Intervention de Corinne Erhel

Réunion du 15 octobre 2013 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCorinne Erhel, rapporteure :

La stratégie numérique de l'Union européenne est un sujet clé non seulement pour nos industries et pour nos économies, mais aussi pour tous les citoyens européens. La proposition de résolution européenne que nous examinons aujourd'hui a été présentée par nos collègues Axelle Lemaire et Hervé Gaymard et adoptée la semaine dernière par la Commission des affaires européennes, en amont du Conseil européen des 24 et 25 octobre prochains.

Deux initiatives récentes démontrent la volonté des États membres de l'Union européenne d'approfondir le sujet et de se concerter sur les grandes orientations à donner à la politique commune en la matière : le projet controversé de « paquet télécoms » présenté par la commissaire Neelie Kroes et l'inscription pour la première fois de l'économie numérique à l'ordre du jour du prochain Conseil européen.

Je ne peux que me féliciter de cette évolution, car le numérique est un levier de croissance et d'emploi dont il faut soutenir le développement en Europe. Une approche coordonnée à l'échelon communautaire est nécessaire à cet essor dans chacun des pays de l'Union et la mise en place d'une véritable stratégie industrielle sur l'ensemble de la filière apparaît indispensable. Les récentes annonces d'Alcatel-Lucent, sur lesquelles nous reviendrons lors de l'audition de M. Michel Combes, me confortent dans cette idée.

La France apparaît comme un élément moteur sur cette question, notamment au travers de la contribution qu'elle présentera au Conseil européen de la fin du mois et du mini-sommet européen qui a réuni, le 24 septembre dernier, à l'initiative de Fleur Pellerin, huit États membres de l'Union afin de promouvoir, au-delà de la seule question des télécommunications, une Europe du numérique.

Les grandes orientations soutenues par la France comportent quatre volets.

Le premier vise à développer une politique industrielle et une vision stratégique communes en matière d'économie numérique, afin de constituer un environnement propice et de permettre l'émergence de champions européens susceptibles de jouer un rôle sur le marché mondial.

Le deuxième promeut une égalité de traitement entre tous les acteurs du numérique, en matière de régulation, de droit de la concurrence, de protection des données personnelles et de fiscalité.

Le troisième est consacré aux moyens de créer un environnement de confiance, notamment s'agissant du transfert de données personnelles vers des pays où le niveau de protection est inférieur au nôtre.

Enfin, la France appelle à renforcer la place de l'Union européenne dans les instances mondiales de la gouvernance de l'Internet.

La présente proposition de résolution européenne nous permet, à nous parlementaires, de nous emparer à notre tour de ce sujet majeur et de contribuer à la définition des ambitions françaises. Je salue donc l'initiative d'Axelle Lemaire et Hervé Gaymard et les remercie pour leur travail de grande qualité, auquel je me permettrai d'apporter quelques précisions à la faveur de son examen par notre Commission.

Mais, avant d'entrer dans le détail du texte, je voudrais insister sur quelques aspects généraux.

Tout d'abord, il importe de doter l'Union européenne d'une politique industrielle ambitieuse et volontaire dans le secteur numérique et, en complément d'initiatives nationales parfois très volontaristes – à titre d'exemple, un tiers des plans pour la « nouvelle France industrielle » concernent le numérique –, de consolider nos ambitions à l'échelon communautaire afin de permettre à nos entreprises de faire face à une concurrence internationale très forte. Favoriser un tel développement, c'est favoriser l'emploi, l'innovation et les investissements.

Prenons un exemple d'actualité : les équipementiers ; en dix ans, l'ensemble des fabricants de terminaux européens, qui jadis dominaient le marché, ont disparu. Il est essentiel de reconstruire une filière industrielle européenne en matière de numérique, de télécommunications et d'équipements, qui fournisse les éléments à même d'assurer à la fois un fonctionnement sûr des réseaux et la souveraineté numérique de l'Europe.

Cette ambition industrielle devra s'accompagner d'un encouragement à l'investissement dans les infrastructures fixes et mobiles et dans les services numériques, grâce à la mobilisation des crédits des programmes-cadres de recherche et développement, des fonds structurels et de la Banque européenne d'investissement (BEI).

Le corollaire de cette ambition industrielle est notre volonté de faire émerger des acteurs économiques forts, disposant de la taille critique nécessaire pour pouvoir s'implanter et se maintenir sur le marché mondial : tel est le sens de la préconisation en faveur d'un financement de l'innovation, notamment via la création de fonds de fonds paneuropéens. C'est ainsi que nous créerons de la valeur et des emplois.

Comme Laure de La Raudière et moi l'avons observé dans le cadre de la mission d'information sur le développement de l'économie numérique, l'Europe est dotée de compétences de haut niveau, qu'il convient de valoriser. Il nous faut continuer à développer la coopération et les synergies dans le secteur de la recherche, dans le cadre de l'Espace européen de la recherche et d'Horizon 2020.

Les préoccupations environnementales doivent également être prises en considération.

La proposition de résolution appelle à concevoir une fiscalité coordonnée, en s'appuyant sur les travaux en cours au sein de l'OCDE, afin de lutter efficacement contre l'évasion fiscale et l'érosion des bases taxables. Une telle action devrait renforcer l'équité des marchés et l'intégrité des systèmes fiscaux européens.

Il importe également de réfléchir à une meilleure répartition de la valeur dans la filière numérique, afin d'éviter que certains acteurs ne freinent le développement des autres, au détriment de l'innovation.

Une politique numérique européenne doit aussi garantir la protection des données, que celles-ci soient individuelles ou liées à l'entreprise : la donnée est aujourd'hui un gisement de valeur majeur.

Enfin, la proposition de résolution appelle à bâtir un environnement économique et culturel propice à l'appropriation et à la diffusion des savoirs numériques. Cela passe par la mise en place de filières de formation initiale adaptées aux emplois de demain, mais aussi de formations professionnelles continues susceptibles d'assurer l'adaptation toujours plus rapide des compétences aux nouveaux métiers du numérique. Il convient également de rendre les filières numériques plus attractives pour les femmes.

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