Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 2 octobre 2012 à 16h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Yves le Drian, ministre de la défense :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, le budget 2013 de la mission « Défense » s'inscrit résolument dans la perspective tracée par le Président de la République et le Premier ministre, visant à redresser les finances publiques en revenant à 3 % de déficit à la fin de l'année 2013 et à l'équilibre budgétaire à la fin du quinquennat. Lors de notre première rencontre, je vous avais indiqué dans quel état d'esprit nous abordions les négociations budgétaires : je suis à la fois conscient de la nécessité de prendre part à l'effort de redressement et déterminé à préserver nos capacités en ce qu'elles ont d'essentiel, non seulement pour être à la hauteur d'un contexte stratégique qui nous mobilise beaucoup, mais aussi pour ne pas anticiper sur la période post-Livre blanc, qui sera celle des choix décisifs. Le budget que je vous présente aujourd'hui tient compte de ce double impératif. La défense consent un effort important dans un contexte de contraintes fortes, mais nous tenons nos engagements en nous préservant de mesures irréversibles. C'est donc un budget de transition, dans l'attente de la future loi de programmation militaire qui suivra les conclusions du Livre blanc.

Ce budget – je tiens également à le souligner – prend place dans un contexte européen particulier. Des pays aussi importants que l'Espagne et le Royaume-Uni ont décidé des coupes sévères, voire brutales dans leur budget de défense – il en est de même de la Belgique et des Pays-Bas. Nous n'en sommes pas là. Je me suis attaché à préserver les crédits de la mission « Défense », qui seront stables pour 2013. La question de l'Europe de la défense se pose avec d'autant plus d'acuité que le contexte est difficile pour tous les pays. Aujourd'hui, avec nos amis européens, nous avons l'obligation d'être ambitieux et imaginatifs. La mutualisation est plus que jamais l'une des pistes pouvant nous permettre de résoudre l'impossible équation entre la situation géostratégique et la situation budgétaire.

Je commencerai en vous indiquant que le plafond de ressources de la mission « Défense » tient d'abord compte des besoins de financement hérités de la programmation militaire en vigueur. La loi de programmation militaire – LPM – 2009-2014 prévoyait une ressource de 128,8 milliards d'euros pour la période 2009-2012, mais les ressources effectives se sont progressivement écartées de la trajectoire initialement prévue – il s'agit d'un constat, je ne me livrerai à aucune polémique sur le sujet. En définitive, la mission « Défense » a bénéficié de 125,8 milliards d'euros. À la fin de cette année, ce sont donc près de 3 milliards d'euros qui manqueront pour financer les besoins de la défense. Ce manque de ressources est corroboré par les travaux de la Cour des comptes, qui évalue la perte à 4,1 milliards d'euros, mais elle intègre l'année 2013.

Cette divergence entre les ambitions et les moyens finalement alloués a engendré des difficultés dans la mise en oeuvre des contrats opérationnels tels qu'ils avaient été définis par le Livre blanc de 2008. Nous cherchons aujourd'hui à surmonter ces difficultés de deux manières : d'abord, dans le cadre de ce budget, en aménageant le calendrier des commandes et des livraisons de matériels, mais également en travaillant à une nouvelle cohérence entre nos moyens et les contrats opérationnels. C'est tout le sens de la future LPM, pour la période 2014-2019, qui s'inscrira dans le cadre fixé par les conclusions du nouveau Livre blanc.

L'autre logique qui a présidé à la définition de ce budget, c'est la détermination de la Défense à participer de façon équitable à la politique de maîtrise de la dépense publique qui est portée par l'ensemble du Gouvernement. L'objectif est bien une stabilisation stricte en valeur de la dépense de l'État, hors charge d'intérêt de la dette et hors contribution aux pensions des fonctionnaires. Le budget de la défense réalise cette stabilisation des crédits. Concrètement, les ressources totales pour 2013 – 31,4 milliards – sont identiques à celles de 2012, la diminution de 200 millions d'euros des crédits budgétaires étant compensée par l'augmentation de recettes exceptionnelles liées à des cessions de fréquences et de biens immobiliers pour un montant de quelque 1,3 milliard d'euros. Les crédits budgétaires de la défense seront stables jusqu'en 2015. Il s'agit d'une donnée importante qui est évidemment portée à la connaissance de la commission chargée du Livre blanc.

