Intervention de Luc Oursel

Réunion du 10 octobre 2012 à 9h30
Commission des affaires économiques

Luc Oursel, président d'AREVA :

Depuis 1981, il y a eu huit débats de politique énergétique au Parlement : cela suffit à démontrer l'importance du sujet et l'intérêt que nos concitoyens lui portent. Je crois qu'il faut viser plusieurs objectifs.

Le premier est la compétitivité, aussi bien pour les industriels que pour la consommation domestique. Cela suppose une énergie bon marché, mais surtout des prix aussi prévisibles que possible. En effet, particuliers comme industriels supportent de plus en plus mal la volatilité. En Allemagne par exemple, la mise en oeuvre très rapide du nouveau modèle énergétique se traduit par un débat très intense sur la façon de répartir les surcoûts entraînés par le développement des énergies renouvelables – pour des sommes estimées entre 15 et 20 milliards d'euros par an.

Le deuxième objectif, c'est l'indépendance énergétique – et son corollaire, la sécurité d'approvisionnement. Depuis la fin de la Première guerre mondiale, cette préoccupation est au coeur de la politique française ; elle porte essentiellement sur les hydrocarbures. Aujourd'hui encore, on ressent des tensions sur le marché à la suite de la décision de l'Arabie saoudite de lancer un programme nucléaire pour réserver ses ressources à d'autres activités que la production d'électricité.

Il n'existe pas de panacée pour assurer cette indépendance. Comme l'a rappelé le président Brottes, il s'agit de conjuguer économies de consommation, recours à des productions locales et diversification des sources d'énergie. Bien évidemment, dans le domaine nucléaire, sécurité d'approvisionnement signifie sûreté des installations.

Le troisième objectif, c'est l'amélioration de la balance commerciale. Au Japon, l'arrêt des centrales nucléaires a suscité un déficit jusqu'ici inconnu.

Enfin, dernier objectif : préserver l'environnement, bien sûr. Ces temps de crise ne doivent pas nous faire oublier la nécessité de la réduction des émissions de CO2.

Plus généralement, la politique énergétique s'inscrit dans le long terme. Pour nous, opérateurs, les à-coups sont très coûteux et il ne peut pas être question, non plus, de nous imposer des marches forcées. Nous avons besoin de beaucoup de temps pour adapter notre production et pour engager des investissements nécessairement coûteux.

En France, la politique énergétique a toujours été liée à un modèle industriel assis sur des champions, capables non seulement de servir les objectifs nationaux mais aussi de conquérir les marchés internationaux. Peu de pays disposent, dans autant de filières, d'opérateurs de niveau mondial. Nous espérons que les choix futurs nous permettront de consolider ces filières. Cela suppose de soutenir l'investissement dans les infrastructures. C'est aussi une façon d'encourager l'activité économique – une des fins assignées au programme nucléaire lorsqu'il a été lancé dans les années soixante-dix.

AREVA est la résultante de tous ces facteurs. L'entreprise a connu une longue histoire, marquée par le partenariat historique – et renouvelé – avec EDF. Elle réalise aujourd'hui deux tiers de son chiffre d'affaires à l'export, contribuant fortement à la balance commerciale. Ses emplois sont, pour les deux tiers, basés en France ; ce sont des emplois hautement qualifiés puisque les trois quarts des salariés sont ingénieurs, cadres, techniciens ou agents de maîtrise.

Dans ce débat, nous souhaitons rappeler l'importance du nucléaire. Nous travaillons sur 360 des 440 réacteurs en fonctionnement dans le monde, ce qui nous donne une vision assez large. Nous sommes engagés, avec EDF, dans tous les appels d'offres pour le développement de nouvelles installations. Nous estimons que la capacité nucléaire mondiale continuera à croître d'à peu près 2 % par an jusqu'en 2030. De très nombreux projets ont été lancés. Il s'agit, dans la plupart des cas, de marchés où l'État s'implique fortement, puisqu'ils nécessitent de nouer une relation dans la durée. Nous considérons que la France dispose d'une carte à jouer puisque, avec les difficultés du Japon et les hésitations des États-Unis, notre pays constitue la référence en matière nucléaire, aussi bien dans le savoir-faire industriel que du point de vue institutionnel et politique.

Pour AREVA, l'avenir énergétique passe également par le développement des énergies renouvelables. Cette année, notre chiffre d'affaires dans ce secteur se situera entre 500 et 600 millions d'euros, alors qu'il était quasi nul il y a quatre ans. Nous avons choisi résolument de nous positionner sur ce marché, pour démontrer clairement l'erreur d'opposer nucléaire et renouvelable. Mais il reste beaucoup à faire ; notre ambition est d'être présents partout où la technologie permet de relever les défis auxquels est confronté le monde de l'énergie.

Tout d'abord, il faut améliorer la compétitivité. Même si certaines d'entre elles existent de longue date, les technologies n'ont pas encore atteint leur maturité économique. On peut estimer que le montant des subventions aux énergies renouvelables, en Europe, oscille entre 50 et 60 milliards d'euros par an. La marge de progrès est donc considérable.

Ensuite, nous devons remédier à l'intermittence. La solution réside sans doute dans la recherche sur le stockage de l'énergie.

Enfin, de façon générale, nous privilégions les activités à forte teneur de technologie, garantes d'emplois plus stables – méditons à cet égard l'exemple allemand, où le fort développement de l'activité photovoltaïque a essentiellement bénéficié aux manufactures chinoises.

En conclusion, même si elle n'a pas l'ambition d'apporter des réponses à toutes les questions, AREVA entend contribuer à la construction du futur bouquet énergétique français.

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