Nous produisons une banane conforme aux réglementations française et européenne en matière environnementale, sociale et sanitaire comme du point de vue de la sécurité alimentaire, et cela en zone tropicale humide : voilà le défi que nous devons continuer de relever avec succès.
Cette banane, la plus vertueuse du monde, nous la vendons sur un marché européen à deux vitesses dans la mesure où il laisse entrer, et de façon de plus en plus aisée puisque la baisse des tarifs douaniers doit se poursuivre jusqu'en 2020, les bananes de la zone dollar, celle des pays d'Amérique du sud et d'Amérique centrale – les bananes africaines étant exemptes de tarifs douaniers – sans que personne se soucie de savoir comment elles sont produites ni de l'âge des personnes qui les ont produites.
Nous attendons de la loi d'avenir pour l'agriculture qu'elle accorde un statut particulier aux fruits produits dans les départements d'outre-mer. Notre production va bénéficier de l'indication géographique protégée (IGP) et de quelques autres signes de différenciation, mais il faut faire en sorte que la banane de Guadeloupe et de Martinique apparaisse aux yeux des consommateurs comme une banane vraiment différente.
Le deuxième plan Banane durable, qui couvrira la période 2014-2020, portera notamment sur la lutte contre la cercosporiose noire. Lorsqu'il est venu aux Antilles, le Premier ministre a souhaité que l'épandage aérien soit interdit dans deux ans et que ce délai soit mis à profit pour trouver des solutions de remplacement. Nous utilisons actuellement des méthodes alternatives, mais nous connaissons mal leur efficacité biologique. Le problème est que nous sommes les seuls au monde, en zone tropicale humide, à lutter contre la cercosporiose sans aéronef !
La sélection variétale est un défi. La plateforme de Guadeloupe, qui est la première au monde, a mis au point une banane hybride – ce qui n'est pas facile s'agissant d'un fruit sans graines. Nous avons produit l'année dernière 1 500 hybrides, dont dix bananes pouvaient répondre à notre attente, tant pour leur forme et leur goût que pour la taille du bananier et son rendement. Sur ces dix variétés, nous en avons retenu une, mais, plus sensible au froid, elle ne peut être transportée à une température de 13 ° comme les autres bananes ; en outre, sa peau devient uniformément brune sans passer par l'aspect tigré que nous connaissons et mûrit plus rapidement que la pulpe, ce qui peut dérouter le consommateur. Nous poursuivons nos recherches génétiques depuis cinq ans et il nous faudra encore au minimum cinq ans pour parvenir à une variété parfaite.
Nous devons améliorer les matériels de traitement terrestre et mesurer leur efficacité, mais également surveiller le niveau d'exposition des opérateurs qui effectuent ces traitements.
Dans le cadre du deuxième volet du deuxième plan Banane durable, nous allons poursuivre la recherche de méthodes de culture innovantes.
Le troisième volet, plus social, aura pour objectif de maintenir le maximum d'exploitations, de toutes tailles et dans toutes les zones, en développant de nouvelles méthodes de travail, et d'adapter notre dispositif d'aides à ces différents modes de production.
Nous poursuivrons naturellement nos échanges avec les organismes de recherche des pays de la Caraïbe, tels que l'EMBRAPA (Empresa brasileira de pesquisa agropecuaria) au Brésil, l'INISAV (Instituto de investigaciones de sanitad vegetal) à Cuba, et avec la République dominicaine.
Nous accompagnerons les producteurs qui, n'ayant pu faire face à la maladie du bananier, seront tentés par les productions de diversification, animale ou végétale. Nous ne pouvons pas produire de pommes de terre, ni d'ailleurs de carottes, de poireaux, de pommes, de raisin, de fraises, de pêches ou de nectarines – autant de fruits et de légumes qui constituent pourtant près de la moitié de la consommation des Antillais. Nous ne pouvons pas non plus produire de tomates de plein champ, car nous n'avons pas accès aux produits phytosanitaires, fussent-ils biologiques. Nous devrons donc aider les différentes filières existantes à accueillir ces producteurs, car rien ne serait pire que de voir des planteurs reconvertis saturer et déstabiliser les marchés des productions maraîchères ou animales.
Nous poursuivons nos efforts pour obtenir l'homologation de produits phytosanitaires, en particulier de produits biophytosanitaires. Il en existe qui, autorisés, sont utilisés pour un traitement après récolte ou pour stimuler les autodéfenses de la plante contre la cercosporiose noire. Mais, alors que l'Europe a mis au point une liste positive des produits agréés pour l'agriculture biologique, produits qui sont utilisés dans tous les pays de la planète, il nous faut, pour en disposer, établir un dossier d'écotoxicité et de phytotoxicité, ce qui prend deux ans, alors qu'en République dominicaine, il suffit de deux jours pour en homologuer un ! Nous souhaitons que la loi d'avenir pour l'agriculture nous permette de disposer plus facilement de ces produits. Il est important que la réglementation soit adaptée aux spécificités de nos régions car l'Europe et la France ne traitent que de l'agriculture en zone tempérée et continentale, ignorant l'agriculture des zones tropicales humides.
Vous mettez en avant le maintien de l'enveloppe du POSEI, mais vous faites de Mayotte une région ultrapériphérique, ce qui lui assurera certaines aides ; nous nous en réjouissons mais, pour trouver les crédits nécessaires, vous envisagez d'en enlever aux filières traditionnelles que sont la canne et la banane. Or, affaiblir ces filières comporte un risque très important, compte tenu des nouveaux défis que nous avons à relever. Il faut sanctuariser les enveloppes destinées à la banane, mais aussi celles du deuxième pilier, celles du FEADER (Fonds européen agricole pour le développement rural). Le passage aux traitements terrestres va nous obliger à réorganiser les parcelles en aménageant des ensembles plus rapprochés, à abandonner les parcelles situées dans les zones pentues pour replanter ailleurs et à acheter de nouveaux matériels. Ce n'est donc pas le moment de demander des sacrifices à la filière « banane ». Donnons-lui les moyens de surmonter tous les obstacles qui s'accumulent devant elle !
Le problème principal réside dans l'expansion de la cercosporiose noire, contre laquelle il est très difficile de lutter, car, aux Antilles, la surface moyenne des exploitations est de 13 hectares. Le traitement aérien avait une seule vertu : il était généralisé et déclenché en fonction de l'état de chaque zone biologique, constaté par des techniciens – l'exploitant n'avait donc pas le choix du moment. Lorsque le traitement sera de la responsabilité de l'exploitant, chacun interviendra au moment où il le souhaitera et dans les conditions qu'il aura choisies. Cela présente un danger car la cercosporiose est une maladie très contagieuse dont il ne doit pas subsister le moindre foyer.
Ce défi, tous les producteurs sont prêts à le relever. Avec la chambre d'agriculture et la région, nous allons accompagner ceux qui voudront rejoindre les filières de diversification, mais en gardant à l'esprit qu'il suffit de 15 hectares de serres de légumes pour saturer les marchés de nos deux départements.
Ce défi exige la sanctuarisation des aides, qu'il s'agisse des aides directes aux producteurs ou des aides du FEADER. La banane doit être reconnue comme une production exemplaire au niveau européen et devenir une priorité dans les plans de développement de la Guadeloupe et de la Martinique, ce qui n'est pas le cas actuellement.