Intervention de Jean-Noël Carpentier

Séance en hémicycle du 18 septembre 2013 à 15h00
Redonner des perspectives à l'économie réelle et à l'emploi industriel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Noël Carpentier :

Avec cette proposition de loi, il s’agit de lutter contre une dérive économique qui détruit des emplois et ne profite qu’à la finance, celle-là même qui ne veut rien changer, nous affaiblit par sa quête effrénée des profits à court terme, jette des milliers de personnes au chômage tout en permettant à certains d’engranger des revenus considérables.

La prééminence des stratégies financières sur les véritables projets industriels a, depuis plusieurs années, des conséquences dramatiques dans de multiples bassins d’emploi. Nous sommes malheureusement nombreux dans cet hémicycle à avoir vu des usines fermer en laissant sur le carreau les salariés désemparés et impuissants. Certains esprits ont même théorisé l’avenir de la France et de l’Europe comme celui de sociétés postindustrielles, sans plus aucune usine, guidées par la mondialisation et la financiarisation.

Mais en vérité, lorsqu’un site comme Florange ferme, ce sont des drames humains qui se jouent, des emplois qui disparaissent, des savoir-faire qui s’évanouissent et une activité locale qui périclite. Mittal, Moulinex, Continental, et bien d’autres, nous ont fait beaucoup de mal. Et parmi les 750 000 emplois perdus dans l’industrie française depuis dix ans, combien sont directement imputables au cynisme boursier de quelques-uns ?

Aussi la proposition de loi vise-t-elle particulièrement certains grands groupes, qui s’accommodent parfois de la politique de la terre brûlée plutôt que de laisser leur chance à des repreneurs soucieux de relancer l’outil de production. Dorénavant, la loi obligera, sous peine d’amende, le dirigeant à rechercher un repreneur avant de vendre le site.

Est-ce si terrible au point de justifier les cris d’orfraie du MEDEF, qui parle d’un texte « contraire à la liberté d’entreprendre » ? Soyons sérieux ! Cette disposition est équilibrée, peut-être un peu trop à mon goût, et privilégie la voie de la dissuasion plutôt que celle de la sanction, même si elle n’y renonce pas. Mais il est vrai que les ultralibéraux n’aiment pas que l’on impose l’intérêt général dans l’économie et que l’on donne davantage de pouvoir aux salariés, lorsqu’une décision de fermeture est prise.

D’autres dispositions visent à stabiliser l’actionnariat afin de lutter contre la tentation purement financière. J’aurais préféré, là encore, maintenir celles qui figuraient dans la première version de la proposition de loi, plus fermes à l’égard des OPA hostiles. Il conviendrait aussi de donner encore plus de pouvoir aux comités d’entreprise et aux représentants des salariés, afin de garantir une plus grande transparence.

Malgré sa timidité et les compromis parfois énervants dont il a été l’objet, ce texte va dans la bonne direction. La financiarisation de l’économie est ubuesque : tous les jours, nous découvrons les effets dramatiques de ses dérives ; tous les jours nous voyons les profiteurs s’engouffrer dans les manques de la régulation.

Cette proposition de loi permettra certainement d’éviter quelques abus excessifs et de limiter des licenciements injustifiables. Mais il n’est pas impossible que ses effets soient encore limités et que les syndicats salariés, qui veulent encore croire dans notre capacité de changer la vie, souhaitent légitimement élargir les dispositions de ce texte. Ce texte va dans le bon sens, mais la gauche peut faire mieux. Le débat des prochaines heures nous en donnera l’occasion.

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