Intervention de Michel Doucin

Réunion du 9 octobre 2013 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Michel Doucin, secrétaire permanent de la plateforme nationale RSE :

Ce débat très riche m'apparaît utile pour animer la plateforme dont j'ai la charge jusqu'à l'élection prochaine de son président.

Parmi les moteurs qui pourraient pousser les PME à s'inscrire dans la RSE, il y a la certification. Le MEDEF des Alpes-Maritimes a organisé, l'an dernier, une formation à plusieurs certifications, parmi lesquelles la norme ISO 26000. À l'issue de cette formation, des entreprises ont significativement augmenté leurs parts de marché. L'une a réussi à devenir fournisseur d'une grosse compagnie allemande qui exigeait une telle certification ; une autre a obtenu le marché des brumisateurs de végétaux dans les supermarchés français, ce qu'elle n'aurait pas pu avoir sans la certification. Aujourd'hui, de plus en plus, dans une logique de réponse aux demandes d'information de leurs clients, les distributeurs exigent de leurs fournisseurs qu'ils s'engagent dans la RSE. Ce premier moteur est fort et international. Plus loin de nous, les pays émergents ont un discours clair sur le thème de la RSE parce qu'ils voient qu'une partie de leur clientèle, en particulier les grands distributeurs européens – et même Walmart aux États-Unis, qui cherche à redorer son image –, exigent de plus en plus de certifications et d'attestations de respect de critères en amont de la chaîne de production.

Le deuxième moteur de l'investissement des PME peut être illustré par l'exemple, cité lors d'un colloque organisé par le MEDEF il y a un an et demi, d'une PME fabriquant des portes et fenêtres, qui a observé que l'entreprise dominante dans le secteur, Lapeyre, a eu énormément d'ennuis avec les associations écologiques parce qu'elle utilise des bois non certifiés. Le chiffre d'affaires de cette petite société de Poitou-Charentes se développe très vite parce qu'elle a misé sur la demande – encore minoritaire certes – d'un bois certifié non prélevé sur la forêt tropicale. Ce sont là deux dynamiques qui amènent les PME à s'intéresser à la RSE, sans parler de la volonté éthique de certains chefs d'entreprise.

Le but est de multiplier la puissance de ces moteurs tout en la contrôlant, car, entre les mains des donneurs d'ordres et distributeurs, elle peut aussi constituer un problème : s'ils imposent des exigences, ils compriment en même temps les prix. Ce sujet a été posé d'emblée comme central par la plateforme RSE, la CGPME et l'UPA, tout en demandant l'élaboration d'outils favorisant l'accès des PME à cette démarche, l'ayant déclaré essentiel pour elles.

Autre demande à s'être exprimée d'emblée lorsque nous avons commencé à balayer les thématiques : la notion d'achat responsable. Dans ce domaine, la France a une position assez avantageuse. En 2012, l'AFNOR a défini un standard national des achats responsables, aussi bien privés que publics. Cette norme est apparue si intéressante que l'organisation de standardisation ISO a demandé à la France et au Brésil, qui en avait aussi une, d'être pilotes de la construction d'une norme internationale. Les premières réunions se sont tenues il y a peu à Paris, avec une trentaine de pays participants, sachant qu'une soixantaine ont déjà fait part de leur intérêt. Le compte rendu n'est pas le seul sujet sur lequel la France porte des idées et des méthodologies intéressantes. L'objectif stratégique des autorités françaises est d'obtenir qu'un maximum d'idées ou de standards français deviennent internationaux. Le sujet des achats responsables touche à la question de la conformité aux standards sociaux et environnementaux dans le système de production, mais aussi à celle des rapports de force entre donneurs d'ordres et fournisseurs. C'est un très gros enjeu pour les PME.

J'ai décelé dans vos interventions une confusion entre conformité à la législation et RSE. Une entreprise qui respecte la législation n'est pas nécessairement engagée dans la RSE. C'est ainsi qu'en Italie, un chef d'entreprise est en prison parce qu'il n'a pas pris les précautions pour protéger ses employés du risque de cancer de l'amiante. S'il n'y avait pas de législation sur l'amiante en Italie, le juge a considéré que le chef d'entreprise aurait dû tenir compte de la réflexion internationale engagée sur le sujet, au nom du principe général du droit à la vie. En France, les arrêts Erika, mettant en avant le principe de précaution environnemental, se fondent aussi sur l'interprétation de règles très générales. D'ailleurs, de nombreux juristes ont été surpris que, pour une fois, en France, un juge s'affranchisse de la loi au profit de principes plus généraux. Dans le monde, et aux États-Unis en particulier, sur des sujets relevant de la common law, les juges interprètent les principes internationaux bien au-delà de la loi nationale locale.

Nous avons eu, en France, un exemple très clair de ce que peut être la RSE avec la régulation des rémunérations excessives des dirigeants d'entreprise. Le Gouvernement avait un projet de loi ; les organisations patronales ont indiqué leur préférence pour des systèmes de régulation contrôlés par l'État mais gérés par leurs soins. Se rendant à cette logique, le Gouvernement a considéré que cette forme de RSE pouvait être plus efficace que la loi. Il y a une zone de fragilité pour les chefs d'entreprise, qui ne savent pas trop s'ils doivent faire plus qu'appliquer la loi. Tout l'enjeu des négociations internationales, dans lesquelles le gouvernement français est engagé, est de clarifier cela. Si de grands progrès ont été accomplis récemment, cela reste assez compliqué et nécessite de mieux informer nos chefs d'entreprise.

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