Nous aurions pu déposer un grand nombre d'amendements en raison du décalage de programmes majeurs, tels que la rénovation du Mirage 2000, risquant à terme, de remettre en cause le format de notre armée de l'air, de même que le programme Scorpion pour la modernisation de l'armée de terre. Mais le Livre blanc devant clarifier la situation, je n'ai finalement retenu qu'un seul amendement, du fait de son caractère stratégique et parce qu'il dépasse les enjeux propres à une seule arme, comme également les clivages politiques.
Cet amendement vise à permettre le lancement d'un programme de missiles anti-navires légers (ANL), spécialement destiné à lutter contre la piraterie. Aujourd'hui, l'armée n'a guère le choix qu'entre la mitrailleuse et le missile Exocet, lequel détruit complètement le navire touché. Il faudrait donc disposer d'un missile intermédiaire permettant de neutraliser la cible, sans dégâts collatéraux.
Le projet a été mené dans le cadre du rapprochement franco-britannique. L'ancien et l'actuel Président de la République ont tous deux insisté sur l'importance de l'Europe de la défense, qui doit se traduire par des partenariats avec l'Allemagne et le Royaume-Uni, ce dernier pays accomplissant aujourd'hui l'effort de défense le plus important. À ce titre, une douzaine de programmes avait été initialement envisagée. Or nous nous limitons aujourd'hui, d'une part, à une coopération nucléaire efficace, qui permettra d'économiser quelques centaines de millions d'euros ; d'autre part, à un projet à moyen terme sur les drones. Et rien d'autre. Le discours initial n'a donc été que très partiellement suivi dans la réalité. Après l'échec de la fusion entre European Aeronautic Defence and Space (EADS) et British Aerospace (BAE), la tentation des Anglais de se tourner vers l'autre côté de Atlantique est de nouveau très forte. Il me paraît donc souhaitable de donner un signal de bonne volonté en faveur de la collaboration franco-britannique. Si nous renoncions au programme ANL, nous n'aurions plus aucun programme à inscrire dans ce cadre.
Bien que les chefs d'état-major estiment le programme nécessaire, une option consisterait à attendre deux ou trois ans pour le développer, mais cela doublerait son coût. Et si nous n'avançons pas dans l'année qui vient, les Britanniques n'ont pas caché qu'ils chercheraient une alternative avec les États-Unis. La vertu financière rejoint donc l'intérêt diplomatique.
Le programme n'ayant pas été inscrit au budget de 2013, mon amendement vise à le réintroduire, ce qui perturbe un peu la technostructure. Nous pourrions toutefois aller ainsi dans le sens d'une meilleure maîtrise de nos programmes d'armement. En France, la Direction générale de l'armement (DGA) respecte bien sûr le code des marchés publics. Mais, au Royaume-Uni, la discussion avec les industriels s'organise de façon plus fine, ce qui autorise des baisses de coût considérables. Depuis un an, les deux partenaires, non sans quelques difficultés, ont rapproché leurs méthodes dans ce but. Enfin, sur le plan technique, la coopération franco-britannique est déjà bien avancée.
Le coût de la part française du programme, sur cinq ans, s'établit entre 35 et 40 millions d'euros par an. Je propose, pour la première année, un financement à hauteur de 10 millions d'euros en crédits de paiement comme en autorisations d'engagement. Ce montant serait prélevé, pour moitié, sur le programme 144, notamment sur les crédits de la diplomatie de défense, en hausse globale de 14 %, et qui pourraient supporter quelques économies, toutes les dépenses ne correspondant pas au besoin de rayonnement des industries françaises. Le reste pourrait provenir du budget des écoles, qui jusqu'ici n'a pas été soumis à la RGPP et dont le montant est stabilisé par le projet de loi de finances.