Intervention de Jean Launay

Réunion du 15 octobre 2012 à 18h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Launay, Rapporteur spécial :

Lors de l'examen du budget de la défense en séance publique, le 7 novembre prochain, un rapport remplacera la note de présentation qui vous a été remise. Pour l'heure, nous n'avons pas terminé toutes les auditions, puisque nous entendrons cette semaine le chef d'état-major de la marine et celui de l'armée de l'air. Pour les programmes 144 et 212, la reconstitution des évolutions de crédits est délicate du fait des modifications de la nomenclature budgétaire, de la réduction du nombre de sous-actions et des modifications de périmètre.

Les moyens prévus pour 2013 sont globalement stables, du moins pour les CP, qui atteignent 38,16 milliards d'euros. Les AE connaissent en revanche une légère baisse, qui les porte à 38,64 milliards. Pour autant, la défense prend part à l'effort de redressement des dépenses publiques. La dotation est inférieure de près de 2 millions aux prévisions de la LPM, ce qui se traduit notamment par un décalage de commande. L'an dernier, le budget était déjà en deçà de l'annuité prévue, de sorte qu'entre 2009 et 2012, le retard porte sur près de 3 milliards d'euros. La trajectoire de la LPM, qui prévoyait une augmentation des moyens de 1 % à partir de 2012, n'est pas soutenable financièrement, dans un contexte marqué par les contraintes budgétaires et les évolutions stratégiques internationales. Les orientations du nouveau Livre blanc seront connues fin 2012 ou début 2013. Ce budget d'attente préserve tous les choix possibles, sans préempter aucune décision.

Au sein de ce budget stable, les évolutions des programmes sont contrastées. Parallèlement à la hausse des moyens dévolus à la prospective, le programme 212 Soutien de la politique de la défense enregistre une baisse de 6,4 % en CP. En revanche, le principal programme de la mission Préparation et emploi des forces voit ses crédits stabilisés à 22,4 milliards en CP et à 23,1 milliards en AE. C'est sur le programme 178, qui réunit près de 90 % des effectifs de l'armée, que pèse l'essentiel des réductions d'emplois réalisées depuis 2008, soit plus de 54 000 postes. Cette année, le plafond d'emplois du programme diminue de 7 475 équivalents temps plein, après une diminution de 7 541 l'an dernier.

La diminution substantielle des effectifs ne s'accompagne pourtant pas d'une baisse de la masse salariale, puisque les crédits de titre 2 restent globalement stables, à 15,53 milliards, ce qui s'explique tant par le poids croissant des dépenses de pensions et d'allocations chômage versées par le ministère, que par celui des mesures dites « bas salaires ».

La défense a choisi de préserver les crédits d'activités opérationnelles. Les dépenses d'entraînement, de carburant et d'entretien des matériels augmentent nettement pour les trois armes, tandis que des économies parfois drastiques sont réalisées sur le fonctionnement courant et le soutien. La volonté de privilégier l'activité opérationnelle est d'autant plus prégnante que les opérations extérieures connaissent une décrue. Les effectifs déployés en OPEX passeront en fin d'année sous la barre de 5 000, soit le tiers de ceux auxquels il a été fait appel au plus fort de 2011, lors de l'opération Harmattan conduite en Libye. Cette diminution des forces projetées après une longue période d'engagements soutenus représente un défi pour les armées, qui doivent s'adapter en termes d'entraînement comme de gestion des personnels.

La diminution du nombre d'hommes déployés en OPEX tient à notre retrait d'Afghanistan. Si les forces combattantes reviendront avant la fin de l'année, des effectifs resteront sur place pour assurer le réacheminement des matériels réutilisables en France, pour achever des missions au sein de l'aéroport ou de l'hôpital de Kaboul, ou pour assurer la formation des forces armées afghanes jusqu'en 2014. Par ailleurs, des forces françaises restent déployées au Kosovo, au Liban et au large des côtes somaliennes, dans le cadre de l'opération Atalante contre la piraterie.

