Intervention de Amiral Édouard Guillaud

Réunion du 3 octobre 2013 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées :

Certes, mais nous ne sommes déjà qu'à 4,5 euros, et les infrastructures se dégradent.

Concernant les dépenses de personnel, la programmation prévoit 64 milliards d'euros sur la période 2014-2019 au profit du titre 2 hors pensions et hors OPEX, soit 34 % des ressources totales. Elle prend en compte une économie de 4,4 milliards d'euros sur la période, au titre de la déflation des effectifs et des mesures de dépyramidage. Ainsi, les crédits budgétaires programmés passent de 11,2 milliards d'euros en LFI 2013 à 10,4 milliards d'euros en 2019.

De plus, la programmation du titre 2 prend en compte une enveloppe de mesures catégorielles plafonnée à 45 millions d'euros par an, c'est-à-dire diminuée de moitié par rapport à la précédente LPM, alors que de nouveaux efforts sont demandés au personnel.

Cette réduction des dépenses de la masse salariale est un défi pour le ministère de la Défense et donc pour les armées. Le ministère devra supprimer 34 000 postes entre 2014 et 2019, et dépyramider, avec notamment un objectif de suppression de 5 800 postes d'officiers. Au titre du PLF 2014, ce sont 7 881 suppressions d'emploi qui sont prévues, ce qui en fait l'annuité de LPM connaissant la plus forte déflation ; cela représente 60 % des suppressions d'emplois de l'État cette année-là. Cela mérite de la considération !

Vous mesurez le défi à relever, dans le contexte de réforme des retraites que nous connaissons, et alors même que les reconversions dans le secteur privé sont de plus en plus difficiles en raison de la crise économique. J'observe à cet égard que le taux d'encadrement en officiers des armées mesuré ou pris stricto sensu est déjà inférieur à l'objectif moyen annoncé de 16 % – il est actuellement de 15,9 % pour l'armée de l'air, de 12,2 % pour la marine et de 11,9 % pour l'armée de terre. Cet objectif est particulièrement sensible, sauf à mettre en place des mesures drastiques de restriction de l'avancement et de recrutement de jeunes officiers, mesures qui hypothéqueraient l'avenir.

Enfin, concernant le budget des opérations extérieures, le projet de LPM prévoit une provision OPEX à hauteur de 2,7 milliards d'euros sur la période 2014-2019, soit 450 millions d'euros par an, contre 630 millions d'euros en LFI 2013. Cette provision est adaptée aux nouveaux contrats opérationnels ; elle passe par une reconfiguration du dispositif en Afrique et des forces pré-positionnées.

Pour préserver un équilibre physico-financier, la construction de la LPM et du PLF intègre des hypothèses volontaristes, sur lesquelles il convient d'être vigilant. Les ressources des projets de LPM et de PLF ont en effet été programmées dans un contexte de forte contrainte budgétaire et à partir de prévisions de croissance de 0,1 % en 2013 et de 0,9 % en 2014 pour le PLF. Cela fait peser des risques significatifs sur leur exécution si les principales hypothèses de construction ne se vérifient pas.

Les risques financiers liés aux ressources sont de deux types. Le premier concerne les conditions d'entrée en LPM : tout abattement de ressources en 2013 – annulation partielle de la réserve de précaution initiale ou autofinancement des surcoûts OPEX – amplifierait le report de charges que nous prévoyons pour la fin 2013, déjà proche de trois milliards d'euros. Une dégradation déstabiliserait de facto l'entrée en LPM. Le second risque financier est lié aux ressources exceptionnelles. La stabilité en valeur des ressources totales de la mission « Défense » au cours des trois premières années de la LPM est conditionnée par la mise à disposition effective des ressources exceptionnelles, dont le montant de 6,1 milliards d'euros pour la période représente près du double de celui de la précédente LPM. Or la mise à disposition de ces ressources doit encore être consolidée sur l'ensemble de la période et, pour commencer, dès 2014. L'article paru hier dans Le Monde à propos de la vente des fréquences hertziennes était assez inquiétant sur ce point.

Pour maintenir les ressources exceptionnelles au niveau des 1,8 milliard d'euros programmés en LPM, le PLF prévoit en effet 50 millions d'euros de cessions de matériels. Plusieurs projets sont à l'étude, dont la vente du transport de chalands de débarquement (TCD) Siroco et d'hélicoptères Tigre ; mais aujourd'hui, je ne suis pas encore totalement rassuré. De telles négociations sont toujours longues…

Dans l'hypothèse d'une non-réalisation – même partielle – de ces ressources, le projet de loi comprend une clause de sauvegarde rassurante – pour autant que les notions de « modification substantielle » ou de « conséquence significative sur le respect de la programmation » ne fassent pas l'objet d'une lecture restrictive par les services financiers de l'État. Il est par conséquent important que le texte garantisse explicitement l'obtention de l'intégralité des ressources, telles qu'elles ont été programmées dans le projet de LPM.

Le deuxième risque financier, qui est essentiel, c'est la masse salariale. La déflation des effectifs et le dépyramidage des effectifs militaires sont conditionnés par la mise en place de mesures financières d'aide au départ et par le renforcement de la reconversion, avec des dispositifs de reclassement dans les fonctions publiques pour le personnel militaire. Nul ne peut affirmer que ces mesures d'accompagnement seront suffisantes. En l'absence de dispositifs d'aide au départ, en revanche, les objectifs de maîtrise de la masse salariale risquent de ne pas être tenus, en particulier celui d'un glissement vieillesse-technicité (GVT) quasi nul. À ce titre, il est important que la LPM soit votée à temps, car elle mettra à la disposition du ministère les outils nécessaires.

Le troisième risque financier est lié aux dépenses d'équipement. Dans l'attente de la renégociation des grands contrats avec les groupes industriels, différentes hypothèses ont été retenues pour établir un référentiel de programmation des programmes à effet majeur. Ces hypothèses sont très naturellement optimistes. Ainsi, pour l'exportation du Rafale, deux contrats d'exportation à moyen terme et un à plus long terme ; s'ils ne se concrétisaient pas, la programmation serait affectée. La mort subite du négociateur indien du contrat ne va pas, vous le devinez, accélérer les négociations.

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