Intervention de Pierre Moscovici

Séance en hémicycle du 15 octobre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Présentation

Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances :

qui ont l’ambition de rendre confiance à notre pays, sauf à nourrir de façon absurde les inquiétudes qui, nous le savons, profitent à d’autres.

Oui, la reprise est là. Toute l’ambition du projet de loi de finances pour 2014 est de ne pas s’arrêter à ce constat, mais de conforter et d’amplifier cette reprise, de stimuler la croissance qui se dessine et, à travers elle, l’emploi et le pouvoir d’achat. Car, ne l’oublions jamais, le pouvoir d’achat résulte avant tout de la création d’emplois. Pour donner un élan à l’activité, nous avons choisi d’élaborer un projet de loi de finances résolument favorable à l’offre productive, un budget de soutien déterminé à la compétitivité des entreprises et à l’investissement. Comme le disait Pierre Mendès France en 1953, la priorité c’est « d’accroître la masse des biens à répartir ». C’est faire le choix de la création, de l’invention ; c’est faire le choix de produire, préalable indispensable avant de redistribuer.

C’est un choix assumé, celui de la voie qui mènera à un redressement durable de l’économie, de la croissance et de l’emploi. Certains s’interrogent peut-être sur cette orientation. Soyons clairs : le budget ne sert pas les intérêts de quelques-uns, il est au service de tous les Français. Je sais que, quels que soient les bancs que vous occupez, mesdames et messieurs des députés, nous partageons tous le même objectif : l’emploi. Or, les créations d’emplois de demain, c’est dans l’entreprise, avec leurs salariés, qu’elles auront lieu. C’est grâce à la croissance que les entreprises les créeront et les développeront. C’est ce mouvement de croissance que nous voulons accélérer avec le projet de loi de finances : voilà ce qui fait la signature de notre action.

Certes, certaines réalités rendent notre tâche plus difficile. Notre pays ne dispose pas aujourd’hui de marge de manoeuvre pour une relance keynésienne : c’est aussi cela, le legs des précédents gouvernements. De même, nous ne pouvons nier les difficultés de notre appareil productif, ou son retard de compétitivité, qui constituent aujourd’hui une réelle menace, dont le rapport Gallois a établi la réalité de manière implacable. Mais ayons confiance. Ayons confiance dans la capacité de rebond de notre économie. Ayons confiance dans notre propre capacité à l’aider à se redresser.

Un mot, d’abord, sur nos perspectives de croissance pour 2013 et 2014. Elles reflètent un choix de prudence, mais aussi de confiance. Pour 2013, nous étions partis, au printemps dernier, sur une prévision de plus 0,1 %. Je la confirme, car notre économie dispose d’une forte capacité de rebond, et je relève dans le même temps que nos chiffres sont plus prudents que ceux de l’INSEE et du FMI, qui font état d’une croissance de plus 0,2 %. Pour 2014, la prévision sur laquelle est bâti le projet de loi de finances est de plus 0,9 % de croissance du PIB. Avant l’été, je le rappelle, le consensus économique était que la croissance française pour 2014 ne dépasserait pas plus 0,6 % ; aujourd’hui, différents organismes – dont le FMI, là encore – anticipent une croissance légèrement supérieure à notre hypothèse, à 1 %. Nous nous situons donc sur la voie médiane, entre prudence et confiance. Prudence, parce que la vérité doit guider nos pas ; confiance, parce que nous savons ce que l’économie française est capable de produire.

En tout état de cause, le Haut conseil des finances publiques – dont la création, voulue par le Gouvernement, a été approuvée par le Parlement –, a jugé, dans son avis relatif au projet de loi de finances pour 2014, que ce scénario macroéconomique était « plausible », tant pour 2013 que pour 2014. Nous avons joué le jeu de la sincérité et de la vérité, et pouvons aujourd’hui compter sur une base solide. Certes, nous sommes loin des taux de croissance des Trente Glorieuses, loin même des taux que nous avons connus entre 1997 et 2002, loin aussi de notre potentiel de croissance, que nous pouvons et voulons atteindre. Cependant, nous approchons des niveaux qui nous permettront de faire baisser durablement le chômage en France.

