Intervention de Nicolas Sansu

Séance en hémicycle du 16 octobre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Sansu :

Comment peut-on encore penser que le chômage endémique, le faible investissement des entreprises et les fermetures d’usines sont la conséquence d’une explosion du coût salarial ? Ce n’est pas vrai, et vous le savez.

Ce qui coûte cher à l’économie, ce sont les prélèvements financiers effectués sur les entreprises au bénéfice des actionnaires, au détriment du travail, un coût qui représente entre 94 et 130 milliards d’euros, soit cinq fois le montant du CICE ! Un coût qui a été multiplié par vingt en trente ans !

Mais de ce coût de la rente, il n’est nullement question dans ce projet de loi de finances ! Il serait pourtant salutaire pour l’emploi, pour le pays, pour notre tissu de PME et d’entreprises de taille intermédiaire, que les prélèvements sur les résultats des entreprises soient modulés en fonction de leur utilisation.

Monsieur le ministre, c’est ce cancer financier qu’il faut combattre. Car il assèche les possibilités du pays et met à mal le pacte républicain, par un transfert des charges fiscales sur les ménages qui est devenu insupportable.

Il est intolérable de voir M. Gattaz – et pourquoi pas bientôt Mme Bettencourt ? – instrumentaliser la légitime colère des couches moyennes et modestes qui voient s’accumuler les difficultés depuis des années, pour tenter d’obtenir ce dont ils rêvent : la fin de l’impôt progressif et le recul historique de notre modèle social.

Alors, ne leur donnez pas, ne leur donnons pas cette occasion !

Chacune et chacun d’entre nous, dans nos circonscriptions, nous avons été interpellés par nos concitoyens mécontents. Oui, le consentement à l’impôt est menacé. Il faut réhabiliter l’impôt, la contribution à la charge commune. Oui, nous la défendons, mais nous la défendons dans l’esprit et la lettre de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui prévoit une contribution à hauteur des facultés de chacun.

L’impôt, c’est le socle de notre pacte républicain, c’est le moyen de donner à tous le patrimoine commun, par le biais des services publics et de la protection sociale. Mais ce consentement à l’impôt ne retrouvera toute sa vigueur que dans le cadre d’une véritable révolution fiscale. Les choix fiscaux de ces vingt dernières années ont rendu le système fiscal injuste et illisible. Faire le dos rond ne peut tenir lieu de politique. Il faut changer de cap ! C’est dans ces moments de crise qu’il faut inventer, créer, faire preuve d’audace.

Nous sommes disponibles pour engager avec vous cette révolution fiscale, qui permettra tout à la fois le redressement des comptes publics, l’efficacité économique et sociale, et la relance de l’investissement public. Comment, à ce titre, peut-on se satisfaire d’un programme d’investissement d’avenir qui ne représente que 0,6 % du PIB ?

L’égalité devant l’impôt impose de refondre l’impôt sur le revenu et de le rendre plus progressif, de relever le taux d’imposition des ménages les plus aisés et de revenir sur la multitude des niches fiscales – niches qui augmentent de 10 milliards d’euros dans ce projet de loi de finances pour 2014. Le bénéfice de ces niches se concentre sur les plus aisés, mais leur coût, lui, est réparti sur l’ensemble de la collectivité. Rendre l’impôt plus progressif, c’est aussi baisser le taux de la TVA, cet impôt régressif qui pèse sur la consommation et sur la croissance.

Nous devons également revoir de fond en comble l’impôt sur les sociétés. Il n’est pas tolérable que M. Gattaz et ses amis brandissent des cartons jaunes, alors que les grandes entreprises qu’ils représentent sont loin de s’acquitter de l’impôt sur les sociétés au taux facial de 33 % – le taux réel est, je le rappelle, de 8 % pour les entreprises du CAC40. Oui, il est temps de mettre fin au mitage de l’impôt sur les sociétés et de moduler l’impôt sur les sociétés en fonction de la taille des entreprises et de l’utilisation de leurs bénéfices.

Il nous faut également prendre à bras-le-corps la question de la fraude fiscale internationale et des nombreux dispositifs d’évitement fiscal à la disposition des grandes entreprises. La fraude fiscale représente, nous l’avons dit, un manque à gagner de 60 à 80 milliards d’euros. Cette somme permettrait de combler chaque année les déficits des régimes généraux des retraites et de la Sécurité sociale, et il resterait encore plus de 30 milliards d’euros à investir dans d’autres projets, comme la transition énergétique, qui mérite mieux qu’une approche punitive par l’instauration d’une nouvelle taxe.

En matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, on ne peut se contenter des maigres 2 milliards de recettes fiscales supplémentaires annoncés par Bercy. Monsieur le ministre, le sérieux, ce n’est pas la rigueur, ce n’est pas de se poser en champion de la baisse des dépenses publiques. Le sérieux, c’est de s’attaquer au pillage de la richesse créée, c’est d’oeuvrer à une nouvelle répartition des richesses, plus favorable au travail, et moins à la rente.

Cette loi de finances est une occasion manquée. La France a pourtant le devoir et la capacité de tracer un nouveau chemin en Europe pour relever le défi de la lutte contre le pouvoir financier, engager la transition énergétique et redonner espoir aux peuples. C’est ainsi que la France restera un grand pays.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion