…et les bouleversements qu’il engendre sont dus à l’activité humaine : nous devons donc changer notre mode de développement. Enfin, nous devons prendre en compte la montée en puissance des extrémismes, qui fondent leur politique sur la stigmatisation et le rejet d’une partie de nos concitoyens.
Ce contexte permet de comprendre l’évolution de la trajectoire budgétaire. La réduction des déficits et de la dette reste bien entendu une priorité absolue, tant pour conserver notre autonomie politique que pour libérer notre économie, nos entreprises et les ménages d’un risque de taux d’emprunt élevé. Mais le bilan des excès de la réduction de la dépense publique dans les pays du sud de l’Europe a conduit la France et l’Europe à ralentir le rythme de la cure de diète. Alors qu’une réduction de la dépense publique de 20 milliards d’euros en 2014 était initialement prévue, le projet de budget qui nous est présenté réduit cet objectif à 15 milliards. Ce montant est déjà énorme – du jamais vu ! Nous n’en sommes pas particulièrement fiers, d’autant que cela peut parfois générer des difficultés sérieuses – je pense aux effectifs de certaines administrations comme l’ONF, aux nombreuses associations qui voient leur budget amputé et aux ménages qui verront le remboursement de certains médicaments diminué. Mais ces mesures sont nécessaires.
Malgré cet effort historique, l’opposition explique sans aucun complexe qu’il faudrait en faire beaucoup plus, alors qu’elle ne peut se prévaloir d’aucune légitimité puisqu’elle a fait strictement l’inverse. Parallèlement, on a vu monter le rejet de l’impôt, savamment relayé par une opposition parlementaire qui oublie bien entendu de rappeler sa part de responsabilité : sous la présidence de Nicolas Sarkozy, les impôts avaient augmenté de 16,2 milliards d’euros en 2011 puis de 11,7 milliards en 2012. Si le précédent gouvernement a protégé les ménages les plus aisés, la majorité cherche aujourd’hui à préserver les ménages les plus modestes. Ainsi, dans le cadre de ce projet de loi de finances, nous renouons avec l’ajustement du barème de l’impôt sur l’inflation et nous augmentons la décote et le revenu fiscal de référence, ce qui va permettre à de nombreux Français d’améliorer leur pouvoir d’achat.
Cependant, l’étau se resserre et les marges de manoeuvre sont désormais extrêmement réduites, d’autant que les pays européens qui composent la Communauté n’ont pas su dégager les convergences nécessaires à une politique économique et fiscale commune et apparaissent déstabilisés par l’impact négatif des mesures récessives.
En revanche, la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, pour laquelle la France a joué un rôle décisif, apparaît aujourd’hui, après trop d’années de laisser-faire, comme une réelle opportunité de redresser les comptes publics. Clairement, il s’agit de restaurer l’assiette fiscale pour que personne – ménages riches ou grandes entreprises – ne puisse échapper à l’impôt. Concrètement, les gains espérés pour 2014, de l’ordre de 2 milliards d’euros, réduiront d’autant l’augmentation des impôts ou la réduction des dépenses publiques. Ce résultat peut apparaître modeste au regard des 50 milliards d’euros qui s’évadent, mais il précède de nouvelles dispositions, nationales et européennes, qui devront rendre illégal ce qui n’est aujourd’hui qu’amoral, à savoir les montages et pratiques permettant aux entreprises multinationales de faire de l’optimisation fiscale. Je ne veux pas laisser croire que nous aurions trouvé là le remède miracle et exclusif, mais le gisement est important : l’ensemble des dirigeants européens, même les plus libéraux, l’ont bien compris.
Concernant les choix politiques à opérer dans ce budget, nous pouvons d’ores et déjà nous féliciter d’un certain nombre de mesures importantes dans les domaines économique, social et environnemental.
La baisse du taux de TVA sur les logements sociaux traduit l’engagement de la majorité et du Gouvernement pour résoudre la crise du logement et notre volonté de construire 150 000 logements sociaux par an. Associée aux autres mesures annoncées en faveur du logement – la mise à disposition du foncier, la prime de 1 350 euros pour les travaux de rénovation, l’application du taux de TVA réduit pour la rénovation thermique, qui constitue un élément très important de ce budget –, cette disposition doit permettre de provoquer, dans le secteur du bâtiment, un élan de nature à redonner confiance et à relancer notre économie en même temps que nous accélérerons notre sevrage aux énergies fossiles et la protection des habitants face à l’énergie chère.