Pour stimuler cette reprise, je le disais, nous avons d’abord décidé de poursuivre et d’amplifier le redressement de la compétitivité de nos entreprises, en soutenant tous les leviers de l’investissement productif. L’investissement privé, c’est le moteur de la croissance qui reste aujourd’hui le plus à la peine, même si, depuis un an, il a un peu mieux résisté en France que dans le reste de la zone euro. C’est pourquoi nous avons choisi de concentrer nos efforts dessus, avec une large palette de mesures en faveur de la compétitivité des entreprises. Nous sommes déjà largement engagés sur cette voie. L’an dernier, lors de nos discussions sur le projet de loi de finances pour 2013, nous avions fait devant vous le diagnostic d’un déficit de compétitivité de notre tissu productif. En novembre 2012, le rapport Gallois était venu tracer des pistes pour combler ce déficit, que nous avions reprises dans le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. D’autres initiatives majeures, que nous avons menées à bien avec le concours précieux et attentif de la majorité présidentielle, ont permis d’approfondir encore le sillon de la compétitivité retrouvée. Je pense en particulier à la loi sur la sécurisation de l’emploi, qui donne de nouveaux droits aux salariés et plus de souplesse et de certitude juridique aux entreprises, ou encore à la profonde réorganisation du financement de l’économie – je pense notamment à la création de la Banque publique d’investissement, qui se trouve d’ores et déjà aux côtés des PME et des entreprises de taille intermédiaire, ainsi qu’à la réforme bancaire.

Ce sillon, nous continuons à le tracer dans le projet de loi de finances 2014, et nous l’approfondissons, autour de trois grands axes. Tout d’abord, l’année 2014 sera celle de la montée en charge du crédit d’impôt compétitivité emploi. Alors que le coût du travail a augmenté de manière constante en France, ce crédit d’impôt a déjà permis de renverser la vapeur. Sa montée en puissance va contribuer à accélérer la convergence en cours, qu’il est nécessaire de maintenir avec l’Allemagne – notre grand voisin, mais aussi notre grand concurrent. Elle est aussi un tremplin pour l’emploi, puisque le CICE permettra de créer 300 000 emplois sur le quinquennat – une première évaluation fait état de 15 000 emplois potentiellement déjà créés. Les premiers travaux du commissariat général à la stratégie et à la prospective, qui va évaluer le CICE en continu dans les années à venir, pour la parfaite information du Parlement, donnent des signaux encourageants et confirment un point fondamental pour le Gouvernement, à savoir que le CICE bénéficie à l’industrie, pour une part presque deux fois supérieure au poids de celle-ci dans la richesse nationale, sans même prendre en compte l’impact indirect sur l’industrie via les services à l’industrie.

Ce choix de baisser le coût du travail au moyen du CICE est un choix fort, et nous devons veiller à ce qu’il soit aussi un choix cohérent et lisible. C’est pourquoi l’effet favorable sur le coût du travail du CICE sera intégralement préservé. Je le dis avec conviction : une politique économique exige de la constance, de la persistance, des efforts sur le temps long. Rappelons-nous qu’il y a une dizaine d’années – je me le rappelle très bien, pour avoir été ministre des affaires européennes dans le gouvernement Jospin –, l’Allemagne était présentée comme « l’homme malade de l’Europe ». Après avoir mis une décennie à se redresser, elle est aujourd’hui l’économie la plus puissante d’Europe : donnons-nous, à notre tour, les moyens d’une restauration durable de la compétitivité – ce qui implique également un travail profond et s’inscrivant dans la durée. Nous devons choisir notre propre chemin – je ne suis pas favorable à ce que nous importions, tel quel, un modèle allemand –, plus conforme à notre modèle social et, peut-être, aux demandes de demain, mais nous devons opérer les changements nécessaires pour redresser notre économie.

Le deuxième volet sur lequel nous travaillons pour soutenir l’investissement, c’est le soutien à la création d’entreprises et à l’entreprenariat. Les créations d’entreprises aujourd’hui, ce sont les emplois de demain. Ce soutien passe, dans le projet de loi de finances pour 2014, par une réforme de l’imposition des plus-values mobilières : nous rééquilibrons ce régime pour le rendre simple, lisible et pérenne, plus incitatif aussi. Cette réforme, fondée sur le dialogue et la concertation, avait été annoncée par le Président de la République, François Hollande, lorsqu’il a conclu les Assises de l’entreprenariat animées par la ministre Fleur Pellerin.

Le projet de loi de finances comporte, enfin, plusieurs mesures de soutien à l’investissement et à l’innovation – c’est notre troisième volet. Il porte ainsi la création du PEA-PME – un plan d’épargne en actions tourné vers les petites et moyennes entreprises –, qui va favoriser le financement en fonds propres de l’entreprise et garantir aux PME et aux ETI un accès plus aisé à l’épargne des particuliers. Les PME innovantes seront dynamisées par la réforme du statut des jeunes entreprises innovantes – les JEI. De quoi s’agit-il ? Concrètement, le budget prévoit une exonération complète des cotisations sociales patronales pendant huit ans, alors qu’auparavant, cette exonération était dégressive. De plus, et c’est le plus important, le champ des dépenses éligibles aux exonérations de cotisations est étendu, et couvrira à l’avenir le personnel affecté non seulement aux dépenses de recherche et développement, mais aussi aux dépenses d’innovation, ce qui permettra un meilleur accès au marché.

