L'exploitant agricole doit certes produire, mais il doit également dégager un revenu. Si demain la production bananière est fragilisée, les producteurs, qui disposent de matériel et de grandes surfaces, se lanceront dans des activités de diversification. Mais pour quels consommateurs ? Pour les 450 000 habitants de la Martinique et les 450 000 habitants de Guadeloupe ? Savez-vous qu'en 2001, un agriculteur qui produisait huit tonnes de tomates par jour a réussi à saturer le marché des deux îles ?
Ce n'est pas en fragilisant la production bananière que nous sauverons la diversification, bien au contraire ; d'ailleurs, trois producteurs de salades suffisent à surcharger le marché.
Madame la députée Brigitte Allain, vous souhaitez développer la consommation locale et encourager la diversification. Soit, mais les Antillais mangeront toujours des pommes de terre, des pommes, des fraises, du raisin, du riz, des pâtes. Nous ne changerons pas leurs habitudes alimentaires. Or, la grande majorité de ces produits, qui proviennent de la métropole, ne peuvent être remplacés par des productions locales.
Je prendrai l'exemple de la carotte. J'ai rencontré dans les Landes un producteur de carottes capable de livrer les commandes du jour au lendemain, le décalage horaire aidant. Croyez-vous sincèrement, Madame, que le petit paysan guadeloupéen, même s'il possède une cinquantaine d'hectares de terres, pourra le concurrencer un jour ? Non, car ses carottes voyageront par bateau, et celui-ci peut avoir du retard. Nous vivons à l'ère de la mondialisation et nous devons en prendre acte. Ce qui assure nos emplois en Guadeloupe, ce sont la canne et la banane.
Nous ne réduirons pas la délinquance en plaçant un policier au coin de chaque rue, mais en créant de l'activité, ce qui passe par le développement de l'agriculture et de ses deux piliers que sont la banane et la canne, et en incitant les jeunes à faire du sport. Chaque euro investi en ce sens sera un euro bien employé.
Il fut un temps où les jeunes envoyaient leur CV aux plantations pour décrocher un petit job d'été qui couvrait leurs besoins. Aujourd'hui, ils n'ont plus ce recours et ils jouent à cache-cache avec les policiers – voire les tabassent – ou assiègent les commissariats pour faire libérer ceux des leurs qui ont été arrêtés. De grâce, Mesdames et Messieurs les députés, faites en sorte que la Martinique et surtout la Guadeloupe retrouvent le niveau de production qu'elles ont connu autrefois ! Avec la chute des cours et l'ouverture du marché, nous sommes tombés de 150 000 tonnes à 40 000 ou 45 000 tonnes et, sur la base d'une moyenne pondérée, on nous a accordé un quota de 77 000 tonnes.
Il est temps de réfléchir à un système qui inciterait les jeunes à rejoindre la profession dans des conditions qui leur permettraient de dégager un revenu. Aujourd'hui, on produit des oranges partout. Même avec les aides de l'OCM (Organisation commune des marchés) et du POSEI (Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité), le prix auquel sera vendu un kilo d'oranges en Guadeloupe ou en Martinique ne permettra pas de concurrencer celles qui viendront de l'extérieur. À quoi bon aussi planter des agrumes si nous ne disposons pas de la molécule permettant de lutter contre la maladie qui vient d'apparaître et si le prochain cyclone détruit toute notre production ?
Je le répète, les deux seules productions qui assurent un revenu aux exploitants et qui garantissent l'emploi sont la canne et la banane.