La mise en place d’une composante carbone dans la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques est une première en France. L’introduction d’une fiscalité plus écologique va encourager des comportements protecteurs de l’environnement et inciter nos entreprises à développer un modèle économique plus sobre en énergie et en ressources. Il faut insister sur la neutralité des prélèvements qui accompagnera cette mesure.
Nous nous félicitons également de l’augmentation du malus automobile, de la hausse des seuils bas du malus et de l’extension de la taxe générale sur les activités polluantes « air » à de nouvelles substances. Néanmoins, nous regrettons que la compensation de la contribution climat énergie ne soit pas suffisamment orientée vers les ménages, ce qui rendra son acceptabilité plus difficile.
En revanche, les entreprises seront bénéficiaires nettes à travers le CICE financé pour 15 % par la contribution climat énergie. Nous aurions effectivement souhaité une compensation en direction des ménages modestes et de classes moyennes par le biais d’un crédit d’impôt ou d’un chèque vert.
Nous regrettons également que cette nouvelle fiscalité ne mette pas fin à des signaux contraires liés au maintien d’un certain nombre de déductions fiscales nuisibles à l’environnement. Cela devient même totalement incompréhensible avec un système fiscal où l’exonération du kérosène tiendrait à bout de bras notre compagnie aérienne nationale et où les acheteurs de véhicules à essence ne pourraient pas bénéficier d’un bonus alors qu’ils rejettent vingt fois moins de NOx que les véhicules diesel et quasiment aucune particule fine, et alors que nous connaissons parfaitement les effets de ces émissions sur la dégénérescence cellulaire, les accidents cardiovasculaires et les cancers. C’est devenu intenable, monsieur le ministre. Nous ne pouvons plus cautionner cette situation connue de tous. Véritables dangers sanitaires et contributeurs à l’effet de serre par le bais des NOx, les voitures diesel sont aidées par l’action publique !
Des mesures sociales et d’équité marquent également ce budget : le RSA socle sera revalorisé, une garantie jeunes est créée en faveur des jeunes en difficulté. Nous agissons également en faveur des étudiants par la revalorisation des bourses. Nous soutenons les familles en créant 275 000 solutions d’accueil des jeunes enfants.
La possibilité de restaurer la déduction pour frais de scolarité constitue une bonne nouvelle. Si nous voulons rester crédibles dans notre projet de justice fiscale, il importe de ne pas retenir des mesures qui ont un impact direct sur le pouvoir d’achat de 1,6 million de ménages, ce qui était le cas avec cette disposition. Nous aurions été mieux inspirés de réduire de manière plus importante le quotient familial, qui touche les déciles de revenus supérieurs et qui – à la différence des frais de scolarité – sous-tend l’idée que tous les enfants ne valent pas autant les uns que les autres.
Nous restons donc en attente d’un certain nombre de signaux forts que traduiront nos amendements dans le domaine de la santé publique, notamment sur le diesel comme je l’ai indiqué, mais également en faveur de l’économie circulaire, qui consiste à produire mieux, en évitant les gaspillages, en réutilisant les objets ou les matières issues des déchets pour proposer des produits plus respectueux de l’environnement, de la santé et fabriqués par des entreprises ancrées dans leur territoire.
Dans la continuité du travail mené par le Gouvernement, nous déposerons également des amendements ayant pour objectif de renforcer les mesures en matière de lutte contre l’optimisation fiscale, notamment en ce qui concerne la déductibilité des charges des entreprises dans les pays à fiscalité privilégiée.
Le Gouvernement et la majorité parlementaire poursuivent leur action : assurer un équilibre difficile entre le maintien de l’action publique, la protection des plus modestes et des classes moyennes basses, le soutien aux entreprises et la réduction de la dette. Nous, écologistes, continuons de penser qu’une réforme en profondeur de notre modèle économique est nécessaire, car l’on ne peut plus se contenter de parier sur le retour d’un modèle de croissance obsolète ! La conversion écologique doit devenir notre nouvelle boussole. Nos propositions iront dans ce sens.