Intervention de Jean-Marc Debonne

Réunion du 16 octobre 2013 à 16h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Marc Debonne, directeur central du service de santé des armées :

En effet, beaucoup d'efforts ont été entrepris et l'on peut difficilement attendre aujourd'hui des hôpitaux qu'ils progressent encore en matière de rationalisation et d'optimisation. Nous sommes probablement arrivés au bout de ce que peuvent donner ces évolutions ; mais puisque ce n'est pas assez et que les risques pour les hôpitaux demeurent, nous ne saurions en rester là. Ne pouvant plus progresser dans le modèle actuel, nous devons passer à un nouveau modèle.

Comme l'a annoncé le ministre de la Défense, nous gardons le même périmètre hospitalier ; garder les neuf HIA apparaît comme une nécessité absolue pour la mise en oeuvre du nouveau projet. Sans eux, nous n'aurions pas pu mener l'opération Serval ; ils sont indispensables pour le contrat opérationnel comme pour le soutien des militaires dans les territoires de santé, où ils jouent également un rôle dans la prise en charge des patients locaux. On ne peut pas envisager, de façon unilatérale, de se retirer de ces territoires sans une étroite concertation avec des autorités de santé locales, territoriales et régionales. En tout état de cause, les éventuels retraits de spécialités de certains hôpitaux doivent être préparés.

Cependant, les HIA sont en difficulté. Leur déficit, que la Cour des comptes avait souligné en 2010, s'est depuis réduit, atteignant aujourd'hui probablement une limite qu'il ne pourra pas dépasser. Derrière la question du déficit pointe celle du niveau d'activité des HIA, désormais lié au financement. Ces hôpitaux pourront-ils développer un niveau d'activité adapté aux nouvelles exigences, notamment pour des spécialités très importantes pour nous comme la chirurgie ? De mon point de vue, si nous ne faisons rien, nous n'y arriverons pas. Nos structures sont actuellement trop petites, divisées en de nombreux services, la taille réduite de certaines équipes – trois à cinq praticiens parfois – les rendant fragiles. Quand les équipes partent en OPEX, les HIA perdent beaucoup de patients civils, qui représentent 80 % des personnes qui y sont soignés. Ainsi, au premier semestre 2013, marqué par l'opération Serval, les HIA ont connu une période extrêmement difficile, et cela n'est pas totalement terminé.

Le problème des hôpitaux, révélé en 2010 par leurs difficultés financières, tient à leur niveau d'activité. S'il ne faut pas réduire le périmètre hospitalier, on ne peut pas non plus laisser les choses en l'état. Une réorganisation s'impose, reposant essentiellement sur deux concepts : concentration et ouverture. Pour commencer, l'offre de soins de nos hôpitaux ne répond plus aux besoins des armées. Elle représente, en partie, un héritage du passé, notamment de l'époque de la conscription ; soigner les appelés – population réellement captive – imposait alors de développer toutes les spécialités. Aujourd'hui, si l'on prend l'exemple des hémodialyses ou des radiothérapies, des centres de soins publics sont parfaitement aptes à prendre en charge les militaires malades. La mission du SSA n'est plus d'apporter cette offre de soins et de recours hospitalier, d'abord parce que les HIA ne sont pas présents sur tout le territoire, mais également parce que cela entretient la dispersion des moyens.

La première mesure consistera donc, pour nous, à construire un nouveau modèle hospitalier concentré sur des disciplines d'intérêt pour la projection et pour l'expertise de la défense. Un hôpital ne fonctionnant pas seulement sur ce type de disciplines, nous devrons y ajouter des spécialités de cohérence et de soutien. Ainsi, si un service d'urgence est vital pour un hôpital militaire, il faut disposer de spécialités capables de prendre en charge les patients qui ne doivent pas tous être opérés et qui ne relèvent pas tous du domaine d'expertise de la défense. Mais ces spécialités annexes ne seront pas développées au même niveau.

D'une façon ou d'une autre, le SSA devra contribuer aux efforts demandés à la défense, et nos moyens ne seront pas augmentés. C'est donc à enveloppe constante qu'il nous faudra conduire la réorganisation, en redéployant les moyens, en abandonnant de façon concertée et progressive certaines activités pour les transférer au service public. Les moyens dégagés seront remis sur les spécialités d'intérêt majeur.

Notre projet propose également au ministre de renforcer les équipes pour aller vers un modèle où les hôpitaux auront pour vocation de répondre intégralement au contrat opérationnel, et particulièrement à l'entrée en premier qui représente une véritable difficulté. Projeter des chirurgiens, des infirmières, des anesthésistes ou des infirmiers de bloc opératoire (IBODE) sur un théâtre d'opérations, parfois sans délai, suppose de détenir en propre cet outil pour la défense. Certains pays – comme le Canada ou le Royaume-Uni – n'ont plus la possibilité d'entrer en premier ; la France souhaite la garder et le soutien santé opérationnel doit donc être capable de partir immédiatement. Cela implique de renforcer les équipes de nos hôpitaux dont on ponctionne de façon brusque les personnels, sous peine de déstructurer complètement leur activité.

Quelques hôpitaux – dont le nombre n'est pas encore arrêté – se concentreront sur ces missions opérationnelles et verront leurs équipes densifiées. Mais dans un contexte d'enveloppe constante, voire progressivement érodée, d'autres HIA porteront une mission différente et complémentaire pour le contrat opérationnel. En effet, à côté de l'entrée en premier, le soutien santé prend également en charge la régénération qui intervient souvent au bout de quelques semaines, voire de quelques mois. Cette partie du contrat opérationnel pourra donc être assurée par des structures hospitalières beaucoup plus intégrées dans l'offre de soins des territoires. L'hôpital de Kaia, situé sur l'aéroport de Kaboul, en offre un exemple : les praticiens – dont des réservistes – qui y travaillent aujourd'hui échappent aux conditions très dures qu'on a connues au Mali. L'essentiel de la réforme actuelle consiste à progressivement construire des plateformes hospitalières en nombre réduit, prenant en charge la mission la plus dure qui incombe à l'hôpital militaire – garantir l'entrée en premier – et d'autres structures hospitalières qui auront un rôle d'appoint et de relève.

Si notre modèle actuel repose sur des hôpitaux largement identiques, le nouveau modèle implique une spécialisation : d'un côté, des hôpitaux densifiés, concentrés sur des missions opérationnelles, très visibles ; de l'autre, des hôpitaux beaucoup plus intégrés dans les territoires, insérés dans des partenariats forts avec des établissements du service public, qui contribueront d'une autre façon au contrat opérationnel et au parcours de santé des militaires. Cette évolution nous permettra de densifier les équipes des plateformes hospitalières, pour qu'elles puissent supporter les OPEX.

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