Je vous remercie, Messieurs, d'être venus devant nous pour présenter vos professions et les problèmes auxquels elles sont confrontées.
Cette table ronde est un moment fort pour nous, parlementaires, car elle va nous permettre de mieux connaître votre secteur et son importance économique. Vous nous indiquerez quels sont les éléments qui, selon vous, devraient apparaître dans les conclusions du rapport de la Délégation, puis dans la loi d'avenir pour l'agriculture.
Je me réjouis d'autant plus de l'organisation de cette table ronde que je l'avais souhaitée, et je remercie le président de la Délégation d'avoir donné suite à ma demande. Cette réunion me tenait en effet à coeur : issu moi-même d'une famille d'agriculteurs, je suis maire d'une commune très bananière et élu d'une circonscription de Martinique essentiellement bananière. Pour moi, les questions liées à la filière sont donc vitales car, derrière les chiffres, je vois des emplois et donc des femmes et des hommes.
La filière « banane » représente 6 000 emplois aux Antilles, soit l'équivalent pour la métropole de 450 000 emplois. Élément essentiel de notre économie, elle structure notre société et notre environnement. On ne saurait par conséquent traiter de l'agriculture antillaise sans faire à votre secteur la part qui lui revient et le rapport de la Délégation ne pouvait pas l'ignorer.
Sans anticiper sur les conclusions de cette réunion, je voudrais insister sur deux ou trois points importants qui devront nécessairement figurer dans le projet de loi d'avenir pour l'agriculture.
L'État doit impérativement prendre conscience du rôle capital que joue la filière « banane », en termes d'emplois et de création de richesses, et de son importance pour notre avenir.
La filière a mis dix ans pour se restructurer et se reconstruire, mais elle demeure fragile. Il est donc indispensable de sanctuariser le dispositif des aides mises en place et de penser toujours celles-ci en fonction de la filière, comme le permet l'ODEADOM. Et puisque nous tenons à développer la diversification, faisons-le par le haut, c'est-à-dire en nous inspirant des actions entreprises pour la filière « banane », et non par le bas, c'est-à-dire par un saupoudrage d'aides individuelles. Le nivellement ne favorise pas le développement et l'organisation structurée d'une activité agricole qui a impérativement besoin d'être modernisée. Et cette modernisation est tout l'enjeu de notre travail et de celui du Gouvernement dans les prochains mois. Si nous ne la réussissons pas, nous nous exposons à de cuisants échecs, qui auraient toute chance d'être irréparables.
Je ne serai pas le député à l'origine de l'effondrement de la culture bananière, car les communes qui en vivent n'ont rien d'autre à proposer à la jeunesse, sinon condamnée au vide, au désoeuvrement et parfois à la délinquance.
Il faut donc travailler à la diversification. J'attends toujours la table ronde promise par le ministre de l'Agriculture sur ce thème. Je suis inquiet, car l'agriculture martiniquaise fait fausse route. Oui, la diversification est une nécessité, encore faut-il l'organiser de façon réfléchie. Elle ne doit pas être une fin en soi et le prétexte à quelques prébendes qui ne constituent pas une politique agricole moderne et risquent de conduire à l'anarchie. Le clientélisme et la surproduction, qui multiplient les organisations de producteurs (OP), les présidences et les financements stériles, ne pourraient que nuire au développement de l'agriculture raisonnée et équilibrée que nous souhaitons, ruiner de nombreux producteurs et menacer les emplois au profit de la spéculation.
Nous devons inciter fermement les producteurs à se regrouper en filières structurées, quitte à conditionner les aides aux besoins dûment identifiés. Tous les acteurs agricoles doivent se rencontrer sans délai en vue de créer une organisation unique d'ici à la fin de 2013, car le temps court et demain il sera trop tard – il est d'ailleurs déjà trop tard. Il appartient aux acteurs de l'économie agricole que vous êtes, Messieurs, de relever ce défi.