Or la recherche sur l’embryon ne se limite pas à une question scientifique : il s’agit d’un sujet juridique, éthique et philosophique. On ne peut considérer que la commission des affaires sociales, privée d’un tel apport, ait accompli le travail nécessaire avec tout l’éclairage requis pour valider le texte soumis à notre vote aujourd’hui, sauf à instruire à charge le procès contre la loi de bioéthique de 2011, ce qui me paraît évidemment intellectuellement malhonnête.
À la lecture du rapport de Mme Orliac, l’on s’aperçoit que la plus grande préoccupation qui justifie l’autorisation de la recherche sur l’embryon est le positionnement des chercheurs et, elle nous l’avait répété au mois de mars, leur ressenti face à l’interdit, leur insécurité juridique. Or la loi n’est pas faite pour une seule catégorie de personnes, si honorables soient-elles. La loi fixe un cadre normatif qui s’adresse à tous. L’interdiction de la recherche sur l’embryon n’est pas un principe qui s’adresse aux seuls chercheurs : c’est un principe général, qui s’inscrit dans la logique de notre ordre juridique, qui s’adresse à tous les citoyens, et qui exprime la règle de la protection de l’être humain.
La loi doit donc prendre en compte l’entièreté des enjeux : les enjeux scientifiques, certes, mais aussi juridiques, et bien sûr éthiques. La commission des affaires sociales a, peut-être par mégarde ou, pire, délibérément, oublié ces enjeux. Que dire de cette forme précipitée, qui nous amène à un débat de ce type dans la nuit du mercredi au jeudi, l’heure de minuit étant passée ?
Au-delà de la forme et du fond, je voudrais revenir quelques instants sur les épisodes précédents, pour mieux comprendre pourquoi nous dénonçons le travail qui a été mené en catimini, et surtout le manque de courage du Gouvernement qui, d’une certaine façon, avance masqué sur le sujet. Encore un texte « Canada Dry », d’abord une proposition de loi, aujourd’hui inscrite en session extraordinaire ! Le Gouvernement pourrait au moins porter totalement ce texte et l’assumer dans sa globalité ; mais il ne le fait pas.
C’est en décembre 2012, au Sénat, grâce à une niche radicale, que le texte de la proposition de loi a été voté : ce fut plié en deux heures ! Puis le texte est revenu au Sénat une deuxième fois pendant deux heures, peu avant Noël ; enfin le 28 mars, il se retrouve dans la corbeille radicale, la niche annuelle de ce groupe politique à l’Assemblée nationale. Nous voici donc contraints d’examiner cette proposition dans des conditions d’impréparation incroyables !
Une impréparation incroyable, dis-je : oui, car des auditions ont eu lieu pendant la semaine de suspension des travaux de l’Assemblée nationale – naturellement ! Le professeur Privat en a fait l’expérience, puisque personne n’a pu venir l’écouter. Je rappelle qu’il s’agissait d’une semaine de suspension des travaux de l’Assemblée, et que l’audition avait été organisée à ce moment-là : c’est malhonnête !
La commission des affaires sociales n’a convoqué ses membres que le jeudi 28 mars à 9 h 30, au moment même où se réunissait ici la séance publique afin d’examiner les nombreux amendements déposés en séance et que ladite commission des affaires sociales n’avait pas su anticiper.
Voilà où nous en sommes ! Une méconnaissance totale par les radicaux du règlement de l’Assemblée qui organise les travaux des séances d’initiative parlementaire, et le fameux gong à une heure du matin, sans oublier les relectures d’un certain nombre de lettres à cette tribune : du grotesque, du ridicule, en tout cas de l’impréparation !