Intervention de Stéphane Richard

Réunion du 11 juillet 2012 à 16h00
Commission des affaires économiques

Stéphane Richard, président de France Télécom-Orange :

S'agissant de la communication sur l'incident, nous avons diffusé un communiqué national à 17h48, l'incident ayant démarré à 15h06. Il est exact que l'ensemble des équipements incriminés sont fabriqués par Alcatel-Lucent ; c'est un fait. Pour autant, je tiens à souligner que nous avons collaboré avec les équipes de ce fabricant dans des conditions parfaites, pour comprendre et résoudre l'incident. Je donnerai une estimation du coût de l'incident pour l'opérateur lors de la présentation semestrielle des comptes de l'entreprise, le 26 juillet prochain. Ce coût devrait être de plusieurs dizaines millions d'euros mais je ne peux pas donner d'estimation plus précise à ce jour.

Plusieurs d'entre vous ont évoqué les associations de consommateurs. Toutes n'ont pas été critiques, certaines ont même approuvé les dispositions que nous avons prises. Nous sommes du reste habitués à certaines critiques, émanant notamment de certaines associations que je n'ai jamais entendu émettre d'appréciation positive sur notre secteur. En ce qui concerne la question sur les chiffres de satisfaction de la clientèle, les retours que nous avons de nos clients sont au contraire positifs. Il s'agit donc de prendre du recul. Nous essayons de rester dans les conditions générales de vente, je rappelle que la téléphonie mobile est une activité commerciale et concurrentielle. En cas d'interruption du service, l'indemnisation prévue par les conditions générales de vente est de un euro, ou dix minutes de communication. Nous avons essayé d'adapter l'indemnisation à la période d'indisponibilité de nos services. Je rappelle que l'interruption du trafic voixSMS a duré à peu près huit heures, et que cette interruption n'a pas non plus concerné tout le monde. En France ou ailleurs, des problèmes de ce type surviennent fréquemment et nous avons donc regardé ce qui se faisait d'une manière générale. On ne peut pas non plus sortir complètement des usages de notre métier. Je n'aurai pas l'outrecuidance de rappeler ce que d'autres opérateurs, avec certes moins de clients, ont fait dans les mêmes circonstances, sans même parfois informer leurs clients. Nous essayons donc d'être honnêtes et transparents dans la communication, tout en étant conscients que nos propositions ne contenteront pas les clients ayant rencontré des problèmes particuliers du fait de l'interruption du service.

J'en profite pour revenir sur nos relations avec l'ARCEP, qu'il s'agisse de ses services, des membres du collège ou de son président. Ce sont des relations de travail normales, parfaitement fluides. Je ne voudrais pas qu'on construise une histoire de confrontation entre les opérateurs et l'ARCEP, qui tient le rôle qui lui est imparti en tant que régulateur. J'ai quelques éléments de comparaison puisque l'entreprise que je dirige est présente dans 34 pays. La situation en France est parfaitement normale.

S'agissant de la communication avec les pouvoirs publics, le code des postes et communications électroniques prévoit que notre interface unique est le ministère de l'intérieur, c'est notre seule obligation légale, en cas d'atteinte à la sécurité ou perte d'intégrité ayant un impact significatif sur le fonctionnement des réseaux et des services.

Les services d'urgence ont bien fonctionné pendant toute la durée de la crise et en particulier le numéro 112 car il peut être basculé sur d'autres réseaux que celui d'Orange. Je tiens à remercier les parlementaires qui ont adressé des compliments à l'entreprise. Cela nous touche car il est difficile de gérer un évènement d'une telle ampleur. Nous avons tâché de faire preuve de transparence et de réactivité. L'ensemble de nos équipes se sont mobilisées. Nous n'avons pas reçu de demandes de la part de particuliers ayant subi un préjudice particulier majeur. Cela s'explique, je pense, par plusieurs raisons. D'abord, il faut relativiser l'ampleur de la crise : je ne la minimise pas, mais il s'est agi d'une interruption de seulement quelques heures du réseau un vendredi en fin de journée. Ensuite, le réseau fixe dont les entreprises sont le plus souvent équipées ont continué de fonctionner. Pour l'instant, nous avons prévu le même type d'indemnité pour les particuliers et pour les professionnels. Si nous recevons des demandes spécifiques, nous les étudierons.

