Intervention de Bertrand Pancher

Réunion du 9 octobre 2013 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

Jusqu'à présent, un bien était produit par des hommes, souvent maltraités, et des machines. À mesure que progressaient les grandes conquêtes sociales, une conscience émergeait chez les dirigeants d'entreprise. C'était le monde d'hier. Dans le monde de demain, un bien sera produit par des machines et par des hommes épanouis. Le développement humain est à la fois une recherche conceptuelle et une demande des consommateurs. On voit aussi qu'il sera nécessaire d'intégrer les coûts environnementaux induits, faute de quoi nous irons dans le mur. C'est tout l'enjeu de la RSE, que nous avions portée à bout de bras lors de la discussion des lois Grenelle, avec d'ailleurs le soutien unanime de l'opposition d'alors. Il ne s'agissait pas d'une lubie de quelques-uns. En faisant obligation de publier des critères sociaux et environnementaux certifiés et soumis au vote des actionnaires, nous avons fait de la France le seul pays au monde à exiger des entreprises des critères aussi contraignants – souvent d'ailleurs demandés par les entreprises elles-mêmes. C'est ainsi que nous avons contribué à entraîner le mouvement européen, ce qui montre que nos préoccupations sont partagées. Avec cette nouvelle définition du cadre des relations avec l'entreprise, la France joue vraisemblablement le destin de ses générations futures. Nous n'avons pas le droit de rater ce défi de la mise en oeuvre de la RSE.

Je souhaiterais vous entendre sur trois sujets. Le premier est la nécessité de bien faire fonctionner les nouvelles pratiques, ce qui n'est pas gagné. Il faut ajuster les critères, ce qui demande du temps, faire comprendre les enjeux par l'ensemble des acteurs de l'entreprise.

Le deuxième sujet est le mode d'infusion de tout le tissu économique par la RSE. Ce n'est pas le tout de fixer des règles sociales et environnementales aux grands groupes, encore faut-il les faire descendre dans les PME de manière ni contraignante ni trop poussée.

Et puis, rien ne sert de demander des efforts aux entreprises si le grand public n'en a pas connaissance. C'est un peu comme nos réglementations environnementales : si le public ne comprend rien au traitement des déchets, cela ne sert à rien. C'est pourquoi nous souhaitons qu'on prenne le temps. C'était d'ailleurs la raison d'être de la plateforme, que les acteurs avaient demandée pour conforter et discuter, non pour en faire une nouvelle machine à réglementer. Je sens vraiment la crainte que la boulimie de réglementation sévisse à nouveau, qu'on en passe une nouvelle couche alors qu'il est indispensable de laisser le temps d'infuser dans la société et dans les entreprises. J'ajoute qu'on a frôlé la crise lors de la mise en place de la plateforme, dont les débuts ont été très chaotiques. Le MEDEF a menacé de claquer la porte si les discussions devaient déboucher sur plus de réglementation au lieu de l'amélioration des pratiques. Les membres se sont donnés un an pour réussir, ce qui ne laisse pas droit à l'erreur. Michel Doucin peut-il nous dire comment il voit l'avenir ?

Un grand regret pour finir : la composition de la plateforme a été humiliante pour l'opposition qui a été oubliée, après tout le travail accompli pour la mise en oeuvre de la RSE. J'aurais souhaité qu'on puisse commencer sur des bases solides. Il est toujours temps de mieux faire.

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