Le moral des personnels constitue l'une de mes préoccupations principales : on choisit d'être marin pour partir loin, longtemps et en équipage ; les conditions ne sont pas confortables – surtout lorsque la mer est formée – et il est vrai que les demandes de lien familial s'expriment de manière plus forte aujourd'hui qu'à l'époque où je suis entré dans la marine. Il convient de veiller à l'acceptation familiale du métier de marin, si spécifique puisqu'il engendre une période d'absence du domicile supérieure à 100 jours par an, parfois dans des conditions d'isolement total – notamment pour les sous-mariniers. Mais, surtout, ce qui est important pour que le moral du marin soit bon, c'est que les missions soient intéressantes, ce qui nécessite des moyens pour que les bateaux soient en mer et non à quai.
Je ne partage pas votre constat selon lequel la France serait une petite puissance maritime, monsieur Dhuicq. Certes, des pays montent en puissance, mais nous restons une marine puissante à l'échelle de l'Europe notamment.
Monsieur Fromion, nous contrôlons toutes les approches maritimes françaises - outre-mer compris - je dirais sur une largeur de 100 kilomètres à partir des côtes et nous tâchons de surveiller le reste de notre ZEE ; il convient néanmoins de ne pas oublier que sa superficie atteint 11 millions de km² et il faudrait une flotte d'ampleur démesurée pour assurer une surveillance permanente de l'ensemble de la zone. Nous contrôlons tous les secteurs dans lesquels le trafic de drogue est développé – Caraïbes, ouest de l'Afrique et ouest de la Méditerranée. L'UE nous impose d'y assurer la lutte contre la pêche illégale, et nous avons déployé une frégate et un avion de surveillance maritime à l'occasion de la campagne européenne du thon rouge : nous ne pouvons pas nous soustraire à cette obligation, car cela nous exposerait à devoir régler des amendes d'un montant proche de celui d'un petit patrouilleur. Cette mission nous conduit aussi dans le golfe de Gascogne, bien entendu, mais également aux îles Kerguelen dont les eaux abritent un poisson rare, la légine, convoité par de nombreux pays asiatiques, ce qui incite à la pêche illégale. Nous sommes ainsi intervenus l'année dernière contre un pêcheur sud-coréen qui se trouvait en infraction. Nous nous concentrons sur les luttes contre le trafic de drogue et l'immigration illégale – dans le cadre de Frontex, en Méditerranée comme à Mayotte.
Madame Gosselin-Fleury, il existe bien un programme de démantèlement des SNLE, dont le DGA est responsable. Pour ce qui est sous ma responsabilité, c'est-à-dire les bâtiments de surface, les déconstructions requièrent des mesures de respect de l'environnement. Le traitement des dossiers est complexe. Nous disposons de 10 millions d'euros par an pour la flotte de surface hors sous-marins et les premiers bateaux sont en cours de déconstruction – notamment la Saône qui posait un vrai problème du fait de son mauvais état. Plusieurs contrats de déconstruction sont maintenant mis en oeuvre, pour la Jeanne-d'Arc et le Colbert. Il faut espérer que cette opération se termine rapidement, car dès lors que les SNA du type Rubis seront désarmés, nous risquons d'être confrontés à un encombrement dans le port de Cherbourg.
Nous menons une réflexion pour déterminer la nature du cadre juridique et technique des BSAH : soit nous choisissons le partenariat public-privé (PPP) où les bâtiments sont en leasing avec quatre d'entre eux armés par des équipages militaires et quatre par des équipages civils, soit nous optons pour un mélange comptant une composante patrimoniale et une autre d'affrètement, soit nous privilégions la voie totalement patrimoniale. Nous devons prendre rapidement une décision pour ces bâtiments de soutien qui ne sont pas de combat.
Monsieur Lamblin, la zone de la Polynésie est très étendue, mais si de fortes tensions émergeaient en mer de Chine ou dans la zone Pacifique, nous pourrions affecter des moyens habituellement stationnés en métropole à ces endroits. Nous ne disposons actuellement que de deux frégates de surveillance dans le Pacifique, et nous nous concentrons sur la pêche illégale et la surveillance des zones à fort potentiel de ressources ; nous espérons pouvoir remplacer rapidement les patrouilleurs, d'où notre impatience à voir se déployer le programme Batsimar.
Mon combat quotidien est de conserver les savoir-faire. Du fait du resserrement de format, nous avons deux frégates de défense aérienne – de la classe Chevalier Paul –, deux frégates antiaériennes, quelques frégates anti-sous-marines (ASM), un groupe aéronaval, six SNA et quatre SNLE, d'où la micro-gestion de personnels disposant de compétences très spécialisées et indispensables au fonctionnement de chaque type de bâtiment – par exemple, s'il manque le chimiste sur un sous-marin, celui-ci ne peut appareiller. L'étalement des programmes rend plus difficile encore le maintien de ces savoir-faire, puisque nous faisons naviguer en même temps des flottes anciennes et modernes, et la complexité de la tâche s'accentuera si la réduction des effectifs est trop forte.