Intervention de Jean-Christophe Fromantin

Réunion du 8 octobre 2013 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Fromantin, co-rapporteur :

Au-delà du déficit structurel qui nous a amené à tangenter les 75, voire 80 milliards de déficit du commerce extérieur, un élément qui nous inquiète plus a sous-tendu les travaux de notre mission : la dégradation des parts de marché. Dans les slides [page 4 du document résumant le rapport, disponible ici : http:www.assemblee-nationale.fr14controlecom_cecExportations_synthese_rapport.pdf], vous avez, de ce point de vue, un tableau qui est assez emblématique. Entre 2002 et 2012, en dix ans, alors que la France est passée de 11,5 à 9,1 % de parts de marché dans l'UE à 27, l'Allemagne est passée de 22,9 à 25,8 %. Bien entendu, le tissu industriel n'est pas le même. Néanmoins, cette courbe de dégradation des parts de marché est extrêmement inquiétante, d'autant qu'elle est accompagnée par d'autres chiffres, ceux du développement industriel, que vous avez dû évoquer dans d'autres auditions.

D'autres éléments à intégrer concernent la nouvelle donne du commerce international, exposée dans un rapport fait par Pascal Lamy à la fin de son mandat à la tête de l'Organisation du Commerce Mondial (OMC). Aujourd'hui, les chaînes de production sont de plus en plus fragmentées. Un produit qui était 100 % made in France sera demain de plus en plus découpé en morceaux, hachuré, avec une intégration de différentes économies et de différents pays. Pascal Lamy donne l'exemple de l'industrie automobile allemande dont une part du succès tient au fait que les Allemands importent de mieux en mieux les biens intermédiaires qu'ils mettent dans l'automobile. Les gains de productivité faits grâce à la qualité de ses importations peuvent être répercutés dans du marketing, dans une exigence de qualité, ce qui améliore leur compétitivité. Dans son rapport, Pascal Lamy met en avant cette modularité, cette fragmentation des chaînes de valeur et interpelle les pays comme les nôtres pour que nous prenions conscience de cette réalité afin que nous soyons en mesure d'analyser notre commerce extérieur non pas seulement en termes de flux, comme c'est fait aujourd'hui (dans notre rapport aussi d'ailleurs), mais en valeur ajoutée. Il s'agit d'un indicateur plus pertinent et il le sera de plus en plus dans les années à venir. Ce constat nous a conduits à proposer que soit éventuellement revue la part française dans les produits qui sont sujets à une aide publique. Aujourd'hui, nous sommes très figés sur la part française (50 %), mais mesurons davantage cette part française et soyons peut-être un peu plus souples car la valeur ajoutée peut rentrer en ligne de compte.

En ce qui concerne l'émergence des classes moyennes au niveau mondial évoquée par Patrice Prat – il est prévu que 30 % des classes moyennes soit issu des pays émergents en 2020, ce qui est considérable –, quand on leur demande quels sont les pays qui les intéressent le plus en termes de produits, de marques, de culture, la France est presque toujours dans le top 3. D'où le paradoxe : beaucoup d'inquiétude sur le commerce extérieur alors même que nos produits, nos produits, nos valeurs, notre culture sont très en phase avec l'attente des pays émergents, et notamment de leurs classes moyennes, qui plébiscitent l'offre française.

On a un problème de compétitivité coût et hors coût. Sur la compétitivité coût, je vous rappelle deux chiffres souvent mentionnés dans l'actualité économique : l'écart avec la main d'oeuvre allemande (15 %) et avec la main d'oeuvre des Etats-Unis (30 %), écart pas assez compensé par une compétitivité hors coût, par une capacité récurrente d'innovation. La compétitivité hors coût est elle-même liée à une difficulté de nos entreprises à générer des marges suffisantes pour investir et faire de l'innovation.

En termes budgétaires, un peu plus de 400 millions de crédits sont mis à l'aide à l'export, 347 sur les lignes État et 65 sur les crédits régions. Ce sont plutôt d'ailleurs des crédits qui sont compensés, non pas fiscalement, mais par les assurances crédits, sur lesquelles les retours de primes sont plutôt positifs. C'est l'un des rares budgets relativement compensé.

En revanche, ces dispositifs ne donnent pas satisfaction, avec des chiffres extrêmement durs de la part des entreprises. Seules 10 % des entreprises bénéficient des dispositifs et 70 % disent carrément qu'elles préfèrent se débrouiller toutes seules. Une question sous-tend par conséquent beaucoup de nos propositions, en raison de l'inquiétude que l'on peut légitiment avoir sur ces dispositifs très peu consommés : pourquoi n'intéressent-ils pas les entreprises concernées ? Les critiques fréquemment évoquées sont la faible lisibilité, en raison du nombre des aides (aides régionales, aides par filière, aides individuelles, Ubifrance, chambres de commerce, dispositifs privés subventionnés, dispositifs se déclenchant à l'étranger, d'autres dans les territoires, l'assurance prospection, l'assurance-crédit, le crédit impôt export, etc.), avec des seuils et des conditions à chaque fois. C'est donc un système extrêmement compliqué, extrêmement peu lisible, très conditionné. Davantage de lisibilité est donc préconisée. Le dispositif public n'est en outre pas jugé extrêmement efficace, quand bien même il est utilisé. Sur les 10 % d'entreprises l'utilisant, 70 % ne le trouvent « pas terrible ». Cela n'est pas très satisfaisant pour une politique publique dans un secteur aussi stratégique pour notre compétitivité et notre développement à l'international.

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