Intervention de Annick Girardin

Séance en hémicycle du 17 octobre 2012 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 - projet de loi de finances pour 2013

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Girardin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, cette année, le traditionnel marathon budgétaire est particulièrement intense, année de transition politique oblige. Collectif budgétaire en juillet, nombreux débats budgétaires, TSCG puis loi organique, loi de finances et loi de programmation, désormais, tous ces textes vont redessiner le paysage fiscal et budgétaire du pays et l'orienter vers plus de justice fiscale et de sérieux budgétaire.

Le projet de loi de finances que nous examinons ne laisse personne indifférent tant la rupture avec la politique menée par les gouvernements précédents est réelle. Depuis hier j'ai d'ailleurs pu constater l'intensité de nos premiers échanges.

L'augmentation des recettes fiscales cristallise les discussions depuis plusieurs semaines et se retrouve au coeur de toutes les interventions. Ces hausses d'impôt sont nécessaires et utiles, puisqu'elles permettront de rétablir la progressivité de notre système fiscal, progressivité à laquelle les radicaux, vous le savez, monsieur le ministre, sont très attachés.

Le rapport budgétaire pointe parfaitement cette dégressivité de notre système fiscal devenue très préoccupante. Avec les réformes menées depuis plusieurs années, les particuliers très aisés, notamment au sein du dernier centile, paient moins d'impôts en proportion de leurs revenus que le reste de la population : plus les revenus sont importants, moins ils sont taxés. La progressivité de l'imposition des personnes est pourtant érigée en principe constitutionnel depuis 1993. Pour les radicaux de gauche, la progressivité de notre système fiscal est le fondement même de la justice fiscale. Il est donc absolument nécessaire et urgent de mettre fin à cette course à la réduction d'impôt pour les plus riches, menée par de nombreux gouvernements libéraux depuis l'ère Reagan-Thatcher.

De plus, en renforçant la justice fiscale, nous favorisons le consentement à l'impôt : chacun acceptera de prendre sa part au nécessaire effort de redressement des comptes si aucune catégorie n'apparaît comme mieux traitée. Et aucune catégorie n'a été privilégiée dans le projet de loi de finances, contrairement à ce que prétend l'opposition.

Dans ce budget, trois mesures qui renforcent la progressivité du système méritent un commentaire.

La première est la taxe au taux marginal de 75 % sur les revenus dépassant 1 million d'euros par an, qui concernera évidemment les très riches. Cette taxe est avant tout un symbole pour combattre ce que certains économistes appellent « le triomphe de la cupidité ». Les plus aisés doivent davantage contribuer à la solidarité nationale, et cela d'autant plus que la France leur a permis de devenir immensément riches. Cette taxe, temporaire, n'a rien de confiscatoire car elle ne s'applique que sur les revenus supérieurs à 1 million d'euros et n'empêchera pas ceux qui la payent de vivre très convenablement.

La deuxième mesure, que les radicaux demandent depuis longtemps, est la création d'une tranche supérieure de l'impôt sur le revenu de 45 % au-delà de 150 000 euros par part. Cette mesure est une traduction de la solidarité nationale qui implique une justice fiscale. Elle ne s'appliquera qu'à 50 000 contribuables. Autant dire qu'elle est loin de concerner les classes moyennes si âprement défendues par nos collègues de droite.

La troisième mesure est le retour du barème de l'ISF en vigueur avant l'allégement de 2 milliards d'euros voté en 2011. Cette mesure est nécessaire, mais je m'interroge toujours sur le seuil d'entrée qui est passé de 800 000 euros à 1,3 million d'euros en 2011. Pourquoi est-il aujourd'hui maintenu à 1,3 million d'euros ?

Du fait de ces nouvelles dispositions, il serait utile que le Gouvernement nous transmette des projections sur le rétablissement de la progressivité du système fiscal. Qu'en sera-t-il notamment au sein du dernier centile ? Et qu'en sera-t-il dès lors que la taxe temporaire sur les revenus supérieurs à 1 million d'euros n'existera plus ?

En privilégiant l'imposition directe plutôt que la taxation indirecte, en dégageant 30 milliards d'euros dont 20 milliards de recettes nouvelles, c'est le rétablissement de nos finances publiques qui est en cours, c'est le redressement de la France !

