Intervention de Jean-Michel Clément

Séance en hémicycle du 17 octobre 2012 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 - projet de loi de finances pour 2013

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis hier nous n'entendons dans cette discussion générale, que surenchères, excès en tous genres, raccourcis annonciateurs des pires desseins.

Nous serions responsables de ces hausses présentées comme confiscatoires, alors même que nombre d'entre elles, qui n'ont rien de tel, n'ont pour effet que de corriger les injustices des budgets précédents. Il faut rappeler à chacun ses responsabilités, et assumer ses choix politiques. C'est ce que nous faisons, mais c'est ce que la majorité d'hier fait semblant d'oublier.

Dans la hausse des prélèvements obligatoires, il y a la part liée à l'évolution de l'économie et celle liée au vote du Parlement. Et la remontée du taux des prélèvements obligatoires en pourcentage du produit intérieur brut est très largement liée à des mesures prises par les gouvernements précédents.

Rappelons que les hausses d'impôts ont représenté 16 milliards d'euros en 2011 – et même 22 milliards si l'on intègre le contrecoup de la réforme de la taxe professionnelle et l'arrêt des mesures de relance.

L'examen détaillé des mesures permet aussi de chiffrer l'impact des hausses d'impôts votées par le gouvernement précédent en fin de législature – budget 2011, plans de rigueur Fillon 1 et Fillon 2. Ces hausses d'impôts représentent près de 30 milliards d'euros : les 16 milliards de 2011 – coup de rabot sur les allégements de charges, taxes sur les assurances, fin de la TVA réduite sur les offres triple play, entre autres – auxquels s'ajoutent les 13,4 milliards de hausses effectives en 2012 – TVA à 7 %, gel du barème de l'impôt sur le revenu, hausse des cotisations sur les revenus du capital…

À chacun ses responsabilités. Les nôtres, nous les assumons à travers ce budget, qui marque un véritable effort dans le contexte de crise que nous connaissons. Mais cet effort est marqué du sceau de la justice : contrairement aux budgets précédents, chacun contribuera en fonction de ses moyens.

Pour ma part, je voudrais m'arrêter sur deux points qui m'apparaissent essentiels : l'acceptabilité de l'impôt par nos concitoyens et l'injustice trop grande encore de notre système fiscal actuel.

Nos compatriotes ne savent plus guère ce qu'ils paient ni pourquoi, à tel point que certains ont su, en leur temps, les prendre à témoin pour se faire élire sur des mesures qui, en fait, ont profité à d'autres, les plus favorisés : rappelons-nous la hausse des abattements sur les droits de succession, miroir déformant pour des contribuables qui n'en auront jamais à payer ! Rappelons-nous aussi la déduction des frais financiers sur les prêts immobiliers pour l'acquisition de son habitation principale, restée dans les oubliettes.

Mais, plus grave encore, ce sentiment d'incompréhension alimente petit à petit le refus de l'impôt et répand le sentiment que chacun contribue plus que son voisin.

Ceux qui se sentent plus visés que d'autres, dans le débat actuel, sont souvent ceux qui profitent justement de tous les mécanismes fiscaux : report ou sursis d'imposition, étalement de l'impôt ou crédit d'impôt, imputation de déficit de certains revenus sur d'autres, exonération sous condition de réemploi…

Et pourtant, je reprendrai bien ici l'expression de Thomas Piketty qui constate qu'au final 10 % des contribuables fixent eux-mêmes l'impôt qu'ils doivent payer : les véritables pigeons, ce sont les autres.

La complexité actuelle de notre système fiscal conduit à ce que les plus riches peuvent largement s'inscrire dans toutes les catégories de revenus et profiter de tous les mécanismes favorables, réservés au départ seulement à ceux qui ne disposent que d'une catégorie de revenus particuliers.

Nous le savons bien, la meilleure optimisation fiscale est celle qui consiste à disposer de toutes les sources possibles de revenus. C'est pour cela que la première des mesures à prendre était bien d'aligner la fiscalité des revenus du capital sur ceux du travail.

Parce qu'au surplus, nombre de nos concitoyens ne peuvent compter que sur le revenu de leur propre travail et seront, eux, toujours privés des avantages fiscaux que d'autres vont s'ingénier à optimiser. Mais « si nul n'est censé payer plus d'impôt qu'il ne doit », pour reprendre les propos du professeur Cozian, « l'ingénierie fiscale ne saurait devenir un métier profitable. »

Alors oui, il nous fallait un budget de justice pour accompagner les efforts demandés aux Français.

Il nous en faudra d'autres animés du même esprit pour faire de la fiscalité l'outil de redistribution qu'elle se doit d'être et rendre acceptable l'impôt pour lui redonner tout son sens : l'équité et la progressivité constituent les deux piliers de cette acceptation, parce qu'au final, il s'agit avant tout de démocratie. Sans impôts, il ne peut exister de destin commun et de capacité collective à agir. Il en a toujours été ainsi pour nous et c'est ce que nous commençons à faire avec ce budget, grâce à la détermination du Gouvernement et à la vôtre, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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