Intervention de Jean-Claude Fruteau

Réunion du 16 octobre 2012 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Fruteau, Rapporteur spécial :

Le transport aérien, qui a connu en 2009 et 2010 la crise la plus grave de son histoire, a renoué avec la croissance depuis 2011. L'année dernière, 2,7 milliards de passagers ont ainsi été transportés, ce qui représente une hausse de 5,6 % par rapport à 2010. Le nombre de mouvements en service régulier a atteint 30,1 millions dans le monde contre 29 millions en 2010, soit une augmentation de 3,8 %.

Mais cette croissance n'a pas été équitablement répartie. Si la plus forte hausse en trafic international, de 9,6 %, a été enregistrée par les compagnies européennes, notamment par un effet de rattrapage, cette progression témoigne essentiellement du dynamisme des transporteurs à faible coût qui ont progressé davantage que les compagnies traditionnelles. En outre, en 2012, l'Europe est distancée. Trois zones ont fortement progressé au cours du premier semestre : le Moyen Orient, de 18,4 %, l'Amérique latine, de 10,4 %, et l'Afrique, de 9,1 %. L'Asie-Pacifique enregistre une croissance de 7,4 %, l'Europe n'arrivant qu'en cinquième position, avec 6,4 %.

Le trafic intérieur français a été marqué au premier semestre de cette année par une hausse spectaculaire des lignes transversales, surtout grâce à l'action des compagnies à bas coût. Le trafic des lignes radiales, desservies principalement par Air France, recule quant à lui de 2,1 %. Pour la fin de l'année 2012 et l'exercice 2013, les observateurs anticipent un ralentissement de la croissance constatée en 2011 et début 2012, compte tenu de la conjoncture économique en Europe et des difficultés financières que rencontrent les compagnies. L'an prochain, la hausse du trafic aérien devrait être de 6 %, le Moyen-Orient étant toujours en tête – 10,2 % –, suivi de la zone Asie-Pacifique, avec 8,6 %. L'Europe devrait se contenter d'une croissance de 4,8 %, principalement tirée par les compagnies à bas coût.

Dans ce tableau mitigé, notre pays a deux motifs de satisfaction et deux sujets de préoccupation.

La situation d'EADS en général et d'Airbus en particulier est réjouissante. Même si EADS n'a pas réussi à s'allier avec le britannique BAE Systems, le groupe reste l'un des principaux acteurs mondiaux dans son domaine. L'avionneur Airbus, dont le dynamisme reste entier, représente les deux tiers de son chiffre d'affaires. La société dispose d'un carnet de commandes de 541 milliards d'euros, soit l'équivalent de six années de production ! Après avoir inauguré il y a quelques années une usine d'assemblage en Chine, le groupe s'est lancé dans la construction d'un autre site d'assemblage à Mobile, aux États-Unis. Ces deux usines ont pour l'instant vocation à ne construire que des A320 destinés aux marchés locaux, en pleine expansion.

Le second motif de satisfaction est la société Aéroport de Paris – ADP –, société publique qui gère les plateformes de Roissy et Orly. En 2011, le trafic de passagers des aéroports parisiens a augmenté de 5,7 %, s'établissant à 88,1 millions de personnes, et ADP a enregistré une croissance de son chiffre d'affaires consolidé de 0,9 %, grâce à la forte progression des revenus issus des commerces et services. Au premier semestre 2012, le trafic de passagers a augmenté de 3,7 % par rapport au premier trimestre 2011.

Les revenus des commerces et services ont progressé de 9 % grâce aux activités commerciales, qui ont connu une hausse de 11,4 %. ADP possède un important patrimoine foncier et la mise sur le marché de nouvelles locations a permis au chiffre d'affaires de ce secteur d'augmenter de 5,1 % en 2011. ADP ne reçoit aucune subvention publique ; au contraire, elle verse chaque année des dividendes à ses actionnaires dont le principal, l'État, possède 54 % des actions.

En revanche, la situation de la compagnie aérienne nationale, Air France, est préoccupante. En 2011, malgré un trafic en hausse de 6,9 % par rapport à 2010 et un chiffre d'affaires consolidé en progression de 4,5 %, le résultat d'exploitation a affiché une perte de 353 millions d'euros, les charges ayant augmenté plus vite que les recettes. Le carburant, principal poste de dépenses, a enregistré une hausse de 16,3 %, sous l'effet combiné d'une hausse des volumes consommés et d'un taux de change défavorable. Le même scénario semble se reproduire en 2012. Au premier semestre, le trafic de passagers a augmenté de 3,9 % et le chiffre d'affaires de 5,2 %, mais les charges externes ont crû de 6,6 %, principalement en raison de la hausse continue des carburants, si bien que le résultat d'exploitation est négatif de 663 millions d'euros, creusant un peu plus l'endettement du groupe.

Dans ce sombre tableau, il y a toutefois deux lueurs d'espoir. D'une part, le plan Transform 2015, qui doit procurer en deux ans des gains de productivité de l'ordre de 20 %. Même si l'accord n'a été signé qu'avec le Syndicat national des pilotes de ligne, les négociations ne sont pas rompues avec les représentants des autres catégories de personnel. D'autre part, il faut noter la bonne santé de la filiale à bas coût récemment créée par Air France, Transavia, dont les lignes, en concurrence directe avec Ryanair et Easyjet, sont complémentaires de celles de la maison mère.