Cette stabilisation des ressources de la défense exige toutefois des économies importantes. La loi de programmation 2009-2014 prévoyait en effet, à partir de 2012, une augmentation de la ressource annuelle qui tienne compte de l'inflation majorée de 1 %, soit un montant de 33,2 milliards d'euros en 2013 – hors pensions. Avec 31,4 milliards d'euros, la stabilisation des ressources pour 2013 exige donc de faire des économies par rapport aux besoins alors exprimés. Le Président de la République avait annoncé 10 milliards d'économies pour 2013 sur les dépenses publiques. Nous y contribuons à hauteur de 2,2 milliards – chiffre repris par la presse. Ces économies correspondent à une diminution de nos besoins de paiements par rapport à la trajectoire prévue en programmation.

Nous ferons d'abord des économies sur le fonctionnement courant. Les dépenses en la matière diminueront de 7 % en 2013 par rapport à 2012, ce qui place le ministère de la défense dans le strict respect de la règle fixée par le Premier ministre pour l'ensemble des administrations de l'État, sans pour autant compromettre le fonctionnement opérationnel de nos armées. Ainsi, les subventions pour les opérateurs ont été révisées à la baisse. Il en va de même du parc de véhicules légers et des dépenses de communication.

La masse salariale, hors pensions et hors OPEX, est également maîtrisée : elle diminuera de 0,7 % en 2013 par rapport à 2012. Ces 7 234 suppressions d'emploi nettes en 2013 entrent dans le cadre de la baisse des effectifs décidée dans la loi de programmation encore en vigueur – 54 923 suppressions en tout. Je me tiendrai à ce chiffre à l'unité près. Je tiens toutefois à préciser que la défense recrutera, en 2013, dans le cadre du renouvellement de son fonctionnement, 22 000 personnels. Elle crée parallèlement 164 postes – trois quarts civils, un quart militaire – pour la fonction « connaissance et anticipation » et la cyberdéfense. Ces deux priorités sont à renforcer et je suis convaincu qu'elles le seront dans les années à venir. Il me paraissait nécessaire d'engager une telle dynamique, même si elle peut être assimilée à une anticipation sur les conclusions du Livre blanc.

S'agissant de la masse salariale, je voudrais ajouter que les dépenses de personnel ont été budgétées avec sincérité. Les 11,2 milliards d'euros de masse salariale, hors pension et hors OPEX, correspondent au même montant qu'en 2012 mais avec des effectifs qui auront diminué en 2013. Les crédits sont donc fixés en 2013 au juste niveau, ce qui met un terme à plusieurs années de sous-évaluation de la budgétisation des crédits de personnel (titre II), qui se traduisait nécessairement par des compléments de ressources de la masse salariale en cours d'année. Ce sera encore le cas en 2012.

À la suite de la lettre de cadrage du Premier ministre, les mesures catégorielles – j'ai reçu ce matin les organisations syndicales –, qui viennent en complément des rémunérations des personnels, sont progressivement diminuées d'ici à 2015 selon la règle commune qui s'applique à tous les ministères. En 2013, l'enveloppe du ministère sera de 60 millions d'euros. Elle permettra notamment de financer la transposition du nouvel espace statutaire de la catégorie B aux sous-officiers des armées pour 27 millions. Pour les civils, un effort sera réalisé en faveur des filières techniques et sociales. Enfin, pour les militaires, l'ajustement portera inévitablement sur la pyramide des grades. Ces dernières années, on a assisté à un renforcement des grades les plus élevés aux dépens des autres. Nous ne pouvons continuer dans cette voie, car nous prendrions alors le risque de ne plus disposer de militaires du rang en nombre suffisant. De plus, la Cour des comptes s'étonne que la diminution des effectifs ne s'accompagne pas d'une diminution équivalente de la masse salariale. C'est pourquoi, en accord avec le Premier ministre, j'ai souhaité lancer des travaux internes pour une meilleure organisation des catégories. On ne saurait en effet s'attaquer à la question du repyramidage sans s'attaquer à celle des avancements. La réduction des avancements, qui pourra aller jusqu'à 30 % pour certains grades uniquement, ne concerne pas l'année 2012. Un effort particulier en ce sens est prévu pour 2013. Il sera moindre après. J'attends des conclusions pour rendre plus cohérente la gestion des grades.

Toutes les autres dépenses de masse salariale sont maintenues, notamment celles qui concernent le « hors socle », c'est-à-dire qui ne sont pas liées à la rémunération, tant le Plan d'accompagnement des restructurations pour plus de 210 millions d'euros que les indemnités opérationnelles pour 500 millions environ.

