Intervention de Amiral Édouard Guillaud

Réunion du 3 octobre 2013 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées :

En 2019, à l'issue de la nouvelle LPM, nous serons toujours capables de réaliser une opération comme Harmattan, suivie d'une autre comme Serval. La diminution de nos ressources affaiblira notre capacité à conduire des engagements simultanés, et limitera leur durée. Si Harmattan avait duré six mois de plus, nous aurions éprouvé des difficultés ; il aurait été plus facile de prolonger Serval. D'ailleurs, si l'essentiel des combats est terminé depuis mai 2013, aujourd'hui encore des engagements ont lieu tous les jours dans le cadre de l'opération. On en parle peu, car ils concernent de petits groupes et se déroulent dans des zones difficiles d'accès ; hier, la population a par exemple indiqué une cache d'armes aux soldats tchadiens. Toutefois, la difficulté de la prévision tient à ce que, en 2019, nous serons forcément confrontés à des défis très différents.

La simultanéité représente un enjeu particulièrement crucial pour tout gouvernement, car, à côté de l'agenda militaire, il est souvent nécessaire de régler les aspects diplomatiques et politiques. Mais la succession et le rythme des opérations dépendent largement de la situation internationale.

Le renouvellement des stocks – notamment de munitions – risque également de poser problème : s'il est rapide de fabriquer une cartouche de 12,7 mm, relancer une chaîne de fabrication de missiles prend des années.

S'agissant des choix à opérer en matière de déflation des effectifs, même si nous restons héritiers de notre histoire, l'ennemi ne se trouve plus de l'autre côté du Rhin, des Alpes, des Pyrénées ou du Quiévrain. Certes, nous ne disposons plus d'une seule unité militaire sur quelques centaines de kilomètres de littoral entre la frontière belge et Cherbourg. Mais, en comparant la densité de militaires par nombre d'habitants entre différentes régions de France en 2008-2009 et à l'issue de la révision générale des politiques publiques, on constate que par rapport à l'Ouest et à la moyenne nationale, cette densité reste encore très forte dans le Nord-Est, même si les chiffres sont en baisse. Toutefois, le département où résident le plus de militaires reste le Var.

Nous devons évidemment tenir compte du poids relatif de cette présence militaire dans l'économie locale ; mais nous sommes également confrontés à l'impérieuse nécessité de densifier nos structures afin d'en réduire le poids, surtout si l'on veut préserver les unités opérationnelles. À ce propos, la définition du « soutien » reste délicate : si l'entretien d'un hélicoptère sur une base en métropole peut être confié à un militaire comme à un civil, seul un militaire peut s'en charger à Gao, et l'on ne saurait s'en passer sur le terrain. Si nous nous battions à nos frontières, l'on pourrait facilement rapatrier les blindés, les bateaux ou les avions pour maintenance ; mais ce n'est pas le cas. C'est d'ailleurs pourquoi, lorsqu'ils ont commencé à se déployer en Méditerranée orientale, les Britanniques ont dû abandonner leur petit porte-avions pour de gros bâtiments pourvus d'ateliers de réparation à bord. Les structures de maintenance de nos hélicoptères et de nos blindés au Mali représentent certes du soutien, mais directement lié aux opérations ; il est donc difficile de tracer une frontière entre les deux. C'est pourquoi le ministre attache tant d'importance à l'accompagnement ; dans la LPM, 150 millions d'euros y sont spécialement consacrés.

Nous faisons face à des objectifs quelque peu contradictoires, la densification et la préservation de l'activité opérationnelle étant difficilement conciliables. À l'époque du pacte de Varsovie et du mur de Berlin, le 13e régiment de dragons parachutistes (RDP) – dont le premier engagement était d'aller reconnaître le saillant de Thuringe – était basé à Dieuze. Mais le pacte de Varsovie n'existe plus et l'on fête aujourd'hui même le vingt-troisième anniversaire de la réunification de l'Allemagne. Par ailleurs, les entraînements parachutistes ne pouvant avoir lieu que dans le Sud-Ouest ; le 13e RDP gâchait donc trois jours pour effectuer un saut. C'est pourquoi, malgré les protestations du maire de Dieuze, nous avons choisi de le baser à Souge, dans la banlieue bordelaise, à côté de la piste.

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