Intervention de Henri Proglio

Réunion du 10 octobre 2012 à 9h30
Commission des affaires économiques

Henri Proglio, président d'EDF :

Messieurs les présidents, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie pour cette matinée d'échanges sur l'énergie. Le sujet mérite en effet qu'on s'y penche avec attention.

Nous n'abordons pas ce débat à partir d'une feuille blanche, puisque la France dispose d'atouts importants à mobiliser pour réussir la transition énergétique : tout d'abord un prix de l'électricité qui, de 40 % inférieur à la moyenne européenne, sert le pouvoir d'achat et la compétitivité de notre économie nationale ; ensuite, des filières industrielles efficaces adossées à des groupes industriels d'envergure mondiale, dont AREVA, et sur des PME créatrices d'emplois qualifiés, de plus en plus nombreuses à l'export. De son côté, EDF embauchera 6 000 personnes en 2013, dont 2 000 créations d'emplois nettes.

Dernier atout : un parc de production fiable, faiblement émetteur de CO2– un Français en émet 6 tonnes par an contre 9 pour un Allemand ou un Danois, la production d'électricité de ces deux pays reposant encore à 60 % sur le charbon et sur le gaz.

Un approvisionnement garanti est positif pour la balance commerciale, dans la mesure où il permet de réduire le recours aux productions étrangères. En 2011, les importations françaises de pétrole et de gaz ont dépassé 61 milliards d'euros, soit près de 90 % du déficit commercial et 3 % du produit intérieur brut.

De quoi sera fait le paysage énergétique de demain ? Le bouquet énergétique de 2025 sera composé d'économies d'énergies, de nucléaire et d'énergies renouvelables. EDF est en pointe dans chacun de ces trois domaines, et j'ai la conviction que la solution aux défis de demain réside dans leur complémentarité, non dans leur opposition. Tous les modes de production ont leur utilité propre, mais je m'arrêterai sur les deux qui font le plus débat : le nucléaire, d'une part, et les énergies nouvelles, de l'autre.

La sûreté nucléaire, première des exigences, n'est mise en question par aucun des acteurs pour aucune des 58 tranches du parc en fonctionnement. Toutes sont parfaitement conformes aux exigences en vigueur, et l'intégralité des travaux prescrits par l'ASN afin de relever encore les normes, suite au retour d'expérience de Fukushima, sera réalisée par EDF dans les délais prévus.

Sur le plan économique, le nucléaire contribue à la compétitivité, à l'emploi industriel et à une balance commerciale positive. Les travaux récents de la Cour des comptes situent le coût complet du nucléaire existant à 49,50 euros le mégawattheure. C'est un avantage considérable et un atout précieux pour le pouvoir d'achat des ménages comme pour la compétitivité de l'économie française. Les filières industrielles du secteur rassemblent un tissu d'entreprises, petites et moyennes, réparties sur l'ensemble du territoire, et pour lesquelles le programme de rénovation du parc existant représente un enjeu majeur : 20 000 nouveaux emplois nets pour le grand carénage, et plus de 30 000 embauches pour remplacer les départs en retraite.

Le nucléaire permet également d'éviter l'importation coûteuse de gaz ou de charbon qui dégraderait notre balance commerciale tout en contribuant à nos émissions de CO2.

Le parc nucléaire existant constitue donc, avec l'hydraulique, le socle de la compétitivité de l'électricité française. C'est un bien tout à fait précieux pour notre pays. Faut-il en déduire qu'il n'y a pas de place pour une diversification du bouquet à l'horizon 2025 ? Certainement pas, et pour ce qui concerne EDF, cette diversification est déjà engagée à travers nos investissements récents, et massifs, dans les énergies nouvelles.

Passons à l'effort à produire en matière d'économies d'énergie. C'est un enjeu majeur, à la fois environnemental et social. Certains pensent qu'EDF avance timidement, voire à reculons. Or l'entreprise est, de loin, le premier producteur d'économies d'énergie en France, c'est-à-dire d'actions concrètes réalisées chez les Français et dont l'efficacité est validée par la délivrance de certificats par l'ADEME. Depuis 2006, ces économies équivalent à 750 térawattheures cumulés et actualisés (cumac).

De nouveaux objectifs très ambitieux viennent d'être fixés en matière de rénovation de l'habitat. EDF, entreprise de service public, sera un acteur de premier plan. Concrètement, nous tirons de notre expérience que les gestes les plus urgents dans ce domaine sont de deux ordres.

Il faut d'abord identifier, en particulier avec les acteurs locaux, les 4 millions de logements les plus énergivores. EDF peut apporter son expérience de terrain, acquise depuis quinze ans auprès des offices d'HLM – elle a participé depuis 2006 à la rénovation de 1,6 million d'habitations, dont 500 000 logements sociaux – et, plus récemment, dans le cadre du programme Habiter Mieux de l'ANAH, auquel elle contribue pour 50 millions d'euros.