S'agissant du système Louvois, il devait permettre au ministère de la défense de simplifier le processus de gestion du paiement des soldes en la centralisant sur un seul site – Nancy – et en employant un seul logiciel. Si la marine a intégré le système Louvois sans trop de difficultés, l'accumulation de décisions malheureuses a été à l'origine de graves dysfonctionnements dans l'armée de terre : en effet, aux bugs répétés du logiciel lui-même – j'ai diligenté un audit pour faire le point sur le sujet –, s'est ajoutée la fermeture prématurée des centres territoriaux d'administration et de comptabilité – CTAC – et la réforme des bases de défense, si bien que 120 000 dossiers n'ont pu être traités par Nancy. Au cours d'un déplacement dans les forces au mois de septembre, j'ai constaté la permanence de dysfonctionnements, que je croyais en voie de résolution. C'est pourquoi, prenant un coup de sang, j'ai aussitôt mis en oeuvre un plan d'action qui permettra, à la fois par l'ouverture d'un numéro vert depuis lundi dernier, par la création d'un groupe d'utilisateurs, femmes de militaires comprises, et par la mise en place de dispositifs de contrôle, de donner un coup d'accélérateur à la régularisation des 10 000 dossiers toujours en attente. Une telle situation est inacceptable. En effet, dans un contexte difficile pour les hommes et les femmes de la défense, nous devons être vigilants à ce que l'institution ne paraisse pas leur manquer de respect. Or, ne pas réussir à payer à temps un soldat qui rentre d'Afghanistan, c'est lui manquer de respect. Mesdames et messieurs les députés, je vous demande de m'aider en appelant mon cabinet si vous avez connaissance de dysfonctionnements. Il importe absolument d'éradiquer ce problème. Il faut savoir que la feuille de solde arrive un mois à un mois et demi après le versement de la solde, ce qui rend d'autant plus difficiles les vérifications par les intéressés, surtout quand des sommes indues ont été versées et qu'il faut les rembourser.

Je reviens aux sources d'économies réalisables pour souligner que nous ferons porter nos efforts également sur les équipements. Près de 5,5 milliards d'euros de commandes prévues en 2012 et 2013 ont été repoussés, dont près de 4,5 milliards d'euros sur les seules opérations d'armement, hors la dissuasion qui, conformément à l'engagement du Président de la République, est préservée. Mais là encore, les aménagements retenus permettent de limiter la dépense de l'État en 2013 sans remettre en cause les contrats en cours, ni anticiper les choix qui sortiront du nouveau Livre blanc et de la future LPM. Ces décalages ne sont pas irréversibles tant sur plan industriel que sur le plan capacitaire. La commande du quatrième Barracuda, qui est prévu pour 2024, est décalée de quelques mois mais cette décision n'obère pas le plan de charge de la DCNS de Cherbourg. Il en est de même du report de la rénovation à mi-vie des Mirage 2000 D, de celui de la commande du patrouilleur du futur ou de certains systèmes d'information. Le programme de rénovation des Atlantique 2 et le programme Scorpion, de modernisation de l'ensemble des véhicules blindés de l'armée de terre, sont également reportés, mais sans conséquence industrielle majeure, puisque les reports s'étagent entre six et dix-huit mois, dans l'attente des choix qui devront être faits dans le cadre du prochain Livre blanc et de la nouvelle LPM.

Nous avons également déterminé des priorités. La première, que je souhaite même renforcer, est le financement de l'entraînement et de l'activité opérationnelle des forces. Notre désengagement d'Afghanistan aura en effet des conséquences importantes en la matière : il est primordial que le niveau de préparation opérationnelle que les unités ont acquis en opérations extérieures soit préservé. Les crédits d'entretien du matériel, de fonctionnement opérationnel et de carburant progressent ainsi de près de 300 millions d'euros par rapport à 2012. C'est un effort très significatif, qui vise à préserver le taux d'activité des unités et le taux de disponibilité des matériels. Il permettra d'assurer le financement de jours supplémentaires de préparation opérationnelle de l'armée de terre, pour compenser la moindre activité opérationnelle liée au désengagement progressif d'Afghanistan. L'armée de terre bénéficiera de 105 jours de préparation et d'activité opérationnelle, exactement comme en 2009. C'est un choix majeur à mes yeux.

Nous maintenons dans le même temps la provision budgétaire pour les opérations extérieures. La France est actuellement engagée dans une vingtaine d'OPEX. Vous savez que les surcoûts engendrés par ces opérations sont provisionnés en partie dès la construction du budget. La dotation de la mission « Défense », qui les finance partiellement, est maintenue en 2013 à hauteur de 630 millions d'euros – elle devrait être complétée par un abondement ministériel pour s'élever à un total de 870 millions d'euros en 2012.

Le ministère de la défense reste également attaché à la poursuite de la modernisation des équipements des armées. C'est, à côté de l'activité opérationnelle des forces, l'autre grande priorité, dont les enjeux sont importants pour nos territoires en termes économiques et donc sur le plan de l'emploi.

