Intervention de Jean-Louis Bal

Réunion du 10 octobre 2012 à 9h30
Commission des affaires économiques

Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables, SER :

Je tiens, moi aussi, à souligner l'intérêt de ce débat, tout en espérant qu'il ne sera pas circonscrit à l'électricité : l'énergie, ce sont aussi de la chaleur et des transports.

Le Syndicat des énergies renouvelables regroupe 450 entreprises : 10 % de grands groupes et instituts de recherche, et 90 % d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) et de PME. C'est un vrai lieu d'échange. Il est clair que la transition énergétique ne se fera pas sans une implication forte des grands groupes et sans leur synergie avec les PME, qui bénéficieront du dynamisme et de l'inventivité nécessaires pour développer des solutions innovantes.

Les entreprises du SER réalisent 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires – et je ne tiens pas compte de la progression d'AREVA dans ce domaine des énergies renouvelables – qui représentent 80 000 emplois. Elles sont actives dans toutes les filières – éolien, photovoltaïque, biomasse, hydroélectricité, géothermie, solaire thermique, pompes à chaleur, solaire thermodynamique et énergies marines –, de la R & D jusqu'au marché, c'est-à-dire jusqu'à l'exploitation des systèmes, qu'il s'agisse de chaleur ou d'électricité. Nous constatons en outre, parmi nos adhérents, une forte montée en puissance de la partie industrielle.

Commençons par notre branche éolienne. Nous étions liés depuis 2005 par une convention de partenariat avec France Énergie Éolienne, dont vous avez auditionné le président la semaine dernière. Cette convention n'a pas été renouvelée et nous avons créé en notre sein une commission éolienne, dont le bureau est constitué de représentants de seize entreprises, PME et grands groupes, industriels et développeurs.

Dans notre Livre blanc, que j'ai adressé à chacun d'entre vous, nous constatons que le contexte international est marqué par l'augmentation inéluctable du prix des hydrocarbures. On ne peut pas encore parler de raréfaction, mais c'est la fin du pétrole facile. Au contraire, les énergies renouvelables constituent une ressource abondante : pendant cinq milliards d'années encore, le soleil nous enverra en permanence 8 000 fois les besoins de l'humanité. On pourrait mentionner aussi la géothermie.

Des obstacles s'opposent encore au déploiement à grande échelle des énergies renouvelables : en premier lieu, son insuffisante compétitivité, mais la situation s'améliore très rapidement et, depuis deux ans, de façon spectaculaire pour le photovoltaïque. Le second obstacle est le caractère variable, fatal – mais prévisible – de la production des énergies de flux : solaire, éolien, hydraulique au fil de l'eau ou énergies marines. Les réponses existent. J'espère que nous aurons l'occasion d'y revenir.

La France ne rencontrera pas de problème à court terme, en tout cas pas avant 2020. En 2010, les énergies renouvelables représentaient 16,8 % de la consommation mondiale d'énergie finale. Pour moitié, il s'agit de la biomasse traditionnelle et, pour l'autre moitié, des énergies renouvelables modernes. Ce sont celles-ci qui se développent rapidement. Selon les scénarii de l'Agence internationale de l'énergie, les énergies renouvelables contribueront, dès 2035, pour 24 % à la réduction des émissions des gaz à effet de serre. Mais cela suppose que chacun se mobilise contre le changement climatique.

Ces énergies connaissent un développement rapide. Entre 2004 et 2011, les investissements annuels mondiaux, hors grande hydroélectricité, sont passés de 39 milliards de dollars à 257 milliards. Les entreprises françaises sont présentes dans toutes les filières et sur la totalité de la chaîne de valeur. Les énergies renouvelables représentent pour elles un très gros enjeu de politique industrielle et de présence à l'export.

À partir de ces constats, notre Livre blanc formule plusieurs recommandations. Il s'agit essentiellement de confirmer les objectifs du Grenelle de l'environnement, voire d'aller au-delà en ce qui concerne le photovoltaïque, car les coûts ont fortement évolué depuis 2007. Nous devons aussi impulser, en parallèle de la politique de développement de la demande, une politique de l'offre industrielle et de soutien à la R & D et à l'innovation, car nous sommes en présence de technologies très évolutives qui imposent, pour rester compétitifs, une innovation permanente. Nous plaisons enfin pour un allégement du cadre réglementaire – ce qui n'est pas synonyme de laxisme. Nous avons besoin d'un dispositif incitatif pérenne, dégressif pour aller vers la compétitivité, et de visibilité à moyen terme.

Je le répète : l'énergie, ce n'est pas uniquement l'électricité. La production de chaleur représente 50 % de l'objectif des 20 millions de tonnes équivalent pétrole supplémentaires à l'horizon 2020, à attendre principalement de la biomasse. Le principal outil en la matière est le Fonds chaleur, mis à disposition de l'ADEME, qu'il convient de pérenniser et même de renforcer. La principale contrainte réside dans l'amont de la filière, c'est-à-dire dans la mobilisation du bois : en effet, 75 % de nos forêts sont privées, dispersées entre trois millions et demi de propriétaires. Mais je pense que vous en avez abondamment discuté avec la branche biomasse du syndicat, France Biomasse Énergie, la semaine dernière.

L'outre-mer et la Corse, déjà confrontés à des taux élevés de pénétration de l'éolien et du photovoltaïque – énergies dites « intermittentes » – peuvent devenir des territoires pilotes pour le développement des technologies de stockage et des réseaux intelligents.

La rénovation énergétique des bâtiments, qui est un des grands défis du quinquennat actuel, aura une composante « énergies renouvelables ». Nous comptons participer activement à la définition de ce programme.

Ces politiques, qui ont un coût, ont également des avantages que nous avons chiffrés à l'horizon 2020 : 20 millions de tonnes de CO2évitées ; 125 000 embauches qui porteraient à 225 000 le nombre des emplois liés aux énergies renouvelables ; une contribution de 3,4 milliards d'euros par an à notre balance commerciale.

Nous sommes mal partis pour atteindre, en 2020, l'objectif de 23 % d'énergies renouvelables, défini par la directive européenne. Il semble probable que nous n'en serons qu'à 18 %. Malgré tout, à notre sens, cet objectif reste réalisable à condition de se doter d'un vrai pilotage de ces politiques, en tirant la leçon des problèmes survenus il y a deux ans dans la filière photovoltaïque.

Au-delà de 2020, il faudra maîtriser les effets du caractère intermittent de certaines énergies renouvelables. À cet égard, je voudrais souligner le rôle central de l'hydroélectricité. Une partie de la solution viendra des réseaux intelligents, mais également des super-réseaux qui permettront de bénéficier du foisonnement des ressources en vent et en soleil, et du stockage de l'énergie, grâce aux stations de transfert d'énergie par pompage.

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