 30 000 emplois ayant encore été supprimés l'année dernière. Nous voulons rompre avec la logique de la RGPP qui mettait toutes les directions à la même enseigne, sans considérer les missions prioritaires. Tel est le travail que nous menons actuellement : protéger les missions fondamentales de l'État dans le domaine de l'énergie ou de l'environnement en matière de risques technologiques et industriels, de risques naturels ou de police de l'environnement. Je ne veux pas courir le risque qu'une réduction budgétaire n'aggrave les conséquences d'un incident majeur.

Le président de votre Commission a conduit des réflexions sur l'effacement énergétique, dans le cadre de la politique de sobriété qui est à développer pour gérer notamment les pointes de consommation. M. Potier m'a interrogé sur ma collaboration avec la ministre du logement sur le financement du plan pour l'isolation thermique. Nous travaillons d'arrache-pied à la mise en place d'un système simple ayant un effet d'entraînement : guichet unique ? appel à projet ? Il est prématuré de vous en dire davantage d'autant que c'est Mme Duflot qui annoncera les dispositions. Nous espérons être en mesure de le faire à la rentrée.

Monsieur Chassaigne, le choix du Président de la République, validé démocratiquement par les Français, est celui d'un débat national sur la transition énergétique et non d'un référendum. Du reste, serait-il possible de poser une seule question en la matière ? Le débat doit en revanche proposer un vrai choix. Trop souvent la participation aux concertations n'a pas été au niveau espéré parce que les termes en étaient flous. Peut-être pourrai-je revenir vous voir bientôt pour avoir un échange avec vous sur l'organisation du débat sur la transition énergétique – son contenu, ses modalités et les scénarios possibles.

Mme Grommerch a fait un lien entre la limitation à 2 % de la hausse de l'électricité et la sûreté nucléaire : la sûreté n'est pas une option et les travaux prescrits par l'ASN seront évidemment réalisés. À défaut, les réacteurs seront arrêtés.

Madame Allain, l'utilisation des pesticides est en effet préoccupante. Les engagements en la matière du Grenelle de l'environnement n'ont pas été respectés et la consommation de produits phytosanitaires a même augmenté de 2,5 %. C'est la raison pour laquelle le ministre de l'agriculture et moi-même engageons un travail sur le sujet, notamment, dans le cadre de la conférence environnementale de la rentrée, sur le lien entre santé et environnement, ce qui permettra d'approfondir la question récurrente des pesticides et de toutes les autres substances dangereuses. Je ne peux que vous confirmer la volonté du Gouvernement de s'atteler à cette tâche.

Mme Massat a évoqué les avancées du Grenelle de l'environnement : les schémas régionaux de cohérence écologique et les plans énergie climat sont des points de départ. L'ambition est d'aller plus loin mais il n'est pas question de faire table rase des acquis du Grenelle. Il faudra revoir la législation sur l'éolien dans le cadre du débat sur la transition énergétique. Quant aux épandages aériens, l'objectif est de les limiter à l'indispensable et les préfets y veillent de très près. Les difficultés, qui m'avaient été signalées, ont été résolues, si j'en crois les élus concernés eux-mêmes.

L'engagement de fermer Fessenheim en 2017 sera tenu. Les études préliminaires sont déjà engagées. Tous les enjeux liés à cette fermeture, qui ont été évoqués par plusieurs d'entre vous, pourront être exposés dans le cadre du débat national sur la transition énergétique, qu'il s'agisse de l'emploi, de la production énergétique de substitution ou de l'accompagnement économique local, sans oublier le coût de la fermeture pour l'entreprise et les modalités de sa couverture. Nous traiterons évidemment ces questions avec les élus locaux.

Je propose de répondre par écrit à la question de Mme Battistel sur les concessions de barrages hydroélectriques.

J'ai déjà répondu à M. Fasquelle. Nous n'ignorons rien des risques que notre décision encoure. Nous les assumons, d'autant que nous voulons remettre à plat les règles présidant à l'établissement des tarifs réglementés.

S'agissant de l'impact de l'éolien sur les paysages, c'est l'exemple type de controverse devant donner lieu à un débat entre les citoyens : il faut en sortir par le haut grâce à un accord sur la place du curseur.

La méthanisation constitue un gisement considérable d'énergie renouvelable. Des agriculteurs de la Vienne ont conduit un projet exemplaire en la matière. Les deux leviers actuels de financement sont la CSPE – contribution au service public de l'électricité – et le fonds chaleur.

Madame Le Loch, j'avais moi-même contesté le décret sur les nitrates en raison, notamment, des différences existant entre la lecture de l'administration et l'interprétation qui en a été faite. Nous recevons actuellement les associations. Quant au plan de lutte contre les algues vertes, engagé en 2008 et qui concerne huit baies bretonnes, il comporte à la fois une dimension curative –ramassage des algues dans un délai de vingt-quatre à quarante-huit heures – et une dimension préventive. Or ce dernier volet n'est pas, à l'heure actuelle, suffisamment mis en oeuvre. Si la majorité des baies ont finalisé des chartes territoriales définissant des mesures préventives, tel n'est pas le cas de deux baies en particulier, pour lesquelles j'ai donné instruction au préfet de la région Bretagne de prendre des arrêtés de zone soumise à contraintes environnementales. La logique, pour l'État, est de respecter la concertation là où elle a lieu mais de prendre ses responsabilités là où rien ne se produit.

Je confirme à M. Grellier que des procédures d'appel d'offres pour le photovoltaïque sont bien en cours de décision. Je réfléchis au lancement de nouvelles procédures : il serait donc prématuré de vous annoncer aujourd'hui quoi que ce soit en la matière. Il conviendra, tout d'abord de prendre rapidement des mesures transitoires en vue de soutenir la filière, avant de se pencher sur des mesures structurelles, dans le cadre du débat national sur la transition énergétique.

Monsieur Abad, le retrait unilatéral de la France du projet ITER n'est pas à l'ordre du jour. Quant à la fiscalité écologique, elle sera un des sujets évoqués lors de la conférence environnementale. Personnellement, je pense qu'il convient en premier lieu de rééquilibrer la fiscalité entre le travail et le capital, ce qui n'exclut pas le développement d'une véritable fiscalité écologique, la France étant un des pays européens les plus en retard en la matière.

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