L'effort d'équipement du ministère, qui est le premier investisseur public, bénéficiera de plus de 16 milliards d'euros de crédits de paiement, un montant stable par rapport à 2012. Cette dotation permet de financer, sans modification majeure, la plupart des besoins de paiement que nous héritons des programmes déjà lancés.

Pour ne pas anticiper les choix stratégiques qui seront pris à la suite du nouveau Livre blanc, je n'ai pas voulu prendre de décisions irréversibles en matière de programmes. Toutefois, 19 milliards d'euros d'autorisations d'engagement au profit de l'équipement ont été prévus pour passer en 2013 les commandes indispensables à nos capacités militaires essentielles.

De la même façon, le projet de budget préserve pour l'essentiel les dépenses d'avenir. Le ministère continuera de susciter et d'accompagner l'innovation industrielle et technologique en finançant la Recherche & Développement à hauteur de 3,3 milliards d'euros en 2013. Les crédits dédiés aux études amont, trop souvent victimes d'arbitrages négatifs, progressent même de 10 % pour atteindre quelque 750 millions d'euros. Il y va en effet de notre capacité d'innovation et de la sécurité de notre défense dans dix ans. Nous contribuons ainsi pleinement à la politique de croissance et de compétitivité du Gouvernement. Dans une période où nous devons trouver des économies, il est plus que nécessaire, il est même vital de préserver les dépenses d'avenir. Encourager la recherche amont dans le secteur de la défense permet également de diffuser l'innovation dans le secteur civil. Ces crédits sont donc déterminants pour assurer notre compétitivité.

C'est également dans cet esprit que j'ai souhaité préserver les volumes financiers permettant de soutenir les PME. C'est un sujet qui me tient à coeur et je travaille activement au « smart business act » de défense que je publierai en fin d'année – une traduction en français s'impose évidemment. Les PME liées à la défense, qui sont le plus souvent duales, doivent davantage profiter à la fois des commandes de la défense et de l'innovation des grands groupes de défense. J'ai maintenu intégralement tous les dispositifs en faveur des PME, notamment le dispositif RAPID – régime d'appui pour l'innovation duale –, qui permet aux PME de soumettre spontanément leurs projets technologiques innovants, en particulier ceux qui présentent des applications sur les marchés militaires avec des retombées sur les marchés civils.

J'ai enfin maintenu des commandes lourdes dans des secteurs incontournables. J'ai notifié le programme CONTACT peu de temps après ma prise de fonctions, pour améliorer ce qu'on appelle la « numérisation des forces terrestres » et j'ai préservé, comme l'a souhaité le Président de la République, le volume consacré aux différentes composantes de la dissuasion ainsi que le calendrier du programme MRTT – multi-role transport tanker –, lequel vise au nécessaire renouvellement de nos avions ravitailleurs, tout en posant un jalon important de notre démarche européenne. Les opérations en Libye nous ont en effet permis de constater un déficit européen en matière de ravitaillement, auquel il faut remédier sans même attendre les conclusions du Livre blanc. J'ai également maintenu les commandes des hélicoptères NH90, indispensables au renouvellement de notre capacité aéromobile, et des bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers qui permettront d'assurer pleinement, outre le soutien aux forces, la sauvegarde maritime dans le cadre de l'action de l'État en mer. J'ai également préservé les crédits qui nous permettront en 2013 de commander des drones, notamment le drone MALE intermédiaire dont nous avons déjà beaucoup parlé, ainsi que les systèmes de drones tactiques. J'ai par ailleurs maintenu les actions de modernisation de nos forces, notamment la commande du système d'information des armées, particulièrement ambitieux, et je poursuis les acquisitions de satellites de communication ou d'observation.

Enfin, j'ai demandé de ne pas étaler les livraisons déjà prévues des équipements performants pour nos forces, car cela nous ferait perdre de l'argent. Ainsi, en 2012, nous recevrons la FREMM Normandie et, en 2013, les premiers avions A400M, quatre nouveaux hélicoptères Tigre, douze hélicoptères NH90, soixante-douze porteurs polyvalents terrestres, quatre-vingt-trois VBCI, plus de 4 000 équipements Félin et onze Rafale.

À ces deux priorités, qui concernent l'activité et l'équipement de nos armées, je tiens à ajouter une troisième, qui, pour être moins importante sur le plan numérique, n'en est pas moins au coeur du budget : je maintiens l'effort budgétaire dédié à l'accompagnement des restructurations, qui, décidées avant mon arrivée, pèsent sur les hommes et les femmes de la défense auxquels on a déjà demandé beaucoup d'efforts, ainsi que sur les territoires concernés. Dans le cadre des contrats de redynamisation des sites de défense (CRSD) et des plans locaux de restructuration (PLR), les collectivités territoriales les plus touchées par les restructurations de la défense bénéficieront d'un fonds de 320 millions d'euros, financé à concurrence des deux tiers par le ministère de la défense.