Ensuite, il faut systématiser le réflexe énergétique auprès des filières du bâtiment, en leur proposant des formules adaptées. Nous avons le retour d'expérience du programme FEE Bat (Formation aux économies d'énergie dans le bâtiment), qui a permis en quatre ans de former 50 000 artisans, et du programme « Règles de l'art » accompagnant l'évolution des normes du bâtiment.

EDF va contribuer à cet élan de la politique d'économies d'énergie. Pour autant, ma conviction est que l'électricité reste l'énergie de l'avenir et, par ses qualités physiques, l'énergie de la transition. En effet, de nouveaux usages permettent des substitutions aux énergies fossiles, qu'il s'agisse des pompes à chaleur pour le bâtiment et l'industrie, des véhicules électriques, du chauffage par induction pour la cuisson et l'industrie, sans parler de la domotique. Enfin, elle est produite en France à 98 % sans CO2, grâce à l'hydraulique, au nucléaire et aux sources renouvelables.

Pour conclure sur la demande, j'insiste sur la nécessité de distinguer entre l'utilité d'une maîtrise accrue de l'énergie, qui permet qu'un même logement consomme moins, et l'évolution de la demande globale d'électricité du pays, liée aux croissances démographique et économique, au développement d'usages spécifiques et aux processus de substitution. Nous devons garantir la sécurité d'approvisionnement en toutes circonstances. Qui accepterait en effet qu'EDF ne soit pas prête à répondre aux nouveaux besoins lors de la reprise de la croissance économique ?

En ce qui concerne les énergies vertes, leur développement fait désormais partie intégrante de la stratégie d'EDF, qui s'en est donné les moyens industriels par l'intégration à 100 % d'EDF Énergies nouvelles. En 2011, nos investissements dans de nouveaux moyens de production ont été supérieurs dans ce secteur à ceux que nous avons consacrés au nucléaire.

EDF développe, en France et dans le monde, les trois principales technologies : l'éolien terrestre, l'éolien en mer et le photovoltaïque. Il s'y ajoute des expérimentations concernant notamment les énergies marines et le stockage. Chaque technologie a bien sûr ses atouts et ses défis.

L'éolien terrestre est le plus proche de la compétitivité, mais il reste à construire une filière industrielle française, au moins pour l'assemblage des composants. EDF exploite en France vingt-cinq parcs éoliens pour une puissance installée de 370 mégawatts. 59 autres mégawatts en cours de construction – il faudra aller, ici, vers une simplification des procédures administratives.

L'éolien en mer est bien sûr plus éloigné de la compétitivité, mais une filière industrielle française est en cours de développement suite au succès du partenariat EDF-Alstom dans trois des quatre premiers appels d'offres. Deux usines vont sortir de terre à Saint-Nazaire et à Cherbourg. L'ensemble de la filière éolienne en mer, emmenée par EDF, devrait représenter 7 000 emplois sur le territoire national.

Le solaire photovoltaïque demeure lui aussi éloigné de la compétitivité. Les filières européennes sont fortement déstabilisées par la concurrence asiatique. Mais les évolutions sont très rapides, des ruptures technologiques sont possibles, et tout l'enjeu pour EDF est de contribuer à l'émergence d'une filière technologique française ou européenne, à un coût de production plus compétitif. Aujourd'hui, EDF compte vingt centrales solaires en service ou en construction pour plus de 310 mégawatts-crête, mais aussi 10 000 toitures individuelles et près de 500 grandes toitures industrielles ou agricoles. Le défi majeur demeure l'intermittence de la production, qui doit être prise en compte dans les documents de planification nationaux et locaux. EDF engage d'importants travaux de recherche et des expérimentations, par exemple sur le stockage de grande capacité afin de desserrer cette contrainte.

Pour être durable, le développement des énergies renouvelables nécessite absolument une diversification de son mode de financement. Celui-ci repose aujourd'hui quasi exclusivement sur le consommateur d'électricité, à travers la contribution au service public de l'électricité (CSPE). Ce n'est pas soutenable. Le dispositif, dont la loi prévoit pourtant qu'il soit équilibré, connaît un déficit qui se creuse chaque année et qui, porté presque entièrement par EDF, approche maintenant les 5 milliards d'euros.

La diversification du bouquet énergétique à l'horizon 2025 résultera de l'évolution de la demande et de la dynamique de développement des énergies nouvelles, assurée notamment par EDF – premier développeur et producteur d'énergies renouvelables en France. Cette diversification témoigne du fait qu'énergies renouvelables et nucléaire ne s'opposent en aucune manière : ils sont liés. Un développement ambitieux des premières en France suppose de compter sur un socle compétitif, qui provient des performances du parc existant.

EDF participera donc au débat sur la transition énergétique, et sera évidemment une force de proposition.

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