Intervention de Gilles Boeuf

Réunion du 9 octobre 2012 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Gilles Boeuf, président du Muséum national d'histoire naturelle :

Si la France veut conserver la Guyane, qui est l'un des plus beaux morceaux de diversité au monde, elle doit être beaucoup plus ferme. Pour ce faire, je pense qu'elle a besoin de l'aide de l'Europe. Des événements inacceptables se sont déroulés dans cette région. On trouve malheureusement des sites Internet encourageant les gens à y venir orpailler ! Et il n'y a plus de patrouille dans le parc amazonien de 34 millions d'hectares, et je passe sur les conflits entre la gendarmerie et l'armée.

Le Grenelle de l'environnement a été un grand événement. La ministre m'a promis que les décrets d'application sur la trame verte et bleue seraient pris avant la fin de l'année. Les lois sur la biodiversité et sur la transition écologique devraient être votées en 2013.

Le Muséum travaille ainsi sur le patrimoine inerte, au travers de deux disciplines : la minéralogie dans sa dimension environnementale ; la cosmochimie, quand nous étudions les signatures géochimiques d'objets géologiques. Ce qui m'amène à parler de plus en plus de géodiversité.

Sur les quelque 4 500 espèces minérales déposées dans les musées, 3 000 n'existeraient pas sans les bactéries. La meilleure signature de la Terre, c'est la vie. Les astrophysiciens eux-mêmes ne justifient-ils pas leurs missions dans l'espace par la recherche du vivant ? Et le patrimoine géologique renvoie à la géodiversité.

Paris compte trois collections minéralogiques : celle de Jussieu – université Pierre et Marie Curie –, celle de l'École des Mines et celle du Muséum. Réunissons-les sur un site emblématique pour en faire la plus belle collection minéralogique au monde ! Aidez-nous, car je crains que ce projet ne puisse aboutir pour des raisons financières.

Pour ma part, je n'envisage pas la création d'espaces où l'humain serait exclu. Je ne cherche pas à sauver la planète, comme certains le prétendent, mais à sauver le bien-être de l'humain sur la planète ! Les lois nous ont donné des outils, mais leur application devient problématique car je ne pense pas qu'une espèce de coléoptère, aussi emblématique soit-elle, justifie l'arrêt de chantiers. Ces lois ont été votées en réponse au mépris total dont faisaient preuve certaines castes dans ce pays pour les questions environnementales. Les choses ont évolué : mettons-nous autour d'une table pour revoir ce sujet en évitant les outrances.

J'ai travaillé en Ouganda, où 40 % des chimpanzés sauvages des réserves sont mutilés, après avoir été capturés par des braconniers ! Actuellement, je travaille avec les habitants de ce pays à la création de forages, mais qui sont situés dans des parcs naturels. Vous le voyez : la situation n'est pas la même partout, chaque espèce n'a pas la même valeur dans tous les types d'écosystème.

La conférence environnementale a le mérite d'avoir existé. Elle a été calquée sur la conférence sociale, et les participants y ont réalisé un travail sérieux.

Il est impératif de travailler à des schémas de retour de la diversité en ville. J'y crois : on peut encore faire des choses, mais il faut se hâter.

L'extension au large des aires marines protégées est une nécessité et il faut légiférer en la matière. Il ne s'agit pas de créer des réserves où l'humain n'ira pas : les pêcheurs de Cerbère-Banyuls sont désormais très heureux de pêcher à la périphérie de la réserve, des mérous qui avaient disparu il y a vingt ans !

Le thème de l'océan sera abordé lors de la conférence d'Hyderabad. Il faut cesser de considérer l'océan seul : il y a une continuité entre le milieu continental terrestre et le milieu océanique.

Les parcs naturels régionaux et nationaux, les réserves naturelles, les conservatoires d'espaces naturels, les aires marines protégées, le Conservatoire du littoral, toutes ces structures doivent nous amener à réfléchir ensemble.

Selon nous, il y a une grande différence entre une agence de la nature et une agence de la biodiversité. Si celle-ci doit voir le jour, je préconise de supprimer auparavant toutes sortes de structures qui s'empilent, comme les ZNIEFF (zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique), de réfléchir, grâce à un vrai débat public, aux domaines sur lesquels elle portera, et surtout, de lui donner des moyens adéquats.

Enfin, le Muséum possède un réseau de sites nationaux de préhistoire : celui de Lavoûte-Chilhac, la grotte du Lazaret, celle de Tautavel, l'abri Pataud et l'abri du Poisson. Venez nous rendre visite : nous vous aiderons avec plaisir.

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