Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des finances, parce qu'à travers lui un gouvernement français affronte pour la première fois depuis longtemps et sans équivoque la question lancinante des déficits publics, le présent projet de loi de finances restera dans l'histoire, une fois passées les passions du moment, comme un budget courageux.
Mais si cette question de la rigueur budgétaire retient l'attention, elle n'occultera pas l'autre trait majeur de ce premier budget du quinquennat de François Hollande : le retour qu'il initie à une certaine justice fiscale.
Tout le monde connaît, dans cette assemblée, le diagnostic sans appel qu'il convient, hélas, de porter sur la fiscalité française : la destruction organisée depuis des années de l'impôt sur le revenu, jointe au poids des cotisations proportionnelles et des impôts sur la consommation, a conduit à ce fait scandaleux que, dans la France du XIXe siècle, les taux effectifs d'imposition supportés par les couches modestes sont supérieurs à ceux des couches aisées.
Tout le monde sait aussi que les multiples niches fiscales inventées à tour de bras entre 2002 et 2012 ont aggravé cet état de fait.
Tout le monde voit ou devrait voir, dans cette assemblée, à quel point cette situation contredit lamentablement le principe fondamental posé par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 selon lequel chacun doit payer l'impôt à proportion de ses facultés contributives.
Dans ce contexte, il était essentiel que le prélèvement supplémentaire de 20 milliards d'euros demandé en 2013 aux entreprises et aux familles françaises soit concentré sur les plus aisées d'entre elles, sur celles qui ont les meilleures facultés contributives. Même si l'opposition tente d'exploiter, non sans démagogie, l'appréhension que chaque Français peut naturellement avoir, dans cette période de crise, d'être mis à contribution, l'examen attentif de votre texte montre, monsieur le ministre délégué, que ce projet a au contraire l'immense mérite de bien respecter cette prescription fondamentale de justice inscrite dans notre Constitution.
À travers l'instauration d'un taux marginal de l'impôt sur le revenu à 45 %, l'instauration de la taxe exceptionnelle de 75 %, les nouveaux plafonnements du quotient familial et des avantages fiscaux, le rétablissement de l'ISF, mais aussi l'augmentation de la décote pour compenser le gel du barème pour les deux premières tranches, vous nous proposez bel et bien un système qui, à la faveur de l'effort général demandé au pays, accroît la progressivité de l'impôt sur les ménages.
Mais si votre projet emporte toute notre adhésion, c'est aussi parce qu'au-delà de cette notion conjoncturelle d'effort fiscal, il pose, au passage, les premiers jalons d'une réforme structurelle.
Il faut saluer, de ce point de vue, l'alignement des revenus du capital sur ceux du travail, qui est l'innovation la plus substantielle de cette loi de finances pour 2013 et qui met fin à une vieille anomalie dépourvue de toute justification. Comme vous l'avez fort justement indiqué il y a quelques jours sur un plateau de télévision, l'harmonisation des assiettes ainsi réalisée cette année constitue un préalable incontournable pour pouvoir envisager à terme la mise en place en France d'un impôt personnel réellement progressif.
Permettez à un nouveau parlementaire de votre majorité d'exprimer devant vous son sentiment que la question fiscale sera cruciale dans le rapport de confiance que votre gouvernement nouera avec le pays sur la durée d'un mandat qui ne fait en réalité que commencer.
Elle sera cruciale, en premier lieu parce que les Français veulent de la justice sociale et que, contrairement à l'impression qu'on peut parfois avoir en observant diverses réactions, ils sont prêts à accepter des mouvements importants de la fiscalité dès lors que ceux-ci sont équitables et qu'ils font sens, et, en second lieu, parce que les couches populaires et moyennes de notre pays, qui ne vivent que de leur travail, attendent et espèrent de votre action l'amélioration nécessaire de leur pouvoir d'achat et que le Gouvernement aurait tort de se priver, pour peu qu'il retrouve des marges de manoeuvre suffisantes, de l'outil de la redistribution fiscale pour répondre à cet enjeu majeur.
Je vous remercie donc, monsieur le ministre, pour l'audace réformatrice dont vous avez déjà fait preuve à travers ce budget, et puisse le soutien sans faille de votre majorité vous encourager… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)