Intervention de Michèle Bellon

Réunion du 16 octobre 2013 à 16h15
Commission des affaires économiques

Michèle Bellon, présidente du directoire d'ERDF :

Je vais commencer par une comparaison avec nos voisins pour expliquer pourquoi l'Allemagne a abandonné son projet de compteur intelligent et pourquoi il n'est pas possible de choisir son compteur soi-même. Mme Massat et M. Ollier ont déjà bien répondu à la question : les compteurs font partie du périmètre de la distribution, ils appartiennent aux collectivités locales qui les financent, comme les réseaux, et donc le consommateur ne les choisit pas.

La plupart des pays voisins sont très avancés aujourd'hui. La Suède, les Pays-Bas, l'Espagne ou l'Italie sont passés rapidement au compteur communicant. En Allemagne et en Angleterre, le distributeur ne fait pas d'économies d'intervention ou de gestion du réseau sur les compteurs puisque ceux-ci n'entrent pas dans son périmètre mais dans celui du fournisseur d'énergie. Et comme il n'y avait pas de rentabilité réelle, celui-ci a fini par abandonner le projet. Ce n'est pas du tout le même modèle économique.

Concernant l'expérimentation des compteurs Linky, il s'agissait de mettre au point une nouvelle technologie, de tester l'installation de compteurs dans les domiciles, de voir comment on pouvait mobiliser les acteurs de la filière électrique sur le terrain, de les former, et de vérifier les coûts.

Nous savons désormais que l'investissement se répartit à part égale entre le coût du matériel et celui de la pose. Nous devons désormais organiser la montée en puissance, partout en France, des installateurs électriciens, qui sont principalement des PME-PMI. La pose de 35 millions de compteurs suppose la création de 5 000 emplois supplémentaires en rythme plein pendant cinq à six ans. Cette augmentation n'est pas envisageable pour le distributeur. 10 à 15 % des installations seront faites en interne chez ERDF qui préfère, pour le reste, s'appuyer sur le tissu industriel local et permettre la montée en compétences des entreprises. Pour des sociétés de 10 salariés, le rythme de pose sera d'environ 20 000 compteurs par semestre.

ERDF est prêt à discuter de la stratégie de déploiement, notamment des premiers trois millions, qui n'est pas encore arrêtée. Elle relève du dialogue avec les autorités concédantes et les élus. Certains critères de décision sont envisagés, comme le fait de suivre une logique de déploiement en tâche de léopard, c'est-à-dire d'installer systématiquement les compteurs zone par zone, afin d'optimiser les coûts de déploiement.

En termes de métier, il y aura toujours des métiers de gestionnaires de réseaux, de maintenance, de remplacement des câbles, notamment pour vérifier la qualité de l'électricité. Les investissements de maintenance pour raccorder de nouveaux consommateurs et de nouveaux producteurs ne seront pas abandonnés. Et ce nouveau compteur, par exemple, permettra de mieux diagnostiquer les microcoupures sur le réseau. Il y aura cependant une évolution des métiers vers l'informatique et les télécommunications car le besoin d'analyse des données des compteurs va s'amplifier. Par exemple en Suède, la généralisation du compteur communicant n'a pas fait diminuer les effectifs mais les a transformés. ERDF prévoit d'ajuster les emplois à hauteur d'environ 400 personnes sur 36 000 salariés.

Sur la question de la maîtrise de la demande, il faut informer le consommateur, mais aussi veiller à ce qu'il comprenne correctement sa consommation. La délibération du régulateur de l'énergie de juillet 2011 recommandait de généraliser l'accès, pour tous les consommateurs, à leur consommation d'énergie sur internet. Le dispositif Watt & moi, créé en mai 2012 à Lyon, permet déjà d'expérimenter l'accès en ligne aux données de consommation électrique pour 1 000 habitants de logements sociaux, dont le mode de chauffage est varié. Cependant, il est fondamental pour le client de bien comprendre sa consommation. Pour cela, un accompagnement est mis en place avec GrandLyon Habitat, les gardiens d'immeubles, et des sociologues pour étudier comment faire évoluer les comportements. Ainsi, Watt & moi a permis aux consommateurs identifiés comme « hors norme » d'être sensibilisés et les résultats montrent que ceux-ci ont diminué leur consommation.

Pour ce qui est de la différenciation tarifaire, le consommateur a déjà le choix aujourd'hui entre le tarif de base ou celui distinguant les heures creuses des heures pleines, grâce aux grilles tarifaires. Demain, si les signaux tarifaires varient, des systèmes de tarifs différenciés existeront également, en fonction de la consommation du consommateur.

Concernant la possibilité d'obtenir les informations en temps réel, ce n'est pas indispensable par rapport à une facture annuelle. Il est préférable d'axer les efforts sur la pédagogie envers les choix tarifaires et la compréhension des données.

En matière de domotique, Schneider Electric et les autres acteurs du marché fabriquent déjà des produits Linky-compatibles de moins en moins chers. Les usages vont se développer puisque nous recherchons toujours plus de commodité.

La question des ondes électromagnétiques est une question récurrente et des mesures ont été réalisées par des associations de consommateurs et trois syndicats – le syndicat d'Indre et Loire, le Sigerly à Lyon et le Sipperec en région parisienne. Les résultats démontrent que Linky n'émet pas plus d'ondes électromagnétiques que les compteurs électroniques actuels. Certaines mesures sont même entre 150 et 2 000 fois inférieures aux normes européennes en matière d'émission, voire se sont révélées à la limite du mesurable.

Concernant le cryptage des données, le consommateur aura accès à ses informations de consommation d'électricité par usage (réfrigérateur, téléviseur…), mais celles-ci ne remonteront pas par le réseau auprès du gestionnaire car c'est interdit. L'ANSSI est très vigilante et un important travail a été mené avec la CNIL et les services du Premier ministre au sujet de la protection de ces informations.

Au sujet d'une éventuelle rupture d'égalité entre consommateurs, ERDF s'efforcera de donner un accès aux informations de consommation par internet ou, lorsque ce n'est pas possible, notamment pour les logements sociaux, par téléphone portable.

L'effacement volontaire ne sera pas possible sans contractualisation.

Enfin, les coûts de la pose seront amortis sur 20 ans donc l'installation sera neutre pour le consommateur. On ne peut pas mesurer la fraude, mais les pertes sont quantifiables car ce sont des kilowattheures qu'ERDF doit acheter sur le marché, pour un montant d'environ 1,5 milliard d'euros par an. Elles correspondent pour moitié à l'effet joule mais 10 térawattheures par an sont des pertes commerciales, qu'il est prévu de réduire d'un tiers, en suivant l'exemple de l'Italie qui est même allée au-delà.

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