Intervention de Nicolas Sansu

Séance en hémicycle du 16 octobre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Sansu :

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé du budget, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la France est un grand pays. La France est un grand pays quand elle offre au monde son génie pour ouvrir des voies inédites. Notre peuple l’a montré au cours de l’histoire, quand il a su bousculer l’ordre établi pour faire naître et vivre notre belle République. C’est dans un contexte de ce type que s’ouvre notre débat sur le projet de loi de finances pour 2014, un contexte où il faut bousculer l’ordre établi.

Trop de nos concitoyens sont victimes d’un capitalisme financier sans scrupule, avec son cortège de chômage, de précarité, de peur du lendemain.

Chacun sait bien, ici, combien les dix années de pouvoir de la droite entre 2002 et 2012 ont aggravé cette dérive avec, à la clé, une société émiettée, une société profondément inégalitaire, une société qui met à mal le vivre ensemble.

Quand il a fallu donner aux plus fortunés, quand il a fallu faire payer l’endettement bancaire privé par la dette publique, quand il a fallu répondre aux desiderata de l’Europe libérale pour attaquer notre modèle de solidarité, bien sûr la droite fut au rendez-vous.

Monsieur le ministre, personne ne conteste les difficultés léguées par la majorité précédente. Personne ne nie que la finance, cet « ennemi sans visage », comme on disait jadis, avance ses pions pour vampiriser toujours plus les richesses créées dans notre pays.

Mais ne nous y trompons pas, si les Françaises et les Français, et parmi eux les 4 millions qui ont soutenu le Front de Gauche au premier tour, ont porté François Hollande à la responsabilité suprême, c’est parce qu’ils n’en peuvent plus de l’impuissance actuelle des États à tenir tête à une finance globalisée.

Ils n’en peuvent plus quand ils apprennent que les plus fortunés, que ce soit des personnes physiques ou des multinationales, réussissent à soustraire 60 à 80 milliards d’euros au fisc pour les placer dans des paradis fiscaux. C’est le plus grand braquage autorisé des finances publiques.

Ils n’en peuvent plus de voir que les efforts sont demandés d’abord et essentiellement aux couches moyennes ou modestes et que les inégalités continuent de progresser. En 2010, seuls les 5 % les plus riches ont vu leur pouvoir d’achat progresser.

Or parler de budget, parler de fiscalité, c’est parler de nos choix de sociétés.

Quelle réponse concrète apporter à cette salariée de l’agroalimentaire de Bretagne, excédée par l’inertie des pouvoirs publics ?

Quelle réponse concrète apporter à cette chômeuse alsacienne, allocataire du RSA, qui crie sa colère, sur France 2, face à un système qui broie sa vie et ses espoirs ?

Quelles réponses concrètes apporter à ces millions de fonctionnaires qui voient leur point d’indice bloqué depuis quatre ans, suscitant amertume et démotivation ?

Depuis trois décennies, et même avec des périodes plus apaisées, les voies empruntées de la dérégulation de la finance et de l’obsession de la baisse du coût du travail n’ont pas eu les résultats escomptés – et c’est un euphémisme.

C’est cela qui nourrit le désespoir, la désespérance et la fuite dans l’impasse de l’extrême droite.

Votre projet de loi de finances pour 2014 propose non seulement de continuer mais d’amplifier une politique de l’offre, – que le ministre Pierre Moscovici assume, d’ailleurs – aussi injuste qu’inefficace. C’est le fameux crédit d’impôt compétitivité emploi, qui trouve sa concrétisation dans ce projet de loi de finances pour 2014 avec deux chiffres emblématiques, que je tiens à mettre en perspective.

Le premier concerne l’impôt sur les sociétés, c’est-à-dire la contribution sur le bénéfice des entreprises, dont le produit passera de 53 milliards d’euros en 2013 à 36 milliards d’euros en 2014. Or 36 milliards, c’est 1,8 % du PIB ; 36 milliards, c’est moins que les 40 milliards de dividendes que les entreprises du CAC 40 vont distribuer à leurs actionnaires !

Le second chiffre, c’est celui du produit de la TVA qui, elle, touche tous nos concitoyens, à commencer par les modestes. Il sera relevé de plus de 6 milliards d’euros, ce qui aura des conséquences, comme notre collègue Pierre-Alain Muet s’en est régulièrement fait l’écho dans cet hémicycle, sur le pouvoir d’achat et donc sur le moteur de la consommation.

Passons, pour ne pas être trop cruel, sur le spectaculaire revirement du Gouvernement, qui, en juillet 2012, avec le soutien de tous les groupes de la gauche, avait supprimé la TVA antisociale de Sarkozy, pour lui substituer sa petite soeur quatre mois plus tard.

Non, c’est le fond qui compte. Ce qui doit nous interpeller, c’est le projet politique qui sous-tend cette démarche.

Bien sûr, chacun est conscient que nombre d’entreprises, en premier lieu les PME et TPE, souffrent, que la très grande majorité de leurs dirigeants ne placent leurs avoirs ni aux îles Caïmans, ni dans l’acquisition de yachts, et qu’ils ont besoin de politiques publiques volontaristes pour soutenir l’emploi et l’activité.

Ce n’est pas en baissant toujours plus le niveau de la dépense publique que nous améliorerons l’environnement de ces entreprises, la formation, la capacité d’innovation et de recherche, la qualité des infrastructures et des services publics.

Il est pour le moins surprenant de voir aujourd’hui le parti socialiste se ranger à l’argument préféré de tous les libéraux bruxellois, de l’AFEP et du MEDEF : « l’impérieuse nécessité de diminuer le coût du travail ».

Mais dites-moi, que faisons-nous depuis trente ans ? Exonérations Fillon, exonérations liées aux 35 heures, pour ne parler que des plus emblématiques… À chaque fois la réponse est la même : une nouvelle baisse du coût du travail.

Le crédit compétitivité emploi en est l’illustration. Son efficacité est d’ores et déjà contestée par le comité de suivi, comme le fut celle de tous les dispositifs mis en place précédemment.

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