Tels sont les principaux aspects du budget de la mission « Défense » que je souhaitais vous présenter.

Je tiens à ajouter que l'élaboration du nouveau Livre blanc est au coeur de l'actualité. Il est en effet nécessaire de mieux identifier les menaces et les mutations en cours grâce à une vision actualisée de notre environnement international, qui pèsera sur les choix que nous devrons faire en matière de sécurité. Il est clair que nous avons de nombreux intérêts en jeu au sud de l'Europe, dans une zone de tensions qui va de l'ouest de l'Afrique à l'Océan indien. J'attends donc du prochain Libre blanc une mise en cohérence des menaces avec les moyens que nous souhaitons mobiliser, seul ou avec d'autres, pour y faire face. Est-il besoin de préciser que nous assistons à l'heure actuelle à une accélération de situations complexes ?

Concernant le projet de fusion entre EADS et BAE, la nouvelle fut d'autant plus soudaine qu'il s'agit de deux acteurs majeurs de l'industrie aéronautique et de défense et qu'il n'était donné aux États qu'un délai d'un mois pour réaliser la fusion. Il n'a échappé à personne que la défense compte pour 25% du chiffre d'affaires du groupe franco-allemand EADS et pour 97 % ou 98 % du groupe britannique BAE. La démarche vise donc à équilibrer les chiffres d'affaires des activités militaires et civiles du nouveau groupe, si celui-ci, du moins, voit le jour. N'oublions pas non plus que BAE réalise la part la plus importante de son chiffre d'affaires aux États-Unis et que l'Arabie Saoudite y a une place significative.

En outre, plusieurs de nos intérêts stratégiques majeurs – notamment Astrium et MBDA – dépendent d'EADS. Une clause permet aujourd'hui de sécuriser la dissuasion dans ces deux entités : que se passera-t-il demain, dans un ensemble plus vaste ? C'est un sujet de préoccupation sérieuse. Quel poids la France aura-t-elle au sein du nouveau groupe, à partir du moment où la part de l'État français dans EADS, qui est à l'heure actuelle de 15 %, chutera à 9 % après la fusion ? Nos amis allemands sont d'une grande perplexité. Si l'enjeu industriel de la fusion est considérable, celle-ci n'en soulève pas moins des questions le plan de nos intérêts. Les discussions se poursuivent intensément entre l'ensemble des acteurs – j'ai rencontré trois fois mon homologue allemand en quatre jours. La décision sera prise avant le 10 octobre au plus haut sommet des États concernés, à moins qu'un délai supplémentaire ne nous laisse quelque répit pour obtenir plus de clarté sur les intentions des uns et des autres.

Je souhaite pour finir faire le point avec vous sur le désengagement d'Afghanistan, actuellement en cours. Il se passe bien. Je tiens à rappeler qu'il s'agit d'une opération militaire difficile qui exige la plus grande sécurité. Aussi convient-il de ne pas trop en parler. Si le calendrier est respecté, il restera en Afghanistan à la fin de l'année 2012 de 1 400 à 1 450 hommes, regroupés sur Kaboul ou ses environs – la base de Warehouse et Kaia, l'aéroport international. Une partie de ces personnels assurera la logistique du retour des matériels – la moitié des matériels aura été rapatriée pour Noël. À l'été 2013, il restera sur place quelque 500 militaires, qui assureront, dans le cadre de la Force internationale d'assistance et de sécurité – FIAS – et jusqu'à la fin de 2014, le fonctionnement de l'hôpital militaire de Kaia(KAIA), qui reçoit également des Afghans, la formation des militaires de l'armée nationale afghane et la gestion de l'aéroport : la France l'assure depuis hier et quatre-vingts militaires sont arrivés à cet effet. Nous entrerons ensuite dans l'application du traité franco-afghan qui prévoit notamment des initiatives de formation. Quant à l'OTAN, elle n'a pas encore défini l'organisation de la présence de ses forces après 2014. La France souhaite, quant à elle, qu'il n'y ait plus de forces de combat après cette date. Elle pourra être présente en Afghanistan dans des conditions qu'elle n'a pas encore arrêtées. Elle a deux ans pour le faire.Tels sont les éléments dont je souhaitais vous faire part, tant sur le budget de la mission « Défense » que sur la situation géostratégique.

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