Intervention de Dominique Langlois

Réunion du 9 octobre 2013 à 9h45
Commission des affaires économiques

Dominique Langlois, président de l'interprofession bétail et viande, Interbev :

Je peux en tout cas, dans un premier temps, vous dresser le tableau d'une situation noire. L'ensemble des maillons de la filière bovine et ovine traversent une crise durable : la décapitalisation ne cesse de s'accélérer, le renouvellement des générations dans le monde de l'élevage connaît des difficultés, la compétitivité du secteur industriel de l'abattage et de la transformation de viande baisse et la diminution de la consommation devient structurelle. Or la filière représente 380 000 emplois directs et réalise 1,1 milliard d'euros d'excédents à l'exportation. En outre, M. Dehaumont l'a rappelé, notre système sanitaire est inégalé dans le monde et nous ne devons rien céder dans le cadre des négociations notamment avec les États-Unis et le Canada.

Nous souhaitons vous délivrer trois messages forts.

Le premier est la nécessité impérieuse de relancer la production de viande en France. La réforme de la PAC doit y contribuer mais ce ne sera pas suffisant ; il faut qu'il y ait une réelle volonté d'engraisser des animaux pour lesquels on ne trouve plus de débouchés sur des marchés traditionnels. C'est le cas du marché italien où le nombre de broutards exportés est passé de un million à 800 000. Nous avons les capacités de les engraisser et de trouver des marchés ; seulement, par exemple, pour créer un élevage de mille bovins dans le Limousin, il faut plus de deux ans pour obtenir toutes les autorisations !

Le deuxième message concerne l'amélioration de la compétitivité des entreprises de viande en France. Il ne s'agit pas d'alléger les mesures de contrôle sanitaire – elles sont impérieuses. Mais il est inacceptable de devoir respecter des obligations sanitaires franco-françaises malgré la bonne nouvelle que constitue, cette semaine, la levée de l'interdiction des matériels à risque spécifiés (MRS) sur les ovins. Nous attendons en outre l'application de la disposition communautaire prévoyant la possibilité d'arrêter les tests relatifs à l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) puisqu'il n'y a plus de cas recensés en Europe. L'interprofession sera intransigeante sur le sujet, d'autant qu'aux termes de la jurisprudence du Conseil d'État, dès lors que l'UE décide de lever une interdiction en matière sanitaire, un État membre ne peut prendre de mesure plus contraignante.

Pour ce qui est de la compétitivité économique, la filière que je représente ne peut pas accepter une écotaxe qui représente près de trois quarts du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) qui va surtout bénéficier à des entreprises de services qui n'en ont pas besoin. Nous attendons le choc de simplification. Nous respectons les règles sanitaires mais il faut avoir conscience qu'elles peuvent se révéler excessives.

Troisième message : il faut reconquérir les marchés extérieurs. La consommation a baissé de 3,5 % en France, c'est peu ou prou la moyenne européenne, alors que la Grèce, l'Italie, le Portugal subissent une crise sans précédent avec des baisses de flux de l'ordre de 25 à 30 %. En revanche, les pays extra-européens constituent une formidable opportunité, qu'il s'agisse des pays d'Asie – la France exporte au Japon, passant d'un marché de niches à un marché de volume –, de la Russie, des pays du pourtour méditerranéen – Algérie, Tunisie, Libye – ou de pays comme Dubaï ou l'Arabie Saoudite. En juin 2011, nous avons commis une erreur majeure avec la Turquie, grand pays importateur, en n'exportant plus de viande en carcasses mais des animaux vivants, ce qui revient à délocaliser l'activité de transformation de la viande française, c'est-à-dire à installer une usine d'abattage en Turquie. Si nous ne faisons rien, les Brésiliens, les Australiens, les Indiens vont investir ce marché avec leur viande dont la qualité sanitaire est déplorable.

Pour ce qui est de l'abattage rituel, certaines initiatives parlementaires, notamment sénatoriales, visent à imposer un étiquetage spécifique. Les chiffres donnés pendant la campagne présidentielle concernant l'Île-de-France étaient totalement faux – le rapport du Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux (CGAAER) n'était pas représentatif puisqu'il ne ciblait que les abattoirs pratiquant l'abattage rituel. Seulement 4 % de la viande abattue rituellement est commercialisée hors du circuit de l'abattage rituel (pour un total de 1,3 million de tonnes par an). La viande issue de l'abattage rituel ne présente aucune différence de qualité organoleptique. Sur le plan sanitaire, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), compte tenu du fait que ce type de viande ne présentait pas de risque spécifique, a décidé qu'il n'y avait pas lieu de prendre de mesures spécifiques sur le plan sanitaire. Étiqueter l'abattage rituel revient à stigmatiser des cultes et à se couper totalement de l'exportation – 95 % de la viande exportée est abattue rituellement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion