M. Meslot, la difficulté à laquelle nous étions confrontés lors de la sortie d'Afghanistan était la quantité de matériel à rapatrier. Différentes voies de sortie ont été imaginées par l'EMA : par avion, par le train et le bateau via le Pakistan, ce qui s'avérait très compliqué ; par le train via les pays d'Asie centrale et la Russie, etc. Pour finir, la voie la plus sûre et la plus rapide est restée la voie aérienne via le Golfe persique.
La réflexion sur les forces prépositionnées concerne également les forces de souveraineté, même si l'armée de l'air est davantage concernée par les premières. Cette réflexion n'est pas encore aboutie : elle consiste à déterminer si l'on peut réduire les forces pour utiliser davantage de missions de moyenne durée comme aux Émirats arabes unis, où nous avons peu de permanents et beaucoup de personnel tournant. C'est une autre méthode de travail, que l'on étudie pour Djibouti et qui a cours au Tchad depuis longtemps. La difficulté est la suivante : du fait de la réduction du format en France, il sera très difficile d'alimenter différents sites en missions de courte ou moyenne durée.
M. Meunier, il y a certes diminution du nombre d'avions, mais en aucun cas diminution de la qualification des pilotes. Simplement, nous allons les entraîner différemment. Le format de l'aviation de combat air et marine tel que déterminé par le Livre blanc est de 225 avions en parc, soit environ 185 appareils en ligne. Pour la mission la plus exigeante, nous devons en déployer 45, auxquels il faut ajouter les besoins liés à la dissuasion et à la protection du territoire. Certains s'interrogent alors : avez-vous réellement besoin de 225 avions ? La réponse est : oui car il faut tenir compte du nombre d'équipages à entraîner. Si l'on veut mener une opération dans la durée et entraîner suffisamment d'équipages, nous avons besoin de 270 avions, comme dans la précédente LPM. Nous nous sommes interrogés pour savoir si nous pouvions gagner en marge de manoeuvre sur ce volet. C'est ce que nous permet le nouveau principe de l'entraînement différencié : dans un format réduit nous pouvons à la fois garantir l'entraînement de nos pilotes et assurer notre capacité à durer dans les opérations. Pour cela notre idée est de constituer deux cercles de pilotes. Le premier comprend les pilotes qui doivent être très bien entraînés sur tout le spectre des opérations. Les équipages du deuxième cercle seront issus de ce premier cercle et seront utilisés pour durer en opérations. Au quotidien ils voleront comme instructeurs sur des avions dont la configuration interne est très proche de celle du Rafale. Les pilotes du deuxième cercle feront aussi une quarantaine d'heures de Rafale, contre 180, et constitueront alors des moniteurs très expérimentés qui pourront aussi assurer la relève en opérations des équipages du premier cercle.
Mon souci est la capacité à durer sur un théâtre. Au Mali, nous avons engagé des équipages Rafale. Entre janvier et début avril, tous avaient été engagés au moins une fois, certains ayant volé plus de 90 heures sur des missions longues. Il me faut donc des pilotes pour durer. Des pilotes qui ont été opérationnels, qui continuent de voler sur Rafale et de s'entraîner régulièrement, peuvent être mobilisés à nouveau sur le terrain en un mois et demi, sur des missions plus simples que celles de l'entrée en premier. Ce faisant, on ne perd pas de capacité opérationnelle. Pour répondre concrètement à votre question : non, ce concept n'a pas encore été expérimenté. Nous avons tout de même les exemples de pilotes de chasse devenus moniteurs et qui, alors qu'ils n'avaient plus volé sur un avion de combat, redevenaient rapidement opérationnels lors de leur retour en unité de combat. Cette idée a beaucoup séduit certains de nos partenaires qui cherchent à la développer également.