Intervention de Gilbert Ysern

Réunion du 16 octobre 2013 à 11h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Gilbert Ysern, directeur général de la Fédération française de tennis et directeur du tournoi de Roland-Garros :

Nous aurions beaucoup aimé, madame Bourguignon, parler plus longuement de la Fédération, mais nous avons choisi, ce matin, de concentrer notre intervention sur le tournoi de Roland-Garros.

C'est vrai, madame Dion, le tournoi est exposé à la concurrence mondiale. Il n'est pas en danger, mais j'ai l'intime conviction que si nous ne menons pas à bien la modernisation des structures, le tournoi finira par s'étouffer et n'y survivra pas. Notre destin est entre nos mains. Si nous faisons ce qu'il faut, nous ne perdrons pas le tournoi de Roland-Garros. Ni Madrid, ni Indian Wells en Californie, dont le propriétaire, Larry Ellison, ne manque pas de moyens, ne nous le prendront.

Nous avons beaucoup à dire sur l'action de la Fédération en matière de lutte contre le dopage, et surtout de lutte contre la corruption, à laquelle le tennis est particulièrement exposé compte tenu du développement des paris en ligne. Nous pourrons revenir vous en parler lorsque la commission le souhaitera.

L'échéance de 2018 sera-t-elle respectée ? Je le pense, mais nous ne maîtrisons pas les décisions de justice. Un juge peut nous ordonner d'arrêter les travaux, comme cela s'est produit il y a 20 ans lors de la construction du court Suzanne-Lenglen. J'espère que nous n'en arriverons pas là. Le calendrier que nous vous avons présenté est raisonnable. Comme tous les maîtres d'ouvrage, nous allons continuer à avancer nos travaux, en dépit de décisions de justice qui pourraient être défavorables. De nombreux recours sont en cours, aussi bien contre la mairie que contre la fédération, mais il faut espérer que cela ne stoppera pas les chantiers.

Le budget de 340 millions d'euros intègre toutes les améliorations qui ont été demandées au cours de la concertation. Cela dit, ce n'est que lorsque nous recevrons les réponses à nos appels d'offres que nous saurons si nous avons correctement estimé le coût des travaux.

Nos relations avec les riverains ne sont pas idylliques. Notre projet, comme tout projet de cette nature, rencontre des oppositions. Lors d'une réunion du comité de suivi, les représentants des associations ont quitté la salle, arguant qu'ils n'étaient pas suffisamment pris en compte, qu'ils voulaient jouer un rôle de copilote du projet et avoir les mêmes droits que le maître d'ouvrage. Nous leur avons indiqué que si nous étions disposés à entendre les opposants au projet, il était impossible de les placer sur un pied d'égalité.

Je pense sincèrement que nous nous conduisons bien, d'ailleurs la Commission nationale du débat public nous en a donné acte. Nous avons mené le débat public comme il convenait en organisant une dizaine de séances publiques et nous avons répondu à toutes les questions en essayant, dans la mesure du possible, de tenir compte des observations.

J'en viens aux subventions. La région Ile-de-France nous a informé, il y a plusieurs années, qu'elle n'entendait pas contribuer au financement du nouveau stade. Quant au silence de l'État, je ne vous cache pas qu'il suscite une certaine frustration au sein de la Fédération et de ses dirigeants. Dans la mesure où nous essayons d'être exemplaires, à différents niveaux, en particulier en matière de responsabilité sociale des entreprises et de nous acquitter au mieux de notre délégation de service public, il serait normal que l'État soit à nos côtés pour mener à bien notre projet, au même titre qu'il accompagne la construction de stades de football.

En matière de formation, nous nous sommes engagés à lutter contre la précocité pour mettre fin à un effet de mode qui poussait il y a quelques années les parents, les entraîneurs et parfois la Direction technique nationale à former des champions âgés de 10 ans. Nous travaillons aujourd'hui sur un vivier plus large et sans nous presser, avec l'objectif de former des enfants pour en faire des champions lorsqu'ils auront atteint l'âge adulte.

L'adhésion de nos licenciés est réelle. Les 200 délégués élus qui siègent à l'assemblée générale nous soutiennent totalement et les décisions prises au cours des délibérations sont toujours acceptées à l'unanimité. Tous les dirigeants de clubs approuvent notre projet de modernisation.

Ce qui s'est passé pour le joueur tunisien Malek Jaziri est une honte, d'autant que le sport est censé rassembler. Nous ne pouvons que nous élever contre un tel scandale.

En matière de dopage, nous pouvons mieux faire, comme l'indique la conclusion du rapport sénatorial. La FFT n'est cependant pas montrée du doigt car nous menons des opérations de sensibilisation sur ce thème. Comme toutes les fédérations sportives de notre pays, nous avons envie d'être propres. Nous avons également engagé une campagne de sensibilisation aux problématiques de la corruption liée aux paris sportifs.

