Le professeur Bertrand Mathieu souligne à juste titre que « la destruction de l’embryon porte atteinte à la protection de sa vie, elle ne porte pas nécessairement et directement atteinte à sa dignité. » Aussi le problème de l’autorisation de la recherche sur l’embryon humain n’est pas tant sa destruction que l’utilisation délibérée comme outil de laboratoire d’un membre de l’espèce humaine, qui aboutira inévitablement à sa destruction. Il s’agit donc bien là de l’instrumentalisation de l’espèce humaine.
Nous ne pouvons de manière responsable libéraliser ainsi la recherche, d’autant que les travaux alternatifs du professeur Yamanaka – nous l’avons cité abondamment dans les débats de 2009 et de 2010, et, excusez du peu, il est devenu entre-temps prix Nobel de médecine en 2012 – nous montrent qu’il est possible de faire autrement, notamment avec les cellules IPS. Non, il n’y a pas nécessité de s’acharner contre l’embryon. On enregistre des progrès cliniques dus à d’autres cellules souches d’origine non embryonnaire : je pense aux cellules souches adultes, au sang de cordon et sans doute dans un avenir proche, plus largement, aux IPS.
Ensuite, pour conclure sur ce point de l’éthique, je voudrais aborder des questions qui n’ont pas été suffisamment étudiées par la commission des affaires sociales, une fois encore. Il n’est pas éthique de cacher aux parents la nature de la recherche qui sera effectuée sur l’embryon. Cela sous prétexte que ce type d’information pourrait « influencer fortement leur consentement ». C’est bien la démonstration qu’il y a un problème quelque part !
Alors que la médecine ne cesse de progresser dans la qualité de l’information donnée au patient et que dans tous les domaines on s’assure que le consentement est bien libre et éclairé, afin de respecter la liberté de chacun dans ce qu’elle a de plus précieux, voilà qu’elle lui est discrètement et volontairement retirée ici.
Il s’agit d’une grave atteinte aux droits des membres du couple, seuls décisionnaires du sort de leur embryon.
Il s’agit d’une atteinte aux droits et à l’éthique, à partir du moment où on sait qu’il s’agit d’une non information volontaire, pour être sûr en quelque sorte que l’embryon sera donné à la recherche.
Connaître la nature de la recherche qui sera faite sur leur embryon est fondamental pour que les parents sachent ce qu’il adviendra de celui-ci et quelle utilité cette recherche pourrait avoir.
Donner un embryon pour une recherche qui s’inscrit dans une perspective de soins est une décision radicalement différente de donner un embryon pour la recherche pharmaceutique, par exemple.
La volonté de cacher cette information capitale est totalement contraire au principe de liberté, d’autant que nous sommes dans un domaine grave et personnel.
La décision de laisser ses embryons à la recherche, à un autre couple, ou de les détruire, est difficile à prendre pour un couple qui témoigne d’un attachement à ses embryons. Il convient donc d’accompagner les parents en toute transparence et sans manipulation. Il s’agit là du minimum d’éthique auquel les parents ont droit. De quel droit les priverait-on d’une information à laquelle ils peuvent légitimement prétendre ?
Enfin, pour terminer, à côtés de ces enjeux juridiques, éthiques, il y a des enjeux scientifiques. La commission n’a pas non plus suffisamment abordé les enjeux scientifiques de la recherche sur l’embryon comme il se devait, c’est-à-dire de manière impartiale.
Lorsqu’on regarde les auditions menées, on s’aperçoit qu’en réalité la quasi-totalité des personnes auditionnées promeuvent officiellement la recherche embryonnaire.