Intervention de Bruno Le Roux

Séance en hémicycle du 3 juillet 2012 à 15h00
Déclaration de politique générale du gouvernement débat et vote sur cette déclaration — Déclaration de politique générale du gouvernement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Le Roux :

Le chemin est loin d'être terminé. Nous devons accroître la pression pour l'instauration d'une taxe ambitieuse sur les transactions financières. D'autres grands chantiers devront encore être ouverts, et nous attendons, monsieur le Premier ministre, que vous puissiez pleinement nous mobiliser sur cette question.

Il n'y aura pas de réponse à la crise sans l'Europe ou contre l'Europe, mais c'est d'une Europe solidaire et non réduite à la concurrence entre les États que nous avons besoin. L'harmonisation européenne que nous appelons de nos voeux est pour nous un projet d'intégration solidaire.

Si nous souscrivons aux mesures d'urgence qui ont été adoptées et à la réorientation des politiques européennes, soyez assuré de la vigilance de notre majorité pour que l'approfondissement de la construction européenne ne se réduise pas au contrôle des budgets en vue de dessaisir les parlements nationaux de leur pouvoir en matière budgétaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Nous sommes ici l'expression de la volonté générale. C'est donc en son nom que nous travaillerons à vos côtés pour faire de l'Union européenne un acteur engagé fermement pour le progrès de tous les Européens.

Nous devons donc répondre à la crise et, surtout, vous l'avez souligné, y répondre dans la justice car il y a plus insupportable encore que la crise elle-même, c'est le sentiment que certains ont été totalement épargnés des efforts nécessaires au redressement et, pire même, qu'ils ont bénéficié en toute injustice pendant ces cinq dernières années des politiques, notamment fiscales, menées par nos prédécesseurs.

Alors nous vous soutiendrons, monsieur le Premier ministre, lorsque les dépositaires des privilèges de quelques-uns viendront agiter des peurs d'un autre temps pour nous dissuader de voter la réforme fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs sur les bancs des groupes GDR, écologiste et RRDP.) Oui, nous vous soutiendrons à ces moments où ils brandiront les avantages qu'ils avaient obtenus durant ces cinq dernières années.

Quelle est-elle, cette réforme fiscale, sinon le rétablissement de la justice face à l'impôt, sans laquelle aucun effort ne sera consenti par les Français ? Quelle est-elle, sinon le contre-symbole de cinq années d'inefficacité et d'iniquité fiscale ? Quelle est-elle, enfin, sinon la condition de la réussite du redressement dans la justice ?

Nous attendons votre projet de loi de finances rectificative et nous serons heureux d'abroger l'augmentation inique de la TVA imposée par vos prédécesseurs, qui allait priver les Français de 13 milliards d'euros par an.

Oui, la dette est l'ennemie de la gauche, parce qu'il n'y a pas de grandeur, pas de souveraineté, pas d'égalité dans la servitude financière. Oui, nous ramènerons les comptes à l'équilibre avec vous, parce que restaurer les finances de l'État est la condition sine qua non pour restaurer son autorité et son exemplarité. Oui, nous ferons avec vous le ménage dans les dépenses et les recettes, parce que le clientélisme et le saupoudrage ont corrompu depuis trop longtemps l'esprit public.

Cet engagement, nous l'avons pris avec vous durant la campagne. Nous avons inscrit nos engagements dans le respect des équilibres budgétaires. Nous avons anticipé la baisse de la croissance et des recettes. Rien n'a été caché, tout a été mis sur la table, mais nous avons dit avec la même force, et vous l'avez confirmé aujourd'hui, que l'effort serait justement réparti, que les classes populaires et les classes moyennes, qui, depuis dix ans, ont porté tout le poids de la crise, seraient préservées demain des sacrifices injustes qui leur ont été demandés durant plusieurs années.

La justice, ce sera notre règle d'or. C'est notre réponse à ceux qui croient nous enfermer dans l'impasse de l'austérité. Tenir nos engagements, respecter la parole donnée, c'est l'exigence que nous devons aux Français. La réforme fiscale, nous la ferons, avec vous. La négociation salariale, nous l'accompagnerons, avec vous. Les contrats de génération et les emplois d'avenir, nous les mettrons en place avec vous. La transition écologique, nous en débattrons avec vous. C'est cela aussi, le changement, rendre à la France la maîtrise de ses choix et rendre aux Français la maîtrise de leur vie.

Redresser le pays, c'est la tâche qui nous incombe, mais le redressement n'aura pas lieu sans rassemblement, et nous devons tous y prendre notre part. C'est ce à quoi nous invitons les Français, à un compromis historique entre l'État, le monde du travail et la société sur les réformes à entreprendre. Là où le précédent Président de la République se croyait le sauveur suprême, nous proposons de construire un pacte de responsabilité avec les Français, un pacte qui leur rende confiance en eux-mêmes et en leurs possibilités.

C'est le sens de votre démarche, monsieur le Premier ministre, fédérer le pays, transcender ses différences dans une entreprise commune, refonder l'esprit de justice et de répartition équitable.

La feuille de route, votre feuille de route, c'est le respect des engagements. La méthode, c'est le dialogue avec tous les corps de la société. La finalité, c'est de remettre la République en concordance avec elle-même et ses valeurs.

La République ne peut se satisfaire que l'on monte les Français les uns contre les autres, les assistés contre les tenants du vrai travail, les fonctionnaires contre les salariés du privé, les jeunes contre les plus anciens, les tenants d'une religion contre ceux d'une autre religion, que les immigrés soient désignés comme responsables de tous les maux de notre société. Nous devons avec vous réconcilier la France.

