Intervention de François Asensi

Séance en hémicycle du 15 octobre 2013 à 21h30
Loi de finances pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Asensi :

Je ne vois pas la rupture avec le gouvernement précédent. Le maintien scandaleux du gel du barème de l’impôt en atteste : s’il a été voté par la droite, le Gouvernement a fait le choix désastreux de maintenir ce gel l’an dernier et nous en constatons les effets dévastateurs en cette rentrée, puisque près d’un million de Français sont nouvellement imposables.

Derrière les effets de seuil et les gels d’indice, n’oublions pas qu’il y a des familles dans le plus grand dénuement. Depuis la rentrée, beaucoup de nos concitoyens adressent des cris d’alarme aux élus locaux pour décrire leur détresse. J’en donnerai quelques exemples. Une veuve a vu son impôt passer de 0 à 1 500 euros sans que son revenu ait augmenté, simplement parce que sa fille a quitté le domicile familial. Une famille qui a changé de tranche d’imposition va ainsi perdre l’APL et subir la hausse des tarifs de la cantine et des activités des enfants. Une personne retraitée qui n’a jamais payé d’impôts devra s’acquitter pour la première fois de 200 euros et perdra en outre le bénéfice de sa carte Améthyste et de l’exonération de la taxe d’habitation et de la redevance télévision.

Il y a urgence, non seulement à dégeler ce barème pour 2014, mais aussi à revenir sur le gel de l’an dernier.

Je ne vois pas, en fait, la rupture avec le gouvernement précédent en ce qui concerne la hausse de la TVA, à savoir l’impôt le plus injuste qui soit. Certes, elle ne touchera pas les investissements des collectivités locales – c’est une sage décision. Mais elle touchera l’ensemble des ménages, freinera leur consommation et aggravera la spirale récessive. Augmenter la TVA, l’impôt le plus injuste, c’est porter atteinte à notre pacte social et fiscal. Non, monsieur le ministre, la hausse des impôts dans l’injustice n’est pas une politique de gauche !

Les parlementaires du Front de gauche ne vous comprennent pas. Nous demandons la suppression pure et simple de la hausse de la TVA prévue en janvier 2014. La révolte antifiscale, qui est aujourd’hui une réalité, se nourrit du matraquage du grand nombre pour épargner une poignée de nantis. Plus l’impôt est injuste, moins il est accepté. En anéantissant la progressivité de l’impôt, vous faites le jeu des ennemis de la solidarité. Comme en 1789, une majorité laborieuse paie pour une minorité oisive, celle des actionnaires et des banquiers. Comme en 1789, nous avons vraiment besoin d’une révolution fiscale.

Je ne vois pas non plus la rupture avec le gouvernement précédent si j’en juge d’après la poursuite de la baisse des dépenses pour les services publics ; 15 milliards en moins, c’est effectivement du jamais vu, mais il n’y a pas de quoi s’en féliciter ! Les Français vont payer plus d’impôts pour moins de services publics. Santé, économie, culture, ou encore écologie : beaucoup de secteurs essentiels seront touchés. Rappelons que les dépenses publiques représentent 22 % du pouvoir d’achat des Français.

Au premier rang des victimes de l’austérité figurent les collectivités territoriales, qui paieront un lourd tribut avec ce projet de loi de finances. La chute de 1,5 milliard des dotations aux collectivités aura des conséquences catastrophiques.

Cela se traduira tout d’abord par moins de croissance. Rappelons en effet que les collectivités territoriales supportent 75 % des investissements publics et sont le véritable moteur de l’économie française.

Cela se traduira également par une baisse du pouvoir d’achat des ménages. Beaucoup de collectivités n’auront d’autre choix que de baisser leurs prestations, d’augmenter leurs tarifs – ceux du périscolaire par exemple –, ou encore de renforcer les impôts locaux.

La Cour des comptes, gardienne des orientations de la Commission de Bruxelles, invoque un prétendu dérapage de leurs dépenses. C’est oublier que l’État a transféré de nombreuses compétences aux collectivités sans assurer leur financement. Un exemple symbolique : le département de la Seine-Saint-Denis est aujourd’hui en faillite. Il manque 80 millions pour boucler le budget de cette année, et ce sera encore pire encore l’an prochain.

La majorité gouvernementale a changé mais l’État doit toujours plus de 1 milliard à la Seine-Saint-Denis. Les impôts ont été relevés, les subventions aux associations ont été rognées, certaines n’ont toujours pas été versées et mettent des structures dans une grande difficulté financière.

La Cour des comptes exige moins d’agents. Mais alors, que faut-il fermer dans ce département ? Les services de la protection maternelle et infantile ? Les crèches ? Faut-il remettre en cause ces missions essentielles pour la population ?

Je rappelle que cette baisse des dotations aux collectivités se double d’un projet de loi recentralisateur créant les métropoles, lesquelles pilleront les ressources des villes et confisquent leurs pouvoirs aux élus.

En asséchant ainsi la démocratie locale, vous remettez en cause l’organisation républicaine des territoires. Vous risquez d’anéantir le rôle d’amortisseur social qu’endossent les communes et intercommunalités face à la crise. Ces métropoles plagieront les modèles de Londres ou Francfort, places fortes de la finance où prospèrent les inégalités et les plaies de la relégation des territoires.

En conclusion, je veux vous dire, monsieur le ministre, que nous suivrons avec attention les évolutions que connaîtra le projet de budget au cours de nos débats, sans illusion toutefois sur le parti pris libéral qui le caractérise.

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