Côté dépense publique, l'effort de redressement est de 10 milliards d'euros. En commission des finances, j'ai déjà fait part de mes inquiétudes sur le fait de ponctionner 10 milliards d'euros sur l'économie. Alors que la croissance ralentit et qu'une croissance quasiment nulle se profile pour 2013, décider de réduire la dépense publique est risqué : 10 milliards de baisse de la dépense publique, plus 20 milliards de hausses d'impôt, c'est 30 milliards en moins dans le circuit économique, soit près d'un point et demi de PIB.

Dans une logique keynésienne de relance contra-cyclique, lorsque la croissance n'est pas au rendez-vous, il faut la stimuler par une hausse des dépenses publiques. Mais, dans le même temps, il est impératif de respecter un objectif : celui de la limite de 3 % de déficit en 2013. C'est un véritable dilemme : la croissance est nécessaire à la réduction du déficit, mais relancer la croissance via la dépense publique creuse notre déficit. L'équation doit être subtile.

Néanmoins, deux raisons m'incitent à l'optimisme.

Premièrement, ce redressement budgétaire rassurera les marchés financiers quant à la volonté du Gouvernement de rétablir l'équilibre de nos finances publiques. Le coût du financement de notre dette sera donc moindre, facilitant ainsi le respect du critère des 3 % de déficit. Grâce à ce sérieux budgétaire, la France devrait échapper au cercle vicieux – renchérissement du financement de la dette et accroissement du déficit budgétaire – que connaissent nombre de pays européens. Ce budget est également un nouveau message de sérieux et de respect à l'égard de nos partenaires européens, après l'adoption, la semaine dernière, du TSCG, que les radicaux de gauche ont tous voté.

Deuxièmement, ces 30 milliards d'euros de redressement ciblent davantage l'épargne des plus riches que la consommation des plus nombreux. La consommation des ménages, moteur de la croissance française, est donc préservée.

Nombre d'orateurs m'ayant précédée à la tribune ont dénoncé le fait que ce budget était bâti sur une prévision de croissance de 0,8 %. En effet, comme chacun sait, si la croissance est moindre, nos rentrées fiscales seront mécaniquement moindres, donc la limite de 3 % de déficit sera dépassée. C'est un scénario possible, mais, s'il se réalisait, il serait inutile d'empiler les plans d'austérité, mortifères pour la croissance et, par ricochet, pour le solde budgétaire. Ne tombons pas dans le cercle vicieux de la dépression économique. Pour éviter cela, il faut simultanément restaurer rapidement la compétitivité de nos entreprises, préserver, bien entendu, les dispositifs spécifiques aux PME inclus dans le projet de budget et débattre rapidement d'une stratégie de croissance.

Nous examinons simultanément le projet de programmation des finances publiques 2013-2017. Pour le groupe RRDP, ce n'est pas le déficit budgétaire de 2013 qui compte, mais c'est la trajectoire de retour à l'équilibre en 2017. Le TSCG et la loi organique offrent la possibilité, en cas de circonstances économiques inhabituelles, de s'écarter provisoirement de notre objectif de moyen terme. Si tel devait être le cas en 2013, cela ne remettrait absolument pas en cause la trajectoire de retour à l'équilibre pour 2017, puisque les mesures structurelles pour y parvenir auront été adoptées. Mais restons optimistes et gardons le cap que vient de fixer le Gouvernement.

Les efforts demandés en 2013 sont, certes, importants, mais ce budget est un passage obligé sur la voie du rétablissement de l'équilibre de nos finances publiques. Éponger les 600 milliards de dettes supplémentaires créées entre 2007 et 2012 est nécessaire pour se tourner vers l'avenir avec espoir. Puisqu'il est rigoureux, ce budget redonnera une capacité d'action à long terme et permettra, demain, de soutenir les secteurs d'avenir et l'excellence de nos filières. Contrairement à ce que certains laissent entendre, il est donc résolument optimiste : il trace une feuille de route pour les cinq années à venir vers plus de croissance, de développement économique et de réindustrialisation. C'est un point de départ, certes ambitieux, qui nous permettra de relever les grands défis qui nous attendent, qui attend la France tout entière.

Le groupe RRDP votera donc le projet de loi de programmation des finances publiques et le projet de loi finances pour 2013, car c'est un projet de budget courageux, juste et équilibré, compte tenu de l'état dans lequel nos prédécesseurs ont laissé les finances publiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

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