Intervention de Philippe Noguès

Réunion du 9 octobre 2013 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Noguès :

En vous écoutant, mesdames et monsieur, je me disais que nous avions bien fait de vous inviter. En quelques minutes, vous avez balayé les thèmes cruciaux qui font l'intérêt de la RSE. En qualité de membre de la commission du développement durable, je me félicite que la RSE soit au coeur de l'actualité en ce moment, car ce sigle porte l'idée que le développement durable n'est pas un sujet à part dans la société. C'est, bien au contraire, un enjeu central et un objectif d'intérêt général que nous devons promouvoir à tous les niveaux. Or comment promouvoir développement durable et transition écologique sans impliquer les entreprises ? L'intérêt fondamental de la RSE est là : transposer au niveau microéconomique, au plus près des métiers, des stratégies, des cultures d'entreprise, les enjeux du développement durable sans renoncer à notre compétitivité. De ce point de vue, la RSE est un atout pour nos entreprises et nos territoires, notamment parce qu'une véritable démarche RSE favorise la compétitivité hors coûts, l'innovation et la maîtrise des risques.

J'insisterai sur cinq axes qui me semblent fondamentaux.

D'abord, la nécessité d'un dialogue social élargi. Il est important de réfléchir au cadre et pas seulement au résultat : qui s'occupe de la RSE dans l'entreprise ; comment sont élaborées les démarches RSE ; comment mieux impliquer les salariés, en faisant de la RSE un objet de négociation collective, y compris au niveau des branches professionnelles. N'oublions pas que le « S » de RSE renvoie au social. Elle doit permettre aux entreprises de concilier démocratie sociale et développement durable.

Ensuite, la nécessité de diffuser la RSE auprès des PME. C'est une priorité. Il faut abandonner l'idée que la RSE est un luxe réservé aux grands groupes. Plusieurs moyens d'y parvenir existent, les principaux étant de mutualiser les coûts et de définir des politiques sectorielles de RSE, tant il est vrai qu'une banque et une entreprise de chimie ne sont pas comparables. Les branches professionnelles apparaissent comme l'échelon pertinent. Il faudra réfléchir à la responsabilité sociale des donneurs d'ordres qui, aujourd'hui, ont malheureusement souvent tendance à préférer le moins-disant social.

Rendre les entreprises responsables de leurs actes à l'étranger est un autre axe important. Après le drame du Rana Plaza au Bangladesh, on ne peut plus fermer les yeux. Outre que les droits humains sont bafoués, c'est aussi une question de compétitivité. Ce serait un moyen de protéger les entreprises de nos territoires contre le dumping environnemental et sur les droits de l'homme, aussi néfaste que le dumping social qui pénalise grandement notre économie et nos entreprises. Des parlementaires de la majorité travaillent à une proposition de loi sur le sujet.

Hier soir, la semaine de l'investissement responsable a été lancée à l'Assemblée nationale. Trois cents personnes étaient rassemblées dans la salle Colbert, c'est dire si l'ISR s'impose comme le bras armé de la RSE. Il faut que la finance s'en empare, sans céder aux égarements constatés ces dernières années.

Enfin, la Cour des comptes ne fonde ses appréciations que sur l'aspect financier, oubliant la performance sociale et environnementale de l'État. Dans ce domaine, il y a certainement beaucoup à faire. L'État est à la fois un donneur d'ordres, un employeur, un propriétaire immobilier, un actionnaire et un investisseur ; il doit se poser des questions quant à sa responsabilité sociale et environnementale. Il en va de la crédibilité de l'action publique et de la légitimité des normes que nous voulons imposer au monde économique. Depuis un an, notre commission s'est saisie du sujet, faisant passer un amendement sur la RSE dans le projet de loi BPI et engageant un débat sur l'extension des exigences de compte rendu extra-financier aux entreprises publiques. Il faut poursuivre dans cette voie.

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