Je suis à la fois producteur de bananes, passionné de diversification végétale et pépiniériste. Il y a vingt ans, j'ai introduit à la Martinique les premiers vitroplants de bananiers, qui ont largement contribué au succès du plan Banane durable.
Madame Allain, tous les cinq ans, nous détruisons le matériel végétal et nous semons de l'herbe, généralement de la brachiaria, que nous laissons pendant douze à dix-huit mois afin de provoquer un « vide sanitaire » avant de planter des vitroplants. On ne peut donc pas parler de monoculture.
Quant aux solutions alternatives, nous les connaissons, mais nous nous heurtons à deux problèmes.
Tout d'abord, bien que nos cultures se trouvent en zone tropicale, nous sommes soumis à des règles phytosanitaires définies pour un milieu continental. Il convient d'ouvrir un débat très sérieux sur l'utilisation des produits phytosanitaires et sur l'avenir de l'agriculture aux Antilles, sans s'en tenir à la banane, car les producteurs de canne, faute d'avoir accès aux désherbants, voient eux aussi leur production diminuer, de sorte que l'usine sucrière de Martinique n'est plus suffisamment approvisionnée.
D'autre part, nous avions recours au traitement aérien pour lutter contre une maladie qui menace de faire disparaître la filière « banane », en Martinique comme en Guadeloupe, mais la dérogation qui nous était accordée a été attaquée en justice et les hélicoptères sont cloués au sol. Nous luttons par voie terrestre, mais nous ignorons comment va évoluer la maladie. Nous travaillons activement avec le CIRAD à la recherche de nouvelles variétés résistantes, nous observons ce qui se pratique ailleurs, à Cuba ou à Saint-Domingue par exemple, et nous espérons trouver des solutions dans les deux ans qui viennent. Nous savons que les politiques sont très généralement hostiles aux OGM, mais il faudra bien se poser un jour la question de ce qui est possible ou non dans nos zones tropicales. Vous-même, Madame la députée, qui êtes écologiste, ne produisez pas totalement en bio. Nous aimerions le faire, mais nous ne le pouvons pas. Nous pratiquons donc une agriculture raisonnée. Les vitroplants nous ont déjà permis de pratiquement supprimer les nématicides, mais ils ne sont pas la panacée et il faut maintenant ouvrir le débat, en nous montrant les uns et les autres raisonnables. Il en va de l'avenir de notre agriculture, au-delà même des questions de crédits. Cela étant, je vous remercie, Monsieur Azerot, d'avoir demandé la sanctuarisation du POSEI ; cette enveloppe peut sembler importante, mais n'a rien d'excessif si l'on considère le nombre des emplois, directs et induits, qui sont en jeu.