Rassembler la France, c'est aussi lutter sans concessions contre les discriminations et ouvrir de nouveaux droits. Vous aurez, mesdames, messieurs les ministres, chacun dans ses responsabilités, à lutter contre tous les types de délits de faciès, notamment dans l'accès à l'emploi et au logement. Dans votre lutte sans relâche contre toutes ces discriminations, contre le racisme, l'antisémitisme, vous pouvez compter sur l'engagement sans faille de toute votre majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, sur de nombreux bancs des groupes RRDP et écologiste et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Nous porterons enfin avec vous, monsieur le Premier ministre, l'ouverture de nouveaux droits.

Pour un parlementaire de votre majorité, il va de soi que deux individus puissent, quel que soit leur sexe, s'unir et élever des enfants. C'est pourquoi, et il est temps, nous voterons le droit au mariage et à l'adoption pour tous les couples. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP, sur de nombreux bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Pour les parlementaires de votre majorité, il va de soi que des gens qui vivent, travaillent en toute légalité et depuis longtemps sur notre sol sans pour autant disposer de la nationalité française, qui paient des impôts puissent désigner leurs conseillers municipaux. C'est pourquoi, et il est temps, nous voterons le droit de vote des étrangers aux élections locales. (Mêmes mouvements. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Pour un parlementaire socialiste, républicain et citoyen, il va de soi qu'entre un homme et une femme, à travail et à compétences égales, la rémunération doive être identique. C'est pourquoi, et il est temps, nous voterons toutes les dispositions nécessaires pour enfin faire respecter l'égalité salariale dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP, écologiste et GDR.)

Monsieur le Premier ministre, sur toutes ces réformes de société, nous serons animés par l'esprit de rassemblement, et c'est dans ce même esprit que nous voulons conduire avec vous les réformes, sans esprit de sectarisme, cherchant toujours à rassembler le plus largement possible au service de l'intérêt général.

Je souhaite que la réforme du cumul des mandats soit votée sans tarder afin que nous donnions un signe clair à nos concitoyens avant 2014, mais aussi, et c'est la moindre des choses, qu'il y ait un renforcement des prérogatives des parlementaires et de leurs champs d'intervention. J'y vois là non pas l'expression d'une velléité corporatiste mais bien la conception d'un pouvoir législatif modernisé, dans une Assemblée renouvelée et diverse, qui souhaite donner de la force à la démocratie par ce lien essentiel entre le pouvoir et les citoyens à travers la voix des représentants que nous sommes. Nous souhaitons que cette réforme soit accompagnée par un respect encore plus fortement marqué du Parlement et du travail parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Devant vous, je tiens à adresser aux autres composantes de la majorité qui vous soutient un message à la fois d'unité et surtout de respect.

Comme vous, je le sais, j'ai conscience de la richesse que cette diversité représente pour votre gouvernement comme pour l'Assemblée nationale. Nous veillerons donc, sans mettre en cause la cohérence de votre action au service des Français, à rester attentifs aux préoccupations, à la singularité, aux propositions de tous ceux qui souhaitent la réussite de la politique que vous allez mettre en oeuvre.

Le principe de loyauté que nous souhaitons porter fortement dans cet hémicycle n'est en rien incompatible avec l'affirmation d'une identité parlementaire. J'ai la certitude que nous avons à porter haut les débats qui permettront la mise en oeuvre du changement, qu'il faut mettre un terme à cette conception réduisant ce haut lieu du débat démocratique qu'est l'Assemblée nationale à une vulgaire chambre d'enregistrement. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Nous sommes exigeants dans nos ambitions, soyons ambitieux dans nos exigences. C'est cela servir l'État, c'est servir la démocratie, et ce sera tous ensemble servir la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs des groupes RRDP et écologiste.)

Nous respecterons également le rôle de l'opposition. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) J'ai pu, dix ans durant, sur les bancs de cette assemblée – et je vous souhaite d'y passer plus de temps pour acquérir plus de sagesse (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste) – faire l'expérience du travail qui est celui des groupes d'opposition. Les Français ont voté. Notre responsabilité est de tenir nos promesses, celle de l'opposition est de proposer un autre projet. Chacun est dans son rôle, c'est la règle de la démocratie. Nous essaierons de tout faire pour que ce débat puisse se nourrir des intelligences qui sont les nôtres, d'où qu'elles viennent.

Monsieur le Premier ministre, aussi longtemps que vous conduirez notre pays sur le chemin du redressement, aussi longtemps que vous agirez dans la fidélité des principes que nous venez d'énoncer, les 295 députés de métropole, des outre-mer, représentants les Français de l'étranger qui forment le groupe socialiste, républicain et citoyen dans cet hémicycle seront là, auprès de vous, avec toutes leurs forces, leurs richesses et leurs trajectoires variées.

Dans cet hémicycle, tous, nous sommes la France, ses talents multiples, sa diversité, sa richesse. Nous sommes au travail pour cinq ans. Les députés socialistes, républicains et citoyens seront à vos côtés pour mener le difficile travail de redressement et de rassemblement de la France que vous engagez.

Cette majorité ne vous manquera pas pour tenir les engagements du Président de la République.

Le chemin que vous nous avez tracé n'autorise aucune résignation et il doit permettre que le soutien que nous vous apportons aujourd'hui, sans réserves, avec chaleur et enthousiasme, soit pour vous et votre gouvernement un pilier du redressement et du changement.

Le vote de confiance que vous demandez, c'est avant tout un vote de confiance de la France en elle-même, et c'est pourquoi, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, je suis particulièrement heureux, après cette déclaration de politique générale, de vous apporter le soutien des 295 députés de notre groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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