Intervention de Laurent Marcangeli

Réunion du 9 octobre 2013 à 12h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Marcangeli, rapporteur pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, AT-MP :

Je tiens tout d'abord à souligner le caractère déplorable de nos conditions de travail : nous n'avons en effet pu consulter les documents nécessaires à un examen serein du PLFSS. Nous avons cependant choisi d'agir de façon responsable en participant malgré tout à cette réunion. Je vous transmettrai donc les enseignements que j'ai tirés des auditions que j'ai menées sur ce texte pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles.

La loi ayant institué le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) – qui permet une indemnisation intégrale et rapide des dommages subis par les personnes atteintes d'une affection causée par l'amiante – prévoit le financement de celui-ci par une dotation annuelle de l'État en loi de finances ainsi que par un transfert de la branche AT-MP voté chaque année en loi de financement de la sécurité sociale. Ce double financement reflète l'existence d'une double responsabilité dans le drame de l'amiante : d'une part, celle des acteurs économiques ayant utilisé ce matériau peu coûteux mais dangereux – raison pour laquelle la branche AT-MP participe à une très grande part du financement du fonds – ; d'autre part, celle de l'État qui a longtemps failli à ses obligations en matière de santé publique et qui a également tiré profit de l'amiante en tant que maître d'ouvrage ou acteur industriel. Or, pour la deuxième année consécutive, l'État n'a prévu aucun financement du FIVA en loi de finances alors même que la contribution demandée à la branche AT-MP dans le PLFSS passe de 115 à 435 millions d'euros. Un tel désengagement de l'État est totalement inhabituel. Envisageriez-vous de reconsidérer votre position et de prévoir un financement de l'État en loi de finances, ce qui permettrait de diminuer d'autant celui de la branche AT-MP ?

Par ailleurs, nous débattons actuellement en séance publique de la création du compte de prévention de la pénibilité. Or, lors des auditions que j'ai conduites, les partenaires sociaux les plus impliqués en matière de risques professionnels ont souligné leur incompréhension du mécanisme proposé. Il conviendrait donc de renvoyer à la négociation entre les partenaires sociaux le soin de revoir ce dispositif mal conçu. Les acteurs de la branche AT-MP s'inquiètent en outre des effets de la création de ce compte sur le fonctionnement de leurs services dans les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT). En effet, vous prévoyez de confier sa gestion à la branche vieillesse. Or, on voit mal comment un sujet concernant aussi intimement la garantie des risques professionnels n'aurait aucune d'incidence sur le travail des ingénieurs conseil et des contrôleurs de sécurité des CARSAT. Les caisses pourraient alors se retrouver condamnées à ne plus faire que de la gestion de compte et du contentieux, au détriment de leur mission de prévention.

Enfin, il conviendrait de garantir l'effectivité des recours engagés par les entreprises contre les décisions des caisses fixant des tarifs AT-MP erronés. De fait, la procédure de rectification de ces tarifs par les tribunaux étant souvent fort longue, l'URSAFF tend à opposer aux demandes de remboursement fondées sur une décision de justice la prescription triennale prévue par l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale si bien que certaines sommes indûment versées ne sont jamais remboursées, fragilisant ainsi la légitimité de notre système ainsi que sa légalité au regard du droit européen. Dans son dernier rapport annuel, la Cour de cassation a donc invité le législateur à conférer aux actions engagées en matière de tarification un effet interruptif de la prescription applicable aux cotisations, en spécifiant expressément que dans ce cas, le remboursement peut porter sur l'ensemble de la période à laquelle s'appliquent les bases de cotisations rectifiées. Quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ?

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