Monsieur Le Bris, nous savons que nous devons supprimer 650 postes pour atteindre notre cible de 6 000 postes imposée par la précédente LPM ; ces 650 emplois sont presque tous identifiés et nous devons encore désigner une vingtaine de postes d'officiers. En outre, à part les 1 300 postes qui concernent les forces et qui sont la conséquence mécanique de la réduction des formats et du changement du type d'équipage des nouvelles frégates, qui passe de 300 à un peu plus de 100 personnes – cette réduction s'accompagnant d'un accroissement de la technicité qui peut constituer une difficulté, et il faut rester vigilant pour conserver les compétences liées aux vieux bateaux qui vont nous aider à passer la période de l'étalement des programmes –, la marine devra participer à la compression des 14 400 postes qui doit être réalisée sur l'ensemble des structures du ministère. À quelle hauteur ? Je l'ignore, l'analyse fonctionnelle demandée par le ministre de la Défense étant en cours. La réduction de 24 000 postes répond à la nécessité d'équilibrer les équipements, l'activité et les effectifs dans un cadre budgétaire donné. J'ai fait le tour des ports pour expliquer le Livre blanc, la LPM et le PLF à mes troupes et pour leur montrer le cap, et, à cette occasion, j'ai exposé les deux moyens permettant parvenir à cette diminution des effectifs :
– le resserrement du recrutement – celui des officiers doit déjà baisser de 19 % –, qui ne doit pas être trop strict, car le vieillissement global de la population des marins augmenterait le glissement vieillissement technicité (GVT) et ne permettrait pas d'atteindre le but poursuivi alors que la marine parvient chaque année à équilibrer son titre 2 ;
– les mesures d'accompagnement – pécule, promotion fonctionnelle – afin d'inciter au départ plutôt les officiers supérieurs pour écrêter le sommet de la pyramide de notre masse salariale et encore mieux contrôler notre titre 2 – mais ces départs doivent être contrôlés, car nous avons besoin des compétences de spécialistes qui trouvent, pour 75 % d'entre eux, du travail en moins d'un an quand ils nous quittent.
Nous voyons aujourd'hui toute l'importance de notre ZEE et l'on assiste d'ailleurs à une « territorialisation » de la mer qui tranche avec l'effacement des frontières terrestres. Ainsi, par exemple, la découverte de gisements gaziers en Méditerranée orientale attise des tensions entre les pays riverains – Chypre, Grèce, Turquie, Israël, Syrie, Liban et Égypte. Nous ne pourrons pas surveiller en permanence l'ensemble de notre ZEE qui représente plus de vingt fois le territoire métropolitain, mais nous tâchons de la contrôler au mieux, notamment pour éviter que d'autres viennent y exploiter ses richesses. Je vous avais déjà annoncé, il y a deux ans, des réductions temporaires de capacité pour les moyens en outre-mer : elles subsistent, mais les B2M – bâtiments de soutien civil qui embarqueront des armes légères – remplaceront les BATRAL, qui devaient être remplacés par le programme BIS, et les patrouilleurs continueront d'être exploités avec le risque de rupture franche. Le report de 2017 à 2024 du déploiement du programme BATSIMAR nous fait courir un vrai risque.
Au moment du naufrage de Lampedusa, la marine intervenait dans le cadre de Frontex dans l'ouest de la Méditerranée en mer d'Alboran et trouvait des migrants dans des conditions difficiles – de nombreuses personnes dans des canots pneumatiques –, avant de les remettre aux autorités algériennes. C'est hélas très courant en mer Méditerranée et, sans notre présence, des drames comme celui de Lampedusa peuvent se reproduire fréquemment.
Monsieur Marty, je ne peux en effet que constater la diminution du nombre de frégates de 24 à 15, mais la dernière LPM prévoyait 18 frégates dont cinq n'étaient pas vraiment de premier rang – frégates furtives La Fayette qui ne disposent pas de sonar et dont la capacité de défense aérienne est limitée ; nous avons d'ailleurs retiré l'une d'elle lorsque la tension s'est accrue au large de la Syrie pour la remplacer par une frégate de premier rang, le Chevalier Paul. Disposera-t-on d'une marine cohérente et capable d'assurer ses missions à l'horizon de 2025 ? La réponse est positive et nous conserverons l'une des armées les plus performantes d'Europe. Est-ce suffisant ? Tout chef d'état-major vous demandera toujours davantage pour accroître ses chances de réussir, mais, en l'occurrence, ce n'est pas réaliste compte tenu de la situation budgétaire que nous subissons. Le Livre blanc nous permettra de ne perdre aucune de nos grandes capacités et d'arriver dans de bonnes conditions dans des eaux plus calmes en 2025 afin d'être en mesure de remonter en puissance. Nous avons pris certains risques – le vieillissement des frégates notamment – et s'il est vrai que si nous restons bien placés en Europe, des pays comme la Chine, l'Inde, le Brésil et la Russie augmentent fortement leurs capacités.
Les huit BSAH remplaceront les remorqueurs du type du Tenace, les bâtiments de soutien régionaux et, dans une certaine mesure, les bâtiments actuellement affectés à la lutte contre la pollution : j'espère que ce programme très important aboutira rapidement, car, dans le cas contraire, la rupture capacitaire franche sera inévitable en 2017.
Monsieur Vitel, je ne peux vous répondre sur les arrêts techniques majeurs des SNA puisqu'un groupe de travail étudie actuellement cette question ; ses conclusions sont attendues avant la fin de l'année. Il s'agit d'un sujet complexe, car il touche l'infrastructure des ports et il convient de trouver le bon lieu pour effectuer les entretiens de longue durée. Les facteurs déterminant de choix seront financiers et la décision n'est pas arrêtée aujourd'hui : quel serait le coût des travaux à réaliser à Brest ? Quel serait l'impact humain du transfert de cette tâche de Toulon à Brest pour les personnels de la marine nationale et pour les industriels ? Quel serait l'impact opérationnel ?