Sur le plan international, le rapport sénatorial laisse entendre que la Fédération internationale de tennis et les acteurs du sport professionnel présentent une belle vitrine mais que l'arrière-boutique cache une réalité moins propre. La Fédération internationale en a pris conscience et elle a augmenté les budgets consacrés à la lutte contre le dopage. Il convient de faire davantage de contrôles sanguins, notamment hors compétition, et de mettre en oeuvre le passeport biologique – ce que nous faisons au sein de la Fédération française.

J'en viens aux droits télévisés pour la retransmission du tournoi de Roland-Garros. Sur le territoire national, ceux-ci représentent à peine 10 % de notre chiffre d'affaires. Nous n'en sommes donc pas dépendants. Nous avons affiché notre volonté de diffuser les matchs en clair et présenté un appel d'offres en bonne et due forme, dont la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) et l'Autorité de la concurrence ont vérifié la régularité. Le résultat de l'appel d'offres est très décevant, d'autant que cette situation s'était déjà produite il y a quatre ans. Sincèrement, le marché ne joue pas le jeu et se moque de nous.

France Télévisions nous verse actuellement 16 millions d'euros. C'est bien peu si l'on compare cette somme avec ce que rapportent les droits des autres tournois. Ainsi Wimbledon bénéficiera en 2014 de 40 millions de livres, l'Australian Open obtiendra dès 2015 une somme de 40 millions de dollars australiens et l'US Open dispose de 75 millions de dollars. Nous avons toutes les raisons de penser que nos droits valent plus qu'une quinzaine de millions d'euros. Les droits que nous percevons à l'étranger nous permettent d'affirmer que le tournoi de Roland-Garros intéresse les téléspectateurs du monde entier puisqu'ils affichent une croissance annuelle à deux chiffres et que dans la plupart des contrats que nous avons signés ces dernières années, le montant des droits a doublé.

Nous avons donc été très déçus lorsque nous avons procédé à l'ouverture des plis la semaine dernière mais nous essayons de comprendre ce qui s'est passé. Là encore, nous avons été de bons élèves puisque nous n'avons pas communiqué avec les diffuseurs en attendant de connaître le résultat des appels d'offres.

Pourquoi les diffuseurs ne sont-ils pas au rendez-vous ? Avons-nous mal construit les lots ? Est-ce parce que la ministre des sports a fait une déclaration dans le Journal du Dimanche en souhaitant, le jour même de l'ouverture de Roland-Garros, que la diffusion reste gratuite alors qu'elle savait parfaitement que telle était notre intention ?

Nous avons tous envie, monsieur le Président, que le tournoi de Roland-Garros reste accessible en clair. Le président de France Télévisions avait indiqué à Jean Gachassin que France Télévisions n'aurait bientôt plus les moyens de s'offrir Roland-Garros, mais qu'il tenait à en conserver une grande part. C'est la raison pour laquelle nous avons construit notre offre en trois lots. Les chaînes payantes ont semble-t-il considéré que nous avons fait la part trop belle à la diffusion gratuite en proposant de diffuser les matchs qui se tiennent sur les trois courts principaux, pendant toute la durée du tournoi, à partir de 15 heures, ce qui correspond à la diffusion de France 2 cette année. Je suppose que Canal + et BeIN Sport ont considéré que l'exclusivité de la tranche comprise entre 11 et 15 heures n'avait pas suffisamment de valeur.

Tous ceux qui se sont émus il y a quelques mois du possible abandon par France Télévisions du tournoi de Roland-Garros nous ont remercié, le jour même de la publication de notre appel d'offres, d'avoir permis à France Télévisions de postuler pour un lot qui, bien que peu onéreux, représentait une diffusion conséquente. D'où notre courroux lorsque nous avons lu que France Télévisions n'acceptait pas le principe des lots, préférant le « tout ou rien », à ses conditions, et pour un coût inférieur à ce qu'il était les années précédentes.

Qu'allons-nous faire ? Nous serons peut-être amenés à envisager une diffusion payante, à l'instar de quelques grands événements sportifs comme la Champions League de football, le Top 14 de rugby ou la saison de Formule 1.

La question, monsieur l'administrateur, n'est plus de savoir si la FFT souhaite conserver la diffusion en clair de Roland-Garros, mais si les diffuseurs en clair ont envie de la conserver. Nous en avons débattu en comité directeur le week-end dernier et nous n'avons pas décidé de passer au « tout payant ». L'offre de France Télévisions nous choque car elle est en totale contradiction avec les propos de son président.

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