S'agissant des sujets ne relevant pas du bug, je voudrais répondre à M. le président sur le conflit des antennes mobiles. Il a en effet été l'un des artisans d'une réflexion associant les associations d'usagers et les opérateurs. Il faut garder à l'esprit que si l'on diminue la puissance des antennes, il est évident que cela ne peut s'accompagner, en l'état actuel de la technologie, d'une amélioration de la qualité du service. Il faut donc trouver une forme de compromis entre les différents acteurs. Je regrette que des conflits se soient cristallisés en plusieurs endroits, et notamment à Paris. La qualité du service en pâtit. Plusieurs sites ont été fermés à la demande des élus, et il est difficile aujourd'hui d'installer de nouvelles antennes mobiles permettant d'accompagner la croissance des usages. Or, le trafic des données a été multiplié par soixante-huit en cinq ans et devrait encore l'être par sept d'ici 2015. Ce phénomène est lié à une croissance extrêmement rapide des accès en mobilité. Ainsi, ce sont aujourd'hui deux tiers des accès aux réseaux sociaux tels que Facebook qui sont réalisés en mobilité, depuis le téléphone portable.

S'agissant de la qualité, une étude annuelle est menée par le régulateur, l'ARCEP. Elle nous a placés en tête du classement des opérateurs même si cela ne signifie pas que la qualité de service fournie soit uniforme sur l'ensemble du territoire.

Quant aux questions relatives au très haut débit, je veux souligner que France Telecom - Orange a annoncé un plan de deux milliards d'euros d'investissement jusqu'en 2015, notamment dans les zones denses. Nous n'avons pas l'intention d'y renoncer ou de revoir à la baisse nos ambitions. Nous avons passé des accords avec les trois autres grands opérateurs – SFR, Bouygues, Iliad – dans les zones moins dense. De plus, nous candidatons aux appels d'offre des collectivités publiques pour participer aux contrats d'initiatives publiques. En 2012, nous avons doublé nos investissements dans la fibre optique par rapport à l'année précédente, et nous allons encore les augmenter significativement en 2013.

S'agissant du débat relatif au quatrième opérateur, mon expérience de terrain ne me conduit pas à partager les observations de M. Silicani sur le solde net de destruction d'emploi (+2 000 -3 000). J'ignore d'où proviennent ces estimations, mais il me semble qu'il existe une différence entre la théorie de la concurrence – qui prévoit une baisse des prix profitable au consommateur dans le cas de l'augmentation du nombre d'acteurs sur le marché – et la réalité à court terme pour les entreprises, en termes d'emploi notamment. L'impact de l'arrivée de Free sur la filière en matière d'emploi me parait à tout le moins nuancé et clairement négatif si l'on prend en compte l'ensemble de la filière, en incluant les sous-traitants.

Certains d'entre vous m'ont interrogé sur le contrat d'itinérance. Certes, ce contrat est intéressant pour France Télécom - Orange, mais ses revenus ne compenseront absolument pas les pertes que nous subissons sur le marché de détail. L'arrivée du quatrième opérateur réduit nos revenus et nos marges ce qui nécessite des adaptations au niveau de l'entreprise. Nous n'avons pas décidé de réduire l'emploi à Orange. En effet, nous disposons d'une situation plus confortable que nos concurrents dans la mesure où les activités « mobile » en France ne représentent qu'un quart de nos activités à travers le monde et qu'en outre le siège social mondial se situant en France cela mobilise des emplois qui bénéficient à toutes les activités. En revanche, nous avons d'ores et déjà prévu de diminuer le rythme des recrutements au cours des prochaines années.

