Intervention de Jean-Marc Debonne

Réunion du 16 octobre 2013 à 16h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Marc Debonne, directeur central du service de santé des armées :

Le projet du SSA – qui repose essentiellement sur la concentration et l'ouverture – ne pourra pas être mis en place sans que la réserve n'y trouve une place nouvelle. Dès ma prise de fonction il y a un an, j'ai donc missionné un groupe de travail piloté par des réservistes, chargé de préparer l'arrimage du SSA au service public de santé. Faisant partie des deux mondes, les réservistes représentent une population idéale, qui bénéficie de notre confiance tout en connaissant bien le milieu avec lequel nous devons coopérer. Ce groupe devait également réfléchir aux différentes pistes de réorganisation du service, mais aussi penser autrement le rôle de la réserve, en faisant table rase du passé. Au bout de plusieurs mois, il a rendu un rapport dont les conclusions figureront intégralement dans le projet que je soumets au ministre.

Les réservistes se sont montrés plus qu'intéressés ; ils estiment, tout comme moi, que le rôle de la réserve pourrait dépasser celui de la simple suppléance. Des pans entiers de nos missions – comme par exemple l'odontologie – pourraient lui être confiés. En effet, les dentistes réservistes sont extrêmement dynamiques ; présents sur le territoire national dans tous les centres médicaux des armées, ils effectuent également la moitié des jours en OPEX des dentistes militaires. En même temps nous avons des difficultés à construire ce corps, à garder les personnes, à leur donner de l'intérêt professionnel. On se demande donc si l'on ne pourrait pas organiser complètement le soutien dentaire par les réservistes, ne gardant que quelques odontologues militaires.

En effet, toutes les activités ne requièrent pas le même degré de militarité : le militaire d'active est incontournable en cas d'entrée en premier sur un théâtre d'opérations ; pour la relève, le réserviste est associé ; mais pour les activités du socle, les réservistes exercent quand les médecins militaires partent en mission. Nous pourrions aller plus loin encore : plutôt que d'externaliser des fonctions, on peut les garder et les faire faire en partage par des réservistes et des acteurs du service public. En somme, le rôle de la réserve est reconsidéré dans le nouveau modèle. Actuellement, nous sommes contraints par le budget, mais la question pourrait être reposée s'il s'avérait que le service se concentre sur des aspects liés au contrat opérationnel pour les militaires d'active, et confie une part plus importante de certaines missions à des personnels de réserve – qui sont très demandeurs.

Certes, le profil du réserviste est actuellement en train d'évoluer. Ceux issus de la conscription se font de plus en plus rares, et leur renouvellement pose question. Or, pour inclure dans le projet une utilisation accrue de la réserve, il nous faut avoir la garantie de continuer à recruter. Je pense que le principe d'ouverture, qui amènera le SSA à travailler bien davantage avec des acteurs civils de la santé, créera des vocations. Ainsi, les officiers contractuels de notre service – qui occupent un poste d'internat dans nos hôpitaux – sont généralement satisfaits des conditions de travail et, lorsqu'ils nous quittent au bout de deux ans, beaucoup d'entre eux demandent à devenir réservistes. À travers cette nouvelle relation, nous pourrons reconstituer un vivier ; ce réseau sera également entretenu par nos praticiens qui travailleront davantage dans le service civil. Quand je vois des jeunes réservistes qui continuent à s'engager, avec des motivations similaires à celles de leurs aînés, je ne me sens pas inquiet pour l'avenir.

La réserve sanitaire représente un domaine où il nous faut être particulièrement vigilants. Beaucoup de réservistes le sont à la fois à l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), chez les pompiers et au SSA. Il faut adopter une approche globale de la réserve sanitaire – à vocation civile ou militaire –, afin de savoir où iraient les personnes en temps de crise. Nous réfléchissons actuellement avec le directeur général de l'EPRUS, M. Marc Meunier, aux manières de renforcer la concertation dans la gestion de nos réserves respectives, voire d'aller vers une forme de réserve partagée. Nous pourrions mettre en commun la formation, tout comme certains emplois qui viendraient au secours de réservistes qui en sont privés. Au total, la réserve se trouve clairement au coeur du projet.

Le soutien psychologique constitue une préoccupation extrêmement forte de l'état-major des armées et du ministre de la défense. Dès 1992, le stress post-traumatique a été reconnu en tant qu'affection ; depuis, le SSA et les armées en général y voient une blessure qui doit être traitée comme telle. Cependant, c'est à l'occasion des événements dramatiques de la guerre d'Afghanistan, et particulièrement en 2007-2008, que l'enjeu a réellement gagné en visibilité. Le premier plan dans ce domaine, arrivé à échéance, couvrait la période 2011-2013 et était mené en partenariat avec d'autres acteurs tels que la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS). Il comportait neuf axes majeurs, déclinés en trente-trois actions ; vingt-trois d'entre elles sont réalisées, huit sont en cours et une démarre actuellement. Les actions réalisées ont notamment touché à la formation des personnels du SSA et des militaires ; grâce à elles, ce problème ne constitue plus un tabou. La direction centrale possède désormais un service d'intervention médico-psychologique des armées, piloté par un médecin psychiatre, qui fédère et coordonne l'ensemble des activités de prise en charge du stress post-traumatique.

Le deuxième plan, qui vient de débuter, est prévu sur la période 2013-2015 et concerne huit mesures du plan précédent et trois mesures nouvelles : l'extension des mesures initiales aux forces spéciales, qui exigent une approche particulière ; la prise en charge des familles, qui sont autant victimes du stress post-traumatique que les militaires eux-mêmes ; la communication, qui doit continuer à amplifier la prise de conscience du problème et faire connaître les activités du service en cette matière. Entre 2011 et 2012, le nombre de pensions d'invalidité pour stress post-traumatique a doublé, passant à 163 ou 164 dossiers.

Depuis une dizaine d'années, 900 cas ont été officiellement diagnostiqués dans les armées. Depuis 2010, on distingue le traumatisme psychique du syndrome de stress post-traumatique. Les troubles psychiques en relation avec un événement traumatisant n'évoluent pas tous vers un syndrome ; nous proposons donc deux niveaux de déclaration. En 2012, nous avons enregistré quelque 250 traumatismes psychiques, dont environ 150 ou 160 ont évolué vers un syndrome de stress post-traumatique.

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