Le second sujet de préoccupation concerne le différend qui oppose l'Union européenne au reste du monde au sujet de l'intégration, depuis cette année, des activités aériennes dans le système européen d'échange de quotas. La plupart des grands pays non européens se sont déclarés opposés à ce système, la Chine interdisant même à ses compagnies de s'acquitter de leurs obligations. Des mesures de rétorsion prises par certains pays menacent les intérêts européens. Ainsi la Chine a-t-elle décidé de ne plus acheter les avions d'Airbus susceptibles d'atteindre le continent européen, c'est-à-dire les avions long-courriers. L'achat de 45 A 330 est déjà gelé et la perspective de vendre des A 380, pourtant taillés pour le marché chinois en pleine croissance, s'éloigne. En revanche, Boeing enregistre une hausse significative de ses ventes dans ce pays depuis quelques mois.

Tout en continuant de soutenir la directive européenne et les principes qui la sous-tendent, notre Assemblée devrait donc appeler les parties à trouver un compromis politique dès que possible, car la situation actuelle n'est satisfaisante pour personne.

J'en viens au budget annexe Contrôle et exploitation aériens, qui s'inscrit dans un contexte de maîtrise de la dépense publique. L'année 2013 sera marquée par un nouveau déficit d'exploitation de la Direction générale de l'aviation civile, estimé à 21,7 millions d'euros. Toutefois, à compter de 2014, le budget annexe devrait dégager une marge d'autofinancement de 10 millions d'euros. Pour parvenir à ce résultat, la DGAC va devoir réduire ses dépenses. En 2013, l'effort de diminution des effectifs s'élèvera à 100 équivalents temps plein, ce qui permettra de ralentir la hausse des dépenses de personnel à défaut de les stabiliser. Les dépenses de fonctionnement diminueront, passant de 158 millions d'euros en 2012 à 155 millions d'euros en 2013. Mais les deux tiers des dépenses de fonctionnement sont considérés comme des dépenses opérationnelles liées à la sécurité, en particulier dans le domaine de la navigation aérienne ; elles sont donc très sensibles.

Les dépenses liées aux organismes extérieurs seront également maîtrisées, en particulier la subvention versée à l'École nationale de l'aviation civile – ENAC –, fixée à 99 millions d'euros pour les exercices 2013, 2014 et 2015 alors qu'elle s'élevait à 101 millions en 2012.

Si ces prévisions sont respectées, le niveau d'endettement pourrait enfin se stabiliser. En 2012, le recours à l'emprunt est resté conséquent, s'établissant à hauteur de 250 millions d'euros pour un remboursement annuel de 197 millions. Au 31 décembre, l'encours des emprunts du budget annexe s'élèvera à 1,214 milliard d'euros, ce qui constitue un niveau record, hélas voué à être encore dépassé.

L'autorisation d'emprunt demandée dans le projet de loi de finances pour 2013 s'élève à 251 millions d'euros, ce qui portera l'encours en fin d'exercice à 1,242 milliard. Le projet de budget triennal prévoyant le début de la décroissance de la dette en 2015, le pic d'endettement devrait être atteint fin 2014, avec un encours « historique » de 1,248 milliard d'euros.

J'en viens au programme 170 « Météorologie », inscrit dans la mission « Écologie, développement et aménagement durables » en vue de financer la subvention pour charges de service public perçue par l'établissement public administratif Météo-France, seul opérateur du programme. Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2013 s'établissent à 215,7 millions d'euros en crédits de paiement comme en autorisations d'engagement. Cela représente une augmentation de près de 9 millions par rapport à 2012, soit 4,3 %.

Si la subvention publique constitue la principale recette de Météo-France, elle n'est pas exclusive. Les recettes commerciales, stabilisées au cours des dernières années autour de 40 millions, pourraient cependant enregistrer une baisse dans les prochaines années, en raison de la désaffection du grand public pour les services météorologiques payants.

En outre, Météo-France bénéficiera en 2013 de la redevance de navigation aérienne, stabilisée à hauteur de 87,3 millions d'euros. En effet, en vertu d'un accord passé avec la DGAC, cette redevance est versée à l'établissement en rétribution des services spécifiques rendus en matière de transport aérien. Enfin, la subvention reçue au titre du programme 193 « Recherche spatiale pour la contribution de la France à l'organisation internationale EUMETSAT » devrait s'élever à 30,7 millions.

Ces crédits permettront à Météo-France de poursuivre l'année prochaine la réorganisation de son réseau territorial, engagée il y a deux ans avec l'objectif de réduire de 108 à 55 le nombre de ses implantations dans l'Hexagone. L'organisation mise en place en 1982 est devenue obsolète, compte tenu de l'évolution des technologies. Parallèlement, Météo-France poursuivra la « déflation » de ses effectifs, pour passer de 3 400 à 3 000 agents. À titre de comparaison, il faut savoir qu'en Allemagne et au Royaume-Uni, les effectifs s'établissement respectivement à 2 300 et 1 800 agents, même si ce type de rapprochement trouve ses limites dans les différences de situations locales. Il n'en reste pas moins que les effectifs de Météo-France se situent à un tout autre niveau.

Enfin, au titre de l'investissement, Météo-France va poursuivre le renouvellement de ses radars. Certains sont vieux de trente ans et leur entretien est devenu délicat, au point que les ingénieurs de l'établissement doivent parfois usiner eux-mêmes les pièces de rechange devenues indisponibles.

L'ensemble des éléments que je viens de présenter me conduisent à proposer sans réserve l'adoption du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et du programme « Météorologie ».

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