S'agissant des restructurations en Europe, je pense que nous sommes allés trop loin dans la fragmentation du paysage de l'industrie en Europe et qu'il faut désormais entrer dans une phase de consolidation. C'est d'ailleurs la voie qui est empruntée par plusieurs de nos voisins. A cet égard, il est singulier que ce soit justement la période choisie en France pour l'arrivée d'un quatrième opérateur mobile. La consolidation pourrait prendre plusieurs formes. Une baisse sensible du nombre d'opérateurs dans plusieurs pays se produira sûrement. En revanche, je ne pense pas que ce mouvement débouche sur le rapprochement des grands opérateurs nationaux, ni que l'on assiste à l'émergence d'opérateurs continentaux notamment pour des raisons liées à la régulation. Orange a par exemple une coopération très forte avec Deutsche Telekom, mais il n'est absolument pas envisagé d'opérer une fusion en tant que telle. Il me semble que l'on assiste à la prise de conscience au niveau européen de l'impossibilité d'augmenter d'une part les charges et les contraintes pour les opérateurs et d'autre part de leur demander toujours plus d'investissements. A cet égard, nous avons participé ce matin avec nos collègues italien, allemand et espagnol à une réunion intéressante avec la commissaire européenne en charge de ces dossiers, Mme Kroes. Un changement profond d'approche est à l'oeuvre au sein de la commission concernant tant la régulation – le prix d'accès au réseau fixe - que la fiscalité. Il faut espérer qu'il inspirera également les régulateurs nationaux. On ne peut alourdir sans cesse les charges qui pèsent sur les opérateurs sans les mettre en danger économiquement. Ainsi, la valorisation boursières des cinq principaux opérateurs mobile européens – Orange, Deutsche Telekom, Telefonica, Telecom Italia et KPM – qui emploient 600 000 personnes à travers le monde et comptent près d'un milliard de clients, ne représente même pas la moitié de celle d'Apple, et est légèrement inférieure à celle de Google. Les opérateurs sont des géants aux pieds d'argile. La troisième révolution industrielle de l'économie numérique ne peut se faire sans disposer des réseaux adéquats. Or, ceux-ci nécessitent des investissements majeurs que sont seuls à même de réaliser les opérateurs, en ces temps de niveaux élevés d'endettement public. Il faut créer des conditions favorables à l'investissement.

S'agissant des questions liées à la fracture numérique, je veux souligner que nous disposons d'un maillage territorial important. En outre, nous avons introduit un système des directeurs régionaux qui sont les interlocuteurs privilégiés des collectivités territoriales. Nous sommes donc présents sur l'ensemble du territoire. Il faut cependant être conscient des difficultés qu'engendre l'entretien d'un réseau de cuivre ramifié aussi complexe. La maintenance est compliquée et coûteuse même si ce n'est pas un domaine pour lequel nous cherchons à faire des économies. Nous essayons de donner la priorité aux incidents collectifs. Quand des problèmes se produisent, je vous incite à vous rapprocher du délégué régional, qui est l'interlocuteur dédié, et le mieux à même de disposer des informations pertinentes.

Quant à la question de Mme Catherine Vautrin relative à l'enfouissement, je reconnais qu'il y a eu ponctuellement des décalages entre nos engagements et les investissements effectivement réalisés. Le cas dont vous m'avez fait part est néanmoins en voie d'être réglé puisque les investissements nécessaires ont été prévus pour 2012. Il y a des économies qui ne valent pas la peine d'être faites en raison du déficit d'image qu'elles peuvent provoquer, je pense que c'est le cas de l'enfouissement. Le problème majeur est cependant qu'il ne rapporte rien à l'opérateur. Or, dans une période comme celle que nous connaissons actuellement, il est tentant de se consacrer à d'autres priorités et investissements productifs même si nous savons qu'il s'agit d'un point important pour les élus et le public. Par ailleurs, le très haut débit arrivera partout, selon un calendrier en fonction des zones.

Je vous remercie pour vos questions et l'intérêt que vous portez à notre entreprise.

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