Intervention de Général Henri Pinard Legry

Réunion du 10 octobre 2013 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Henri Pinard Legry, président de l'Association de soutien à l'armée française :

L'ASAF est totalement indépendante et regroupe des Français qui ne sont pas nécessairement des anciens combattants, mais qui estiment tous que l'armée est un élément central de la Nation et qu'il n'y a pas de rupture entre le monde combattant d'hier et celui d'aujourd'hui.

Je souscris à ce qui a été rappelé quant à la simplification de l'octroi de la carte du combattant. Il est périmé d'opérer une distinction entre les unités de combat et les unités de soutien. Les conflits actuels rendent même plus vulnérables les unités de soutien en ce qu'elles sont les cibles privilégiées des groupes islamistes terroristes. Ceux qui en font partie doivent donc être entraînés comme des soldats.

En outre, toujours dans le cadre de la simplification, la question de la date de l'ouverture d'un théâtre et de sa fermeture est ambiguë. Sitôt que des éléments sont projetés, on doit convenir de l'ouverture d'un théâtre et donc du déclenchement de la chronologie.

La réduction du taux de majoration des rentes mutualistes peut être perçue comme une sanction. Au moment même où la communauté militaire subit un véritable traumatisme lié aux restructurations en cours, le sentiment d'injustice risque d'être renforcé. Le Président de la République a pourtant rappelé en recevant les membres des conseils de la fonction militaire, le 30 septembre dernier, ce que cette communauté apportait à la Nation. Il s'agit d'une décision brutale prise sans concertation, et particulièrement malvenue, qui mérite d'être réexaminée.

Les mesures envisagées dans le futur projet de loi de programmation militaire marqueront une amélioration sensible concernant le cadre juridique des opérations. Je rappelle tout de même qu'un certain nombre d'officiers font toujours l'objet de procédures judiciaires liées à leur participation à l'opération Daguet ou à l'opération Turquoise. Comment l'État, qui a ordonné ces missions et vérifié qu'elles étaient exécutées légalement, envisage-t-il de clore ces procédures, et de libérer les anciens soldats concernés des accusations dont ils sont l'objet ? L'enjeu pour eux est surtout psychologique car ils conservent le sentiment d'être mis en cause.

La prochaine livraison de la revue de l'Association de soutien à l'armée française sera consacrée aux blessés pour la France. Il ressort des témoignages recueillis que nombre des soldats blessés ont le sentiment d'être moins bien « réparés » que les accidentés de la route.

J'en viens aux problèmes de la mémoire combattante. L'ASAF souhaite que les commémorations de 1914 ne soient pas l'occasion d'instrumentaliser l'histoire. Les propos tenus, notamment par les responsables politiques, devront véritablement avoir une valeur éducative. Il ne faut pas confondre les notions de réconciliation et de réhabilitation, en particulier en ce qui concerne les fusillés pour l'exemple. Tout ne se vaut pas ! La connaissance de l'histoire permet d'expliquer et de comprendre les comportements des uns et des autres, mais il ne faut pas confondre ceux qui, parfois, ont retourné leur arme contre leurs chefs ou leurs camarades, ceux qui ont pillé ou violé, et ceux qui sont allés jusqu'au bout, jusqu'au sacrifice suprême. Nous parlons de vertu pédagogique !

Le soixante-dixième anniversaire du débarquement en Normandie et de la Libération de Paris devrait être l'occasion de recueillir les témoignages des derniers acteurs encore vivants de ces événements.

Quant au cinquantième anniversaire de la fin de la présence française en Indochine, il pourrait permettre de mieux faire connaître une période de l'histoire trop ignorée parce qu'elle n'est guère enseignée dans nos écoles – sans doute pour des raisons d'abord idéologiques. L'ASAF se réjouit cependant que le musée de l'armée présente aux Invalides, à partir de la semaine prochaine, une belle exposition consacrée aux « cent ans de présence militaire française en Indochine ». Dans les propos qui seront tenus, il ne me paraît pas indispensable de faire oeuvre de repentance. Il était sans doute encore moins nécessaire d'ailleurs de faire du général Giap, qui vient de décéder et fut l'un des hauts responsables du régime totalitaire vietnamien, un héros pour notre temps.

La loi de programmation militaire pour 2014-2019 va fragiliser nos armées à l'extrême et les placer dans une situation de rupture. La persistance d'une dégradation des effectifs est particulièrement inquiétante, de même que la réduction des cibles des matériels et le glissement progressif de leur arrivée dans les formations. Par ailleurs, les procédures liées aux bases de défense deviennent plus complexes, et ces dernières sont paupérisées. Quant au cloisonnement entre unités de soutien et unités combattantes, je l'ai dit, c'est un non-sens opérationnel. Autant d'éléments qui conduiront inévitablement à l'affaiblissement de nos capacités militaires à moyen terme. Il n'est pas certain que notre pays n'ait pas à le regretter. Vous le savez, ce constat dépasse les clivages entre droite et gauche. L'histoire du XXe siècle devrait inciter les dirigeants actuels à ne pas « brader » une armée que l'on nous envie et qui reste extraordinairement bon marché si on la compare aux armées britanniques ou allemandes.

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