Je suis également producteur de bananes. Il y a un mois, alors que j'étais auditionné pour parler de l'agriculture ultramarine en général, j'ai indiqué que son développement passait par le maintien des filières d'exportation.
La banane représente 50 % de la production agricole à la Martinique. Son poids est donc considérable. Elle a également contribué à préserver un certain équilibre économique dans notre île lorsque, dans les années 1960, la production sucrière s'y est effondrée : les bananeraies se sont alors substituées aux plantations de canne.
Nous avons tenté différentes cultures de diversification – avocat, lime, aubergine – mais seule la banane, dans la mesure où elle exige une main-d'oeuvre importante, a permis de maintenir la population sur le territoire, ce qui en fait effectivement la colonne vertébrale de notre agriculture.
Aujourd'hui, beaucoup de petits producteurs qui vivent de cultures de diversification – élevage, productions maraîchères et vivrières, arboriculture – craignent de voir les terres plantées en bananes converties en cultures maraîchères ou vivrières, ce qui déstabiliserait l'agriculture de la Martinique. Ils ne pourraient en effet résister, sur un marché de seulement 400 000 habitants, à la concurrence d'anciens planteurs de bananes qui disposeraient de moyens plus importants.
Or, en raison du retrait du marché de certains produits phytosanitaires, les producteurs de bananes n'ont plus les moyens de lutter contre les maladies et, malgré l'introduction de vitroplants et la mise au point de nouvelles variétés, la maladie gagne du terrain. La situation est d'ailleurs identique en ce qui concerne la canne ou encore l'ananas, dont la production est tombée en une quinzaine d'années de 15 000 tonnes à moins de 500 tonnes.
Sans colonne vertébrale, on est infirme. De la même manière, sans la banane, l'agriculture antillaise rencontrerait d'importantes difficultés.
Madame Allain, vous nous reprochez de recourir à l'épandage aérien, mais le traitement aérien de la banane que nous utilisons est le plus performant du monde. En Martinique, les terres sont mitées par de nombreuses constructions et les terrains sont petits et parfois traversés par des cours d'eau et des chemins. Ces particularités nous ont contraints à améliorer le dispositif et à utiliser des produits respectueux de l'environnement et de la santé. Ce n'est pas le cas à Saint-Domingue, ni dans les autres régions de la zone.
Si nous ne parvenons pas à lutter contre les maladies, nous verrons disparaître l'ensemble des productions agricoles martiniquaises. Autrefois, l'igname nourrissait la population mais, aujourd'hui, nous ne sommes plus en mesure d'en produire un seul kilo car toutes les molécules permettant de combattre les maladies qui affectent cette production nous ont été retirées, alors même que les producteurs des pays avoisinants en disposent encore.
Je souhaite que le projet de loi d'avenir pour l'agriculture soit l'occasion d'ouvrir le débat sur le type d'agriculture que nous souhaitons et sur les moyens qui nous sont donnés pour maintenir une agriculture en milieu tropical. Les réponses ne peuvent pas être les mêmes qu'en zone continentale tempérée !
Il nous faut veiller à la préservation des unités de production car il importe de conserver en activité le plus grand nombre d'agriculteurs, afin de sauvegarder les équilibres que nous avons su maintenir pendant plusieurs décennies.