Les surcoûts issus des OPEX devraient dépasser 870 millions en 2012, soit une forte baisse par rapport à 2011, année de l'opération Harmattan. Pour 2013, 630 millions sont inscrits au titre des OPEX. Cette dotation sera sans doute plus proche des surcoûts effectifs, mais le coût des opérations logistiques accompagnant le retrait d'Afghanistan reste difficile à évaluer, car on ignore encore par quel chemin s'effectuera le retour des armes. En outre, il y a tant de points de tension dans le monde qu'il serait hasardeux d'anticiper une baisse durable du volume et des surcoûts des OPEX.

Si 2011 a permis d'atteindre, voire de dépasser la plupart des objectifs relatifs à l'entraînement des forces définis par la LPM, du fait de la sollicitation des armées en opérations, 2012 et 2013 seront moins favorables. On doit pourtant garder à l'esprit que la technicité des missions et des appareils impose un entraînement soutenu des personnels, ne serait-ce qu'en termes de sécurité.

L'entretien des matériels est un enjeu opérationnel et financier. Un rapport chiffre à 5,5 milliards en 2010 les moyens consacrés à la maintenance des matériels militaires, et prévoit une hausse de 9 % d'ici à 2014. Les équipements vieillissent en effet et requièrent un important effort de maintenance, l'âge moyen des hélicoptères Puma étant de trente-huit ans et celui des Gazelle vingt-neuf.

En matière de soutien, le ministère de la Défense a mené plusieurs réformes depuis 2008.

Celle qui a conduit à la mise en place des bases de défense, dont l'objectif est de mutualiser les fonctions d'administration et de soutien, a été lancée en 2009 et accélérée par rapport au calendrier initial. Le soutien aux forces s'articule aujourd'hui autour de soixante bases de taille très variable. Comme j'ai pu le constater moi-même, il s'agit d'un bouleversement de l'organisation des armées, notamment pour l'armée de terre, accompagné d'une baisse des effectifs. Il est sans doute trop tôt pour en dresser le bilan, mais il nous faudra veiller à ce que ce processus n'affecte pas la cohésion des personnels en provoquant notamment une dichotomie trop forte entre les personnels chargés du soutien et les personnels opérationnels.

Par ailleurs, la réforme de la carte militaire a entraîné d'importants travaux d'infrastructures destinés à faire face à la densification des implantations ou à accompagner la cession d'emprises. La loi de programmation militaire évaluait le produit de ces cessions à plus de 2 milliards d'euros. Cette prévision était sans doute trop optimiste, bon nombre de cessions se faisant à l'euro symbolique pour faciliter, au plan local, la transformation ou l'aménagement des emprises laissées par le ministère. En outre, la cession des emprises parisiennes, dont la valeur est a priori plus grande et qui devaient fournir une part importante des recettes attendues, a pris du retard car elle est tributaire du regroupement des administrations centrales à Balard.

S'agissant de ce chantier, les travaux ont débuté en mars dernier, avec quelques mois de retard sur le calendrier prévu. Le transfert des personnels doit intervenir entre l'automne 2014 et le printemps 2015. Certaines contraintes juridiques pèsent néanmoins sur le déroulement du projet. Le recours déposé en avril dernier par la mairie de Paris a provoqué l'interruption des travaux dans la « corne ouest » du chantier. L'enjeu : un dépôt de bus de la RATP situé rue de la Croix-Nivert, que la ville souhaite déplacer à Balard pour construire des logements sur l'emplacement actuel. Des négociations sont en cours entre le ministère de la Défense, la mairie de Paris et la RATP. Une issue rapide est importante pour le financement et l'équilibre global du projet.

En conclusion, le budget de la défense est relativement préservé. Le ministère participe aux efforts d'économie dans l'attente de la loi de programmation militaire qui découlera du Livre blanc en cours d'élaboration. Il faut définir une ligne réaliste, un cap clair et lisible pour les militaires, tant du point de vue de la trajectoire budgétaire que de celui des contrats opérationnels et des missions qui leur sont assignées. Des projections budgétaires trop optimistes ou des contrats opérationnels trop ambitieux ne pourraient conduire qu'à de nouvelles révisions affaiblissant aussi bien la lisibilité de notre politique que le moral des troupes.

J'invite donc la Commission à adopter les crédits de la mission Défense.

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