Les mesures fiscales que j’évoquais viennent compléter l’arsenal très complet de mesures que nous avons élaborées pour rétablir notre compétitivité. La compétitivité, c’est aussi le « choc de simplification » voulu par le Président de la République, qui va créer un environnement plus favorable pour l’investissement. Notre approche, globale et cohérente, ne se limite pas à l’impulsion fiscale. Sur tous les plans, notre projet de budget est de nature, j’en suis persuadé, à soutenir l’entreprise et l’investissement, afin de permettre le redémarrage de la croissance.

Conforter notre dynamique de croissance implique également de piloter de manière très fine notre effort structurel d’ajustement des comptes publics. Exigence et équilibre sont les deux termes qui me viennent à l’esprit pour qualifier la trajectoire de redressement des comptes que nous suivons en 2013 et en 2014 encore. Le sérieux budgétaire et le cap de l’équilibre structurel sont des acquis que nous devons à tout prix préserver. Le redressement des comptes publics doit se poursuivre à un rythme soutenu, car une économie qui s’endette est une économie qui s’affaiblit en raison des taux d’intérêt de plus en plus élevés, et finit par se dégrader. Ce que nous voulons, c’est une France crédible, une France qui ait du crédit. Je puis vous assurer que, lors des assemblées générales de la Banque mondiale et du FMI, notre attachement à ces principes est très apprécié – il est mis à notre crédit, justement.

On sent bien que la France se redresse, et nous devons tout faire pour préserver ce mouvement. Cela dit, le rythme soutenu de redressement des comptes doit rester compatible avec la reprise. C’est la voie que nous avons retenue pour 2013 et celle que nous traçons pour 2014. Le déficit public devrait ainsi s’établir à 4,1 % du PIB, au-delà de la prévision initiale de 3,7 % présentée ici même dans le cadre de l’examen de notre programme de stabilité. Il est important de comprendre que ce dépassement tient, pour une large part, à l’impact de l’environnement économique et de la faible inflation sur les recettes fiscales, la TVA et l’impôt sur les sociétés. La dépense qui est directement sous le contrôle du Gouvernement, notamment la dépense de l’État et de l’assurance maladie, est maîtrisée. L’effort structurel, sur lequel repose désormais notre dialogue avec la Commission européenne, dans le cadre des prérogatives qui sont les siennes, est extrêmement important : il atteint 1,7 point de PIB et n’avait jamais été aussi élevé, après 1,3 point en 2012.

Pour 2014, notre objectif de déficit nominal sera de 3,6 %, là encore en cohérence avec nos engagements européens. L’effort structurel, pour sa part, représentera 0,9 point de PIB, soit un rythme globalement inchangé par rapport à celui du programme de stabilité transmis à la Commission européenne au printemps – bien que très légèrement ralenti, il est vrai, par rapport à 2013 –, et en ligne également avec les recommandations de la Commission européenne. Pourquoi ce léger ralentissement par rapport à 2013 ? Parce que, précisément, nous voulons préserver la croissance.

Une remarque importante sur l’évolution des déficits : il ne vous aura pas échappé qu’elle va dans le bon sens. En 2011, le déficit public était de 5,3 % du PIB ; en 2012, nous l’avons ramené à 4,8 % ; en 2013, il sera à 4,1 % ; fin 2014, sur la base de nos prévisions de croissance, il sera à 3,6 %, alors que, si nous n’avions rien fait, si nous n’avions pris aucune mesure correctrice, notre déficit atteindrait aujourd’hui des niveaux extraordinaires, ce que nous ne pouvions pas accepter.

Exigence et équilibre : c’est également la raison pour laquelle nous avons jugé qu’il était désormais nécessaire de tendre vers la stabilisation des prélèvements obligatoires, et de faire porter, en 2013, l’essentiel de l’effort sur les économies de dépenses publiques. Cela se traduit dans les chiffres : cette année, sur un effort de redressement budgétaire total de 18 milliards d’euros, 2 milliards proviendront de la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale et, surtout, 15 milliards proviendront d’économies de dépenses publiques par rapport à leur évolution spontanée.

Une parenthèse : il a beaucoup été question d’impôts depuis quelques mois, et il en sera de même au cours de ce débat. Je veux dire la chose suivante : l’impôt est un outil, et, avant tout, un outil de redistribution et de transformation sociale, qui est l’objectif de toute politique progressiste, étant rappelé que nous avons observé une évolution presque cyclique.

Nous avons fait le choix de concentrer la hausse des prélèvements obligatoires sur la période 2012-2013, et nous l’assumons. C’était à la fois la décision la plus juste et la plus efficace économiquement. Le FMI l’a encore rappelé lors de la réunion à laquelle j’assistais la semaine dernière : l’analyse économique insiste sur le fait qu’à court terme, et notamment dans un contexte de récession – dans lequel nous étions – une baisse des dépenses publiques pèse davantage sur la croissance qu’une hausse des prélèvements obligatoires.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion