Un conseiller du Président de la République m'a indiqué que l'IHEDN étant un service du Premier ministre, il n'était pas souhaitable de l'associer aux travaux de la commission, ce qui n'empêche naturellement pas l'IHEDN d'agir en diffusant des notes ou en échangeant avec les présidents des commissions. Il était également nécessaire de laisser une place à MM. Wolfgang Ischinger et Peter Ricketts, représentants allemand et britannique.
Que la commission soit obligée de travailler vite, c'est un fait. Les Polonais nous ont indiqué qu'ils travaillaient sur le même sujet depuis seize mois, mais il faut aussi reconnaître qu'il y a urgence.
Le ministère de la défense ne faisant pas partie des ministères dits prioritaires, il y a certes un risque qu'il constitue une variable d'ajustement et que le budget de la défense passe ainsi de 1,6 % à 1,5 % du budget de la Nation. Surtout, le risque est de définir une réponse aux défis, enjeux et menaces uniquement en termes budgétaires, un peu comme on avait tendance en 2008 à ne raisonner qu'en terme de rayon d'action.
Il faut admettre que la France est désormais une puissance régionale. Au-delà, il convient d'agir d'une autre façon, c'est-à-dire innover en terme de présence stratégique. Le document qui sera élaboré par la commission du Livre blanc peut être beaucoup plus court que le précédent. C'est je crois, à juste titre, l'intention de son Président, M. Jean-Marie Guéhenno.
Il importe de ne pas subir une espèce de dictature des moyens. La France, qu'elle le veuille ou non, doit rester engagée. Elle a pris ces dernières semaines des initiatives sur la question africaine et tout spécialement sur l'Afrique de l'ouest, même si la situation est très compliquée, sachant que l'Algérie a ses propres intérêts dans le Sahara.
La France a déjà renégocié huit accords de défense avec ses partenaires africains. Mais le désir des acteurs, y compris du président Alassane Ouattara, et il en est de même au Sénégal, est que la France reste sur place, même si le choix de Libreville et de Djibouti a été fait. L'IHEDN s'est rendu récemment à Djibouti, d'où la moitié de nos forces est partie pour Abu Dhabi, et il est frappant d'y voir l'installation d'une base japonaise de forces d'autodéfense ainsi qu'une présence de forces maritimes chinoises en mer d'Arabie. Faut-il vraiment partir ? Djibouti, comme Kampala d'ailleurs, est une base utile pour assurer la formation des armées de l'Afrique de l'Est, dont les forces sont actives pour remettre de l'ordre en Somalie, sur terre comme sur mer.
On peut certes faire des interventions de choix, comme en Afghanistan pour manifester notre solidarité avec les États-Unis, mais quel y est notre intérêt national dans la durée ?
Je pense qu'il convient d'adapter les moyens à la nécessité et non l'inverse, en distinguant entre nos voisinages élargis et le vaste monde où nous avons des intérêts plutôt économiques mais qui peuvent également affecter notre autonomie stratégique. Il convient de trouver des moyens d'action, par le levier européen ou par le jeu d'alliances.
Il convient également que les États-Unis récusent le concept de « global NATO », c'est-à-dire acceptent de discuter avec nous en dehors de l'OTAN, afin d'engager un véritable dialogue euro-américain sur des questions globales. À défaut, nous aboutirons à un duopole Washington-Pékin qui n'est nullement dans notre intérêt.
Le budget de la défense va donc diminuer, il n'est nullement dans notre intérêt que nos ambitions diminuent en proportion ! Je plaide donc pour une vision stratégique fondée sur une évaluation des risques et menaces (vision pessimiste) et des enjeux et des intérêts (vision optimiste). Après plusieurs échanges avec nos chefs d'état-major, je peux vous affirmer que nos forces se sont modernisées et que l'on dispose aujourd'hui, notamment en OPEX, de moyens d'action performants, efficaces et souvent admirés.