Intervention de Gilles Boeuf

Réunion du 9 octobre 2012 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Gilles Boeuf, président du Muséum national d'histoire naturelle :

La perte de biodiversité a quatre causes.

Tout d'abord, le lien entre pollution et destruction, qui explique deux tiers de cette perte : l'homme détruit le vivant, par exemple pour construire des villes ou des ports. L'homme pollue également. Et si le documentaire réalisé sur la décharge de Veolia située à Villeneuve-Loubet illustre bien ce phénomène de pollution, celui-ci, loin de se réduire aux décharges et aux poubelles, existe partout, y compris dans les zones où l'homme est absent, tels que les océans Pacifiques et Arctique : l'eau de mer est acide au Vanuatu et la viande des Inuits est contaminée, ce qui entre autres rend l'allaitement maternel impossible.

La deuxième cause réside dans la surexploitation des stocks, dont les meilleurs exemples sont la forêt tropicale et les pêches maritimes. Or, à la différence du changement climatique, auquel on doit s'adapter avant de pouvoir le freiner, on peut agir contre la surexploitation. L'été dernier, malgré le conflit congolais, je me suis rendu en Ouganda pour y observer les gorilles et les chimpanzés : je me suis rendu compte de l'impact de l'humain sur ces populations animales que nous sommes seuls à pouvoir sauver. Et contrairement à ce que je croyais naïvement, même si les espèces économiques, telles que le thon rouge, sont les premières vouées à disparaître, cela n'empêchera pas les gens d'aller pêcher le dernier spécimen vivant, quel qu'en soit le prix – qui atteint des sommets pour le thon rouge.

Les espèces invasives constituent la troisième cause de perte de biodiversité. À la différence des espèces envahissantes, déjà présentes localement et qui se mettent à proliférer en raison d'activités humaines, celles-ci sont exotiques, c'est-à-dire qu'elles viennent d'ailleurs – tel le chat en Nouvelle Calédonie ou le frelon asiatique en France – et sont également beaucoup plus insidieuses. La plupart du temps, cela se passe de façon presque invisible dans un premier temps. Ainsi, à Oman, on voit proliférer depuis trois ans des algues rouges. L'explication : les tankers qui se délestent de leurs ballasts venu de la mer du Nord : douze milliards de tonnes d'eau contenant des bactéries, des virus, des champignons et des phéro-micro-organismes, qui, une fois rejetés à la mer, produisent des phénomènes pathologiques dans l'indifférence générale.

Enfin, la dernière raison en est le changement climatique. Et il faut être de très mauvaise foi pour affirmer que l'homme